Je dissipe tout malentendu sur le rapport au réel ; je crois faire partie des fonctionnaires français ayant un certain rapport à la réalité : j'ai vu 150 individus radicalisés, et ai vécu en tant que femme ce que c'est que d'être regardée avec un mélange de mépris, de haine et aussi, une certaine ambivalence. Certains repentis évoquent toujours les éléments de fascination, de quasi hypnotisation qui les ont poussés à partir.
Ces deux phénomènes sont inquiétants mais ne se recoupent que partiellement. Je n'ai pas les moyens de lutter contre le salafisme en France, phénomène complexe. Il existe un salafisme quiétiste mais aussi une forme de continuité avec la radicalisation. Nous n'avons pas d'autre option que de mobiliser l'islam de France sur une voie ouverte et crédible.
Personne ne prétend disposer d'une baguette magique face à la radicalisation, ni sur la prison, ni sur les mineurs, ni sur les femmes. La priorité est de lutter contre l'association de la violence et de l'extrémisme doctrinal. Le phénomène est bien identifié en France et de plus en plus pris en charge. Nous avons besoin qu'il le soit encore davantage.
Sur l'objectif poursuivi, je ne suis pas convaincue par le terme de « déradicalisation », et n'ai pas rencontré de praticiens ou d'intellectuels qui l'étaient. Je ne pense pas que la radicalisation puisse être suivie d'un processus homothétique inverse, comme une carte du Tendre empruntant à rebours les étapes de la radicalisation. Cette sortie suit un chemin différent : tantôt une évolution vers une pratique religieuse apaisée, tantôt une remise en cause de la conversion; mais toujours une mise à distance de la violence. Je ne veux pas inoculer un vaccin contre la radicalisation ou un remède - il n'existe pas. Mais renforçons les anticorps !