Intervention de David Assouline

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 octobre 2016 à 10h05
Contrat d'objectifs et de moyens de france télévisions pour la période 2016-2020 examen de l'avis de la commission — Communication

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Le rapport de Monsieur Jean-Pierre Leleux est assez complet et a le mérite de défendre la position que son parti soutient sur le sujet. La critique de ce COM est dans le droit fil de cette position. Elle consiste à dire que le service public de l'audiovisuel possède une trop grande envergure et qu'il convient de l'amoindrir, en supprimant France 3 si nécessaire. J'y suis opposé et pense qu'il faut maintenir l'existence de cette antenne malgré son coût important.

Les points positifs et négatifs que le rapport confronte n'y sont pas objectivement mis en balance. Ce rapport est un réquisitoire contre le COM et ses contradictions le montre. Vous avez toujours défendu l'idée que France Télévisions souffrait d'un manque de stabilité. Celui-ci est de nature politique, notamment du fait d'injonctions contradictoires de l'État, mais également économique depuis la suppression, en 2009, d'une partie de la publicité qui offrait un financement pérenne. La publicité constituait, en effet, 50% des ressources de France Télévisions et complétait efficacement la dotation de l'État pour protéger le groupe de tout déficit. Cette ressource mixte, à la fois privée et publique, était synonyme d'indépendance et plaçait le groupe dans une logique de dynamique et de conquête intéressante.

Vous êtes, aujourd'hui encore, favorable à la baisse des ressources publicitaires de France Télévisions sans proposer de moyens réellement à même de compenser ce manque à gagner. Tout en prétendant défendre la stabilité de France Télévisions, vous êtes donc prêt à mettre sa viabilité financière en péril. Si l'élargissement de l'assiette de la CAP constitue bien une piste pour répondre à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, rien ne prouve qu'elle soit suffisante pour garantir cette stabilité et compenser, à long terme, cette baisse de recettes.

Le retrait de la publicité des chaînes publiques peut être analysé sous deux angles. Le premier consiste à le considérer comme un moyen de protéger l'audiovisuel public de toute influence commerciale. La réforme de 2009 a choisi l'autre option : considérer la manne publicitaire de France Télévisions comme une ressource dont les chaînes commerciales étaient de facto privées et qu'il convenait de leur restituer. Je suis opposé à cette vision et lorsque vous souhaitez amoindrir encore les recettes publicitaires de France Télévisions, je me demande si la réduction de la publicité constitue votre réelle motivation ou si vous souhaitez simplement que les chaînes privées bénéficient directement de cette nouvelle opportunité financière.

La volonté de réduire le périmètre du service public de l'audiovisuel en supprimant une des chaînes - France 3 ou France 4 - n'est, en réalité, que la conséquence croisée de votre volonté de supprimer certaines recettes et de votre refus d'envisager de nouvelles ressources, comme celles de la SVOD par exemple.

Il est également incohérent de défendre la stabilité de France Télévisions d'une part et de soutenir l'idée d'un COM provisoire d'un an d'autre part. A fortiori lorsqu'une nouvelle présidente vient de prendre la tête de France Télévisions et qu'après avoir été sélectionnée sur la base d'un projet, elle organise maintenant les moyens et les équipes nécessaires pour le mettre en oeuvre en négociant ce COM. La volonté d'un COM provisoire d'un an revient à souhaiter que son exécution soit subordonnée aux différents changements politiques qui pourront intervenir en 2017. Ce souhait semble encore une fois contradictoire puisque vous dénoncez vous-même la trop forte tutelle de l'État sur l'audiovisuel public.

La place du service public de l'audiovisuel fera, en tout état de cause, l'objet d'un débat de la prochaine élection présidentielle.

Décider de l'élargissement de l'assiette de la CAP n'est pas du domaine du COM mais de la compétence du Parlement, dans le cadre du vote de la loi de finances. Je vous engage donc, Monsieur le rapporteur, à proposer, comme moi, un amendement allant en ce sens. Je ne pense cependant pas qu'il sera suivi par votre famille politique.

Je souhaite également rétablir à deux euros l'augmentation de la CAP prévue dans le projet initial de loi de finances pour 2017. En effet, la commission des finances de l'Assemblée nationale a ramené cette augmentation à un euro, en prévoyant de la compenser par une augmentation de la taxe sur les fournisseurs d'accès à internet (FAI). Or, contrairement à la CAP qui est inconditionnellement affectée à l'audiovisuel public, cette taxe sur les FAI ne l'est pas totalement. L'augmentation de la CAP est donc un moyen sûr de pérenniser les ressources de l'audiovisuel public : deux euros d'augmentation représentent une recette annuelle de 50 millions d'euros supplémentaires, soit 250 millions sur cinq ans. Il n'y a donc pas de mauvaise prévision de gestion dans le COM tel qu'il est proposé. Je salue au contraire la volonté affichée d'atteindre un budget équilibré, contrairement au COM de Radio France, par exemple.

Un renforcement de l'identité des chaînes conforme à nos attentes est également prévu par le COM, ainsi que la réorganisation de France 3 qui continuera de couvrir l'ensemble du territoire sur la base des 13 grandes régions. Sa faculté à traiter l'information et la culture au niveau local rend France 3 irremplaçable. Le coût important que représente cette chaîne doit donc être perçu au regard de son rôle essentiel. Certaines améliorations peuvent, certes, encore être effectuées mais je demande aux membres de la commission de reconnaitre l'impact très négatif que peut avoir la fermeture d'une antenne locale de France 3 pour le territoire où elle est implantée. L'analyse du COM ne doit pas faire abstraction de ces considérations de terrain. Il est, en ce sens, important qu'un consensus émerge afin de protéger et de sanctuariser France 3.

Je rejoins le rapporteur sur la vitesse très importante à laquelle se propage la révolution numérique et l'impossibilité qui en résulte de pouvoir anticiper certains bouleversements au sein du COM. Les prévisions sur lesquelles le COM se base sont donc relatives. Il n'y a, en conséquence, aucune raison que le service public de l'audiovisuel se détourne des nouveaux usages numériques des consommateurs, faute de courir à sa propre mort. La SVOD est un élément majeur de la nécessaire adaptation de France Télévisions. Ce service représente un moyen efficace de valoriser le stock important de contenus parfois inédits que le groupe possède, en complément de sa diffusion linéaire. Si le stock de créations ou de productions non-diffusées s'est longtemps constitué à perte, il peut aujourd'hui devenir un véritable levier de rentabilité pour une plateforme SVOD. Comme le rapporteur, je critique toutefois l'absence dans le COM d'éléments concrets sur la stratégie SVOD de France Télévisions. Je le soutiendrais donc, s'il devait solliciter un avenant au COM, afin que nous soyons, à terme, mieux informés de son financement et de sa stratégie.

Cet avenant ne devra pas remettre en cause l'ensemble de la stratégie du COM. Celle-ci est, en effet, bien lisible et consiste à garantir à ce pays un service de l'audiovisuel public nécessaire, pérenne et qui continuera de se moderniser sans sacrifier son envergure.

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