Intervention de Jean Pierre Vogel

Réunion du 20 octobre 2016 à 14h45
Situation de la filière équine — Débat sur les conclusions d'un rapport de la commission des affaires économiques

Photo de Jean Pierre VogelJean Pierre Vogel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je tenais tout d’abord à féliciter notre collègue Anne-Catherine Loisier pour ce rapport, qui a été salué par l’ensemble des acteurs de la filière cheval, tant pour l’analyse fine qu’il dresse de l’état de la filière que pour les propositions et les perspectives qu’il met en avant pour sortir de la crise.

En effet, il est primordial de projeter cette filière dans l’avenir et dans l’Europe, pour bien appréhender les difficultés qu’elle rencontre. C’est dans ce but que les présidents de la Fédération française d’équitation, de la Société hippique française, des sociétés Le Trot et France Galop et de la Société française des équidés de travail se sont réunis au Sénat le 6 octobre dernier sous la présidence de Mme Loisier pour signer un appel historique à la mise en place d’une politique européenne globale et ambitieuse du cheval.

Le cheval est présent dans de nombreux secteurs de l’économie : l’agriculture, le sport, la santé, le tourisme, l’éducation, l’environnement et la sécurité. Le modèle français se caractérise par la construction d’une filière d’excellence dans ce domaine, reconnue en Europe et dans le monde.

Avec plus d’un million de chevaux en France, la filière génère environ 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires, par l’intermédiaire de plus de 53 000 entreprises.

L’élevage et le sport de haut niveau français ont brillé aux jeux Olympiques de Rio. Les cavaliers français ont gagné deux médailles d’or par équipe, en saut d’obstacles et en concours complet. Sur les six couples rassemblant un cavalier et un cheval récompensés, quatre chevaux sont des Selle Français issus de nos élevages au rayonnement international.

Par ailleurs, l’association de la filière avec les paris hippiques a permis de bâtir un modèle solide et autonome qui a, au fil du temps, mieux résisté à la crise que ses équivalents chez nos voisins européens. En effet, les paris hippiques, qui constituent une manne financière importante pour l’État, ont permis de financer le monde des courses sans qu’il dépende des aides publiques. Malheureusement, différentes évolutions réglementaires et fiscales récentes ont fragilisé ce modèle. Plus que jamais, le monde du cheval a besoin du soutien des gouvernants pour survivre.

À cet égard, monsieur le ministre, trois éléments méritent notre attention toute particulière et demandent que l’on agisse de concert avec l’Europe, efficacement et rapidement.

Le premier est la TVA. La filière équine bénéficiait, jusqu’en 2012, d’un taux réduit à 5, 5 %, mais la mise en œuvre d’une disposition européenne a fait passer la TVA à 20 %. La Commission européenne envisage aujourd’hui deux options : proposer un réexamen régulier, au niveau européen, de la liste des activités bénéficiant de taux de TVA réduits ou laisser la possibilité aux États de fixer eux-mêmes les activités soumises à taux réduits.

À la suite de mon interpellation lors de son audition au Sénat en juin dernier, le commissaire européen Pierre Moscovici a indiqué sa préférence pour une plus grande flexibilité, estimant qu’il fallait sortir du système centralisé de listes pour apprécier au niveau national des activités bénéficiant de la TVA à taux réduit. La filière équine doit en faire partie !

Les conséquences de l’augmentation du taux de TVA sont en effet déjà dramatiques. La charge fiscale supplémentaire de 50 millions d’euros pour les propriétaires de chevaux de courses a conduit à une diminution du nombre de chevaux à l’entraînement, amorçant une baisse des enjeux sportifs et la disparition de nombre de petits éleveurs.

En outre, de nombreux centres équestres sont au bord de la faillite, car notre système reposait sur les tarifs accessibles qu’autorisait le taux réduit de TVA. Or les structures sont contraintes, pour ne pas perdre leur clientèle, de maintenir leurs tarifs, et ne répercutent donc pas l’augmentation de la TVA. À cela s’ajoute la réforme des rythmes scolaires, laquelle a réduit les plages horaires disponibles et a entraîné une baisse d’activité.

Des statistiques communiquées par le Groupement hippique national révèlent que le chiffre d’affaires moyen des centres équestres a baissé de 6 % entre 2013 et 2015, alors que leur excédent brut d’exploitation baissait de 10 %.

Appliquer une fiscalité adaptée pour ces activités permettrait de défendre leurs effets positifs de maillage territorial, d’animation sociale et de maintien de l’emploi dans les zones rurales.

Le deuxième point qui doit attirer notre attention concerne les paris hippiques. En effet, il faut que la France se dote d’une véritable politique des jeux. Les enjeux permettent le financement des courses, ainsi que les deux fonds d’encouragement aux projets équestres régionaux ou nationaux, les fonds EPERON I et II, et le fonds Équitation, créé en 2014 pour soutenir la filière après la hausse de la TVA.

Les paris hippiques jouent donc un rôle de financement de la filière équine. Or, dans les points de vente physique, la concurrence avec la Française des jeux sur les paris sportifs a été lourde de conséquences pour le PMU. Le Sénat avait adopté un amendement lors de l’examen de la loi de finances pour 2016 visant à réguler les paris sportifs et à opérer un rééquilibrage en faveur des paris hippiques. Il a été retoqué par le Gouvernement pour des raisons budgétaires.

Il est donc important que le ministre de l’agriculture convainque le ministre chargé du budget de la nécessité de prendre des mesures pérennes afin de consolider la filière équine, plutôt que de nous opposer des contraintes budgétaires immédiates qui pénalisent et fragilisent l’ensemble des acteurs dépendants des paris hippiques.

Enfin, le troisième et dernier point concerne la politique agricole commune, la PAC. Monsieur le ministre, je souhaite une nouvelle fois attirer votre attention sur l’interprétation particulièrement stricte qu’en font vos services, qui va mettre à mal une profession déjà fortement malmenée. En effet, les exploitants agricoles, bénéficiaires jusque-là des aides des premier et deuxième piliers de la PAC, ne pourraient plus y prétendre en raison de leur diversification dans une activité relevant du domaine du cheval.

Pour conclure, au moment même où se déroule au Lion-d’Angers, comme tous les ans, le championnat du monde de concours complet des jeunes chevaux, il est important de rappeler combien le Sénat est à l’écoute des acteurs du monde du cheval.

Il appartient dorénavant au Gouvernement de se joindre à nos discussions pour engager une véritable réflexion autour des solutions à apporter à cette filière d’excellence qui cherche à regagner son autonomie financière et qui mérite toute notre attention, tant elle participe au dynamisme et à l’attractivité de nos territoires ruraux, dont beaucoup se sentent, au mieux, ignorés, au pire, abandonnés.

Monsieur le ministre, si nous voulons de nouveau inaugurer ensemble un hippodrome, comme nous l’avons fait il y a deux ans dans la Sarthe, il est urgent de résoudre le problème de la TVA ! Nous attendons de vous que vous nous y aidiez.

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