Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, c’est l’amour du cheval qui nous réunit aujourd’hui ; pour autant, c’est l’avenir incertain de la filière qui alimente notre débat.
Compagnon tantôt fidèle, tantôt farouche de l’homme depuis au moins cinq mille ans, le cheval a vu sa place dans les sociétés humaines s’affaiblir au gré des révolutions industrielles. La puissance mécanique des machines à vapeur et de l’automobile reléguant le cheval au rang de distraction.
Pourtant, si l’économie s’est affranchie du cheval, l’économie du cheval demeure une réalité aux multiples implications : tourisme et loisir en figure de proue, emploi, agriculture et aménagement du territoire en toile de fond.
Aujourd’hui, les centres équestres constituent le foyer de l’économie du cheval sur tout le territoire national.
Dans leur rapport de 2012 sur la filière équine à l’horizon 2030, l’Institut national de la recherche agronomique et l’Institut français du cheval et de l’équitation nous rappellent que la filière a connu une formidable expansion au tournant des années 2000, avec 1, 5 million de pratiquants supplémentaires dont 700 000 licenciés entre 2000 et 2010, avec 60 % de croissance pour les paris hippiques entre 2000 et 2010 et, surtout, avec le doublement du cheptel entre 1995 et 2010 pour atteindre près d’un million de chevaux sur le territoire national.
Mais l’un des éléments marquants de ce rapport résidait dans les perspectives de croissance du secteur, avec le doublement des centres équestres pour 2017 ainsi que la forte croissance des propriétaires d’équidés en dehors des structures.
Comme le rapport précité nous le dévoilait, nous nous dirigions alors vers une expansion de la filière qui nous permettait d’envisager l’achèvement de la démocratisation de cette activité.
L’INRA et l’IFCE évoquaient sans retenue un scénario de croissance dénommé : Tous à cheval, le cheval dans le marché des loisirs, porté par une grande diversité d’entreprise s. Dans ce scénario, une forte segmentation entre loisirs, sports et courses était envisagée, au même titre que de fortes importations, auxquelles devait succéder un approvisionnement national.
Pourtant, la filière équestre a connu un arrêt brutal.
Elle n’a pas pleinement saisi les formidables opportunités qui s’offraient à elle avec le développement de l’écotourisme, la montée en puissance des enjeux environnementaux et la pression sur les ressources, ou encore avec le projet de développement d’une filière cheval en Chine, que rappelle le rapport de notre collègue Anne-Catherine Loisier dans son introduction.
La responsabilité de ce rendez-vous manqué doit donc être identifiée.
Assurément, les acteurs de la filière, largement atomisés puisque l’on compte 53 300 entreprises se rattachant au secteur, dont 64 % se consacrent à l’élevage, ne sont pas en cause.
Comme tous les observateurs de la profession le rapportent, pour bon nombre de ces professionnels, le cheval offre une opportunité de diversification avec 80 % d’élevages qui ne détiennent qu’une ou deux juments et 85 % des éleveurs qui ne sont pas spécialisés dans cette activité.
Que s’est-il passé pendant ce bref intervalle entre 2012 et 2017 ? Un renforcement de la concurrence internationale, le désengagement de l’État, avec la transformation des Haras nationaux et l’ouverture à la concurrence des paris hippiques.
Sont intervenues ensuite la baisse du pouvoir d’achat des Français, en premier lieu des classes moyennes, dont sont issus les pratiquants, et la réforme des rythmes scolaires, laquelle a débouché sur une diminution du chiffre d’affaires de 10 % à 15 % le mardi soir, le mercredi matin et le samedi. Le rapport n’omet pas ces explications.
Au-delà de ces circonstances ou d’une conjoncture néfaste, totalement indépendante de la stricte filière équine, le fait majeur aura été la hausse de la TVA, portée au taux normal de 20 % et appliquée à partir du 1er janvier 2013.
Conséquence directe de la directive TVA de 2006 et de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 8 mars 2012, qui limite le taux réduit de TVA aux opérations relatives aux chevaux non destinés à être utilisés dans la préparation de denrées alimentaires ou à la production agricole, la TVA s’envole pour les centres équestres, entraînant un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions d’euros.
À cette hausse impressionnante de la fiscalité – je rappelle ici que certaines activités sont passées directement de 2, 1 % à 20 % de TVA –, il faut ajouter la complexité des nouveaux seuils, puisque certains centres équestres n’ont pas assimilé la différenciation entre l’accès aux installations, soumis à une TVA à 5, 5 % et l’enseignement, taxé, lui, à 20 %.
Pour ces raisons, il ne faut pas croire que les compensations EPERON I et II et leurs 15 millions d’euros d’engagement en 2014 peuvent apporter une réponse pérenne.
Je n’insisterai donc pas davantage sur les critères d’attribution et sur le principe de sélection des dossiers à caractère novateur et structurant, qui nécessairement ne correspondent pas à l’activité quotidienne des centres équestres, qui est de fournir une activité sportive ou de vendre des chevaux de sport et de loisirs.
Le constat est le même en ce qui concerne le fonds Équitation et ses 16 millions d’euros prélevés sur les jeux hippiques et versés à la Fédération française d’équitation.
Outre une réforme en profondeur de ces fonds, deux solutions peuvent être envisagées pour que les centres équestres sortent durablement de l’ornière.
La plus efficace est aussi la plus simple : la révision de la directive TVA. Pour cela, il faut une volonté politique, monsieur le ministre.
Une autre solution apparaît également durable sur le pan fiscal, dans le cas où la directive TVA ne pourrait être révisée : la reconnaissance, pour les éleveurs, du caractère agricole des ventes des équidés d’élevage, y compris à destination sportive, ainsi que le classement en établissement sportif des centres et fermes équestres, afin qu’ils bénéficient d’un taux réduit de TVA.
Une dernière possibilité, présentée par le collectif « L’équitation en péril » résidait dans l’affirmation, pour les agriculteurs diversifiés, de la spécificité des entreprises agricoles, qui pourraient être considérées comme des TPE et bénéficier ainsi d’une fiscalité particulière.
Vous avez compris, monsieur le ministre, que nous avons l’obligation de trouver une solution durable pour cette filière. Les 200 000 personnes qui vivent aujourd’hui du cheval et les 1, 5 million de cavaliers nous attendent !