C'est avec bonheur que je reviens dans cette maison, que j'ai beaucoup fréquentée et aimée dans ma carrière.
Je viens en effet vous présenter les grands objectifs du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, délibéré en conseil des ministres le 3 août 2016 et qui, conformément à l'article 39 de la Constitution, est soumis en premier lieu à l'examen de la Haute Assemblée.
Je commencerai ma présentation par quelques rappels historiques.
Paris a longtemps suscité la crainte de l'État central par ses penchants insurrectionnels. Les soulèvements révolutionnaires, entre 1789 et 1800, en 1830 et en 1848 et, enfin, l'épisode de la Commune de 1870-1871 ont conduit à ce que soit forgé, pour Paris, un statut spécifique.
La ville-capitale, siège des institutions de la République, a de surcroît toujours fait l'objet d'un régime administratif particulier. Cependant, depuis les années 1970, il tend à se normaliser, en se rapprochant du droit commun. Sans doute a-t-on constaté alors que les Parisiens étaient devenus un peu plus raisonnables et un peu plus calmes, voire un peu plus sages, en tout cas moins contestataires.
Plusieurs textes ont constitué autant d'étapes pour aboutir à la situation statutaire actuelle de Paris.
La loi la plus emblématique fut celle du 31 décembre 1975, qui a prévu l'élection du maire de Paris au suffrage universel au second degré, mettant fin à l'administration préfectorale de la ville - et aboutissant à l'élection de Jacques Chirac comme premier maire de Paris. Auparavant, la loi du 10 juillet 1964 avait supprimé le département de la Seine et créé les trois départements de la petite couronne et le département de Paris, superposant ainsi le département et la commune de Paris. La loi du 31 décembre 1982, dite « loi Paris-Marseille-Lyon », a instauré pour ces trois villes l'organisation des élections municipales dans le cadre des arrondissements. Les lois du 29 décembre 1986 et du 27 février 2002 ont transféré au maire de Paris certaines compétences en matière de police jusqu'alors exercées par le préfet de police.
Il est temps d'aller encore plus loin dans la simplification et la rationalisation de l'action administrative, en fusionnant les deux collectivités - la commune et le département - qui recouvrent le même périmètre.
Il est également temps de poursuivre la voie de la décentralisation, en délégant de nouvelles compétences de proximité aux arrondissements parisiens.
Le projet de loi comporte deux titres distincts - le statut de Paris, d'une part, un ensemble de mesures relatives à l'aménagement, aux transports et à l'environnement métropolitains, d'autre part - soit, en tout, 41 articles.
La réforme du statut de Paris poursuit trois objectifs principaux.
Le premier, c'est la modernisation du statut, qui s'inscrit dans le prolongement de la réforme territoriale, puisqu'il s'agit de rendre plus lisible l'action publique pour les parisiens.
Malgré les réformes successives que j'ai rappelées, le statut actuel apparaît parfois inadapté, comme lorsqu'il réunit deux collectivités - une commune et un département - sur un seul territoire, les deux étant dirigées par une même assemblée délibérante et pilotée par une administration unique, anomalie relevée notamment par un récent rapport de la chambre régionale des comptes de 2015.
Le Gouvernement vous propose donc de fusionner ces deux entités, pour mettre un terme à cette fiction institutionnelle. La mise en place de guichets uniques pour les parisiens et les associations s'en trouvera accélérée ; la gestion municipale, financière notamment, sera facilitée par la suppression de deux budgets ; les procédures, notamment pour les marchés publics, seront raccourcies et plus opérationnelles ; la gouvernance sera plus efficace et plus lisible, tant pour les citoyens que pour les élus.
La nouvelle collectivité à statut particulier, dénommée « Ville de Paris », exercera les compétences actuelles de la commune et du département de Paris à compter du 1er janvier 2019.
Le deuxième objectif du projet de loi est de renforcer la démocratie locale à Paris, ce qui passe par le transfert aux maires et aux conseils d'arrondissement de nouvelles compétences en matière de gestion des équipements de proximité.
Par ailleurs, un nouveau secteur électoral, réunissant les quatre premiers arrondissements, sera mis en place pour une meilleure représentativité des conseillers de Paris, cohérente avec les évolutions démographiques de la capitale. Ce point a d'ores et déjà suscité de nombreuses prises de position. La répartition, déjà modifiée en 1982 et en 2013, fait aujourd'hui apparaître des écarts importants. Il faut en moyenne 13 000 habitants pour élire un conseiller à Paris, mais 17 000 dans le 1er arrondissement et 11 000 dans le 2e arrondissement, ce qui pose des questions de constitutionnalité.
Avec le présent texte, le nouveau secteur comptera toujours huit conseillers de Paris, un nombre égal à la somme de l'effectif actuel des conseillers de Paris des quatre premiers arrondissements pour une population de 101 764 habitants, soit un siège pour 12 720 habitants.
Cette réforme n'a quasiment pas d'impact politique, si l'on se fonde sur les résultats des dernières élections municipales de 2014 : le secteur électoral serait toujours représenté par six conseillers de Paris de gauche et deux de droite ; il y aurait 17 maires d'arrondissement au lieu de 20, un de moins pour la droite et deux de moins pour la gauche.
