Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier Françoise Cartron de son très bon rapport. Il permet à la maire de petite commune que je suis de constater que certains collègues, partout en France, ont également rencontré des difficultés dans la mise en place du projet éducatif territorial, le PEDT. Il permet également de puiser dans un éventail très riche d’exemples d’activités ou d’idées d’aménagement du temps à proposer aux enfants. Ce n’est pas la moindre de ses qualités.
L’objectif de cette réforme des temps de l’enfant à l’école était d’améliorer la réussite de tous les élèves tout en se rapprochant de certains standards internationaux : des journées allégées, des semaines mieux rythmées, donc des années un peu moins resserrées. N’oublions pas, en effet, que les élèves français connaissaient le nombre de jours d’école le plus faible des pays de l’OCDE, tout en présentant, dans le même temps, un volume horaire annuel très important. Cette anomalie se ressentait dans les apprentissages des élèves, notamment chez les enfants en difficulté. L’allégement de la concentration du temps scolaire à l’école primaire était donc, de l’avis de tous, une nécessité.
Ainsi, le retour de la cinquième matinée de classe, supprimée en 2008, offre davantage de temps pour traiter et approfondir le programme comme pour mener des projets éducatifs. Il permet également d’apporter une aide supplémentaire aux élèves en difficulté.
En complément, les élus ont été appelés à mettre en place, à travers les temps d’activités périscolaires, les TAP, devenues les nouvelles activités périscolaires, ou NAP, des propositions d’accueil des enfants. L’ensemble du dispositif devait concourir à l’amélioration des performances du système éducatif français en partant de son premier niveau, c’est-à-dire de l’école primaire.
Tout le monde s’accorde à considérer que la mise en œuvre de cette réforme a été difficile. Elle a imposé certaines adaptations auxquelles de nombreuses communes n’étaient pas préparées. Le Gouvernement a répondu aux appels à l’aide des collectivités, notamment en matière d’aides techniques et, surtout, financières, pour la mise en place des projets éducatifs territoriaux. Ce faisant, il a également créé, ainsi que vous le faites remarquer dans votre rapport, madame Cartron, des incertitudes quant à la pérennité de ces aides, notamment financières, dans les années à venir.
Ces difficultés initiales dans l’application de la réforme ont donné lieu à une perception tronquée du dispositif. Dans l’esprit de nombreux parents, cette réforme des temps de l’enfant à l’école s’est ainsi très vite résumée à une réforme du périscolaire, ce qui a polarisé les crispations.
Sur cette question, ce sont surtout les petites communes qui ont été en première ligne. Peu d’entre elles, en effet, étaient pourvues de structures d’accueil et d’un réseau suffisamment développé d’animateurs prêts à encadrer des écoliers en dehors des heures d’enseignement. Les aides proposées, 50 euros par enfant et par an, majorés à 90 euros en zone urbaine sensible ou en zone rurale revitalisée, n’étaient pas toujours suffisantes pour des communes qui partaient de zéro – je parle en connaissance de cause.
Plusieurs interrogations sont alors apparues : comment fait-on si aucun bénévole n’est disponible pour assurer l’accueil des enfants ? Faut-il sacrifier la gratuité, comme plusieurs communes ont dû s’y résoudre, incapables sinon d’être en mesure de proposer des activités pour les enfants ?
Pis encore, comment éviter la concurrence entre communes pour essayer d’attirer les rares animateurs disponibles dans certaines zones ? La question des locaux à disposition pour accueillir les enfants, dès lors qu’on souhaite sortir les élèves de leur salle de classe pour justement mieux segmenter, dans leur esprit, les temps à l’école, s’est également révélée un casse-tête.
Concernant la qualité des offres, une métropole ou une grande intercommunalité peut compter sur un tissu associatif dense et des professionnels aguerris lui permettant de proposer des activités variées et originales. Les petites communes ne peuvent pas à tous coups à s’appuyer sur de tels relais, ni sur des animateurs toujours formés.
Enfin, je ne peux éluder la question de l’absentéisme, en particulier lorsque la demi-journée est fixée au samedi matin et non au mercredi, tant elle touche de plein fouet le département des Bouches-du-Rhône, par exemple.
Dans mon département, près de 50 % des effectifs peuvent manquer à l’appel en maternelle et 20 % en élémentaire, selon un rapport de l’Inspection générale. C’est inquiétant, mais cela n’exonère pas les parents de leur responsabilité. Comme l’indique le rapport de l’Inspection générale, c’est le profit même de la réforme qui est en jeu : « Une augmentation de l’absentéisme, si elle se confirmait, serait de nature à remettre en question l’intérêt pédagogique de la réforme ».
Rassurez-vous, madame Cartron, je n’insiste pas à dessein sur ce qui ne fonctionne pas, ou qui fonctionne mal, je profite seulement de la tribune qui m’est offerte pour relayer les difficultés et les inquiétudes des maires des petites communes face à ce qui est, tout de même, une réforme d’ampleur.
Je ne néglige cependant pas la coopération renforcée entre les acteurs locaux de l’éducation – école, associations, parents, élus – engendrée par cette réforme. Je n’oublie pas non plus que, désormais, près de trois enfants sur quatre prennent part à des activités sportives ou culturelles, dont beaucoup d’entre eux étaient exclus jusqu’alors. Cela constitue un réel progrès et contribue à réduire certaines inégalités dans la vie des élèves en dehors de l’école.
Je conclus mon propos par une résolution : je souhaite que cette réforme essentielle et salutaire des temps de l’école ne conduise pas à renforcer certaines inégalités entre les communes qui ont les moyens et celles pour qui tout est toujours un peu plus compliqué.