Cette fusion des arrondissements permettrait de renforcer à la fois l'efficacité des services publics de proximité et la mutualisation dans un secteur élargi.
Le troisième objectif du présent texte porte sur l'approfondissement des transferts de compétences entre le préfet de police, qui exerce les pouvoirs de police conférés par l'arrêté consulaire du 12 messidor an VIII, et le maire de Paris.
L'État doit bien sûr conserver des prérogatives spécifiques, mais il est possible d'aller vers plus de décentralisation. Compte tenu de la menace terroriste, il apparaît également nécessaire de recentrer la préfecture de police sur les enjeux de sécurité.
Le projet de loi prévoit donc de confier au maire de Paris des compétences de proximité telles que la police du stationnement, la police des baignades, la réglementation des manifestations sur la voie publique à caractère festif, sportif ou culturel, et la police de la salubrité des habitations. L'État, à travers la préfecture de police, se recentrera sur sa mission de sécurité publique. Le préfet de police se verrait ainsi transférer la police des aérodromes de Roissy-Charles de Gaulle et du Bourget, mais pas celle de l'aérodrome d'Orly.
Sans entrer dans le détail, les dispositions relatives à l'aménagement métropolitain ont pour objet d'accélérer la réalisation des opérations d'aménagement et de permettre des mutualisations de moyens entre les opérateurs fonciers.
Les créations de filiales et les prises de participations par les établissements publics fonciers, les établissements publics d'aménagement et l'établissement public Grand Paris Aménagement seraient désormais facilitées ; elles seraient en effet soumises à l'approbation du préfet, et non plus à celle conjointe des ministres chargés de l'économie, du budget et de l'urbanisme.
Les moyens des établissements publics fonciers et des établissements publics d'aménagement seraient regroupés. Certains sont déjà engagés dans des démarches de rationalisation de leurs moyens, sans forcément entrer dans une procédure de fusion. La loi leur permettrait d'aller plus loin et de passer par une étape de mutualisation, ce que souhaite faire Grand Paris Aménagement avec les établissements publics d'aménagement Orly Rungis-Seine Amont (ORSA) et Plaine de France, par exemple.
Une nouvelle entité alliant une société publique locale d'aménagement - SPLA -, relevant des collectivités territoriales, et l'État serait créée : la SPLA d'intérêt national, ou SPLA-IN.
Enfin, un établissement public local pour l'aménagement et la gestion du quartier d'affaires de La Défense serait créé, par ordonnance, pour moderniser et hisser au niveau de la compétition économique métropolitaine un quartier qui date des années 1950.
S'agissant des métropoles, le projet de loi complète la réforme territoriale menée par le Gouvernement depuis 2012, notamment la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) du 27 janvier 2014, en assurant un maillage du territoire équilibré grâce aux grandes agglomérations, susceptibles de devenir des métropoles. Certaines anciennes capitales de région risquaient en effet de se sentir laissées pour compte, au regard de leurs potentialités de développement. Leurs élus se sont donc fortement mobilisés pour l'élargissement du statut de métropole. Je vous rappelle qu'aujourd'hui, il existe quinze métropoles.
Les métropoles se caractérisent par un degré d'intégration élevé et par la place donnée à la contractualisation avec les départements, les régions et l'État. Un tel statut accroît la cohérence territoriale de leur action et favorise la mutualisation des moyens, notamment en matière de logement ou de transports. La question de son élargissement en faveur des grands centres urbains dotés d'une zone d'emplois fortement peuplée se pose légitimement.
Le projet de loi prévoit donc de donner ces atouts à de grandes agglomérations françaises susceptibles d'engendrer un développement économique sur leur territoire. Il ne s'agit que d'une faculté, mais qui serait porteuse, pour certains territoires, de perspectives de développement.
Le projet de loi prévoit en conséquence de permettre à de nouveaux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de prétendre au statut de métropole au regard de leurs caractéristiques démographique, administrative et économique. Les zones d'emploi de ces futures métropoles devront être supérieures à 400 000 habitants, ce qui confère à ces établissements une légitimité indéniable. Il est donc proposé d'autoriser la transformation en métropoles des EPCI concernés dans deux cas :
- ceux réunissant la double condition - zone d'emploi de plus de 400 000 habitants, présence du chef-lieu de région - sans que puisse leur être opposée une condition portant sur les compétences exercées. La communauté urbaine de Dijon et la communauté d'agglomération d'Orléans seraient concernées ;
- ceux de plus de 400 000 habitants sans chef-lieu de région, comme la communauté urbaine de Saint-Étienne et la communauté d'agglomération de Toulon.
Le projet de loi poursuit donc plusieurs objectifs : simplification de l'action administrative locale, approfondissement de la décentralisation, meilleure gestion de proximité, tant opérationnelle que démocratique. Il s'inscrit dans la continuité des réformes territoriales menées par le Gouvernement depuis le début du quinquennat.