Intervention de Jean-Pierre Leleux

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 19 octobre 2016 à 10h05
Contrat d'objectifs et de moyens de france télévisions pour la période 2016-2020 examen de l'avis de la commission — Communication

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux, rapporteur :

Il sera difficile de fournir un ensemble exhaustif de réponses aux questions soulevées. Je tiens, cependant, à rappeler, en premier lieu, le contexte spécial de l'audiovisuel public. Il est, je le répète, marqué par la formidable révolution numérique qui touche à la fois le son, l'image et la distribution de la culture à destination de l'ensemble des citoyens. Si tous les secteurs économiques sont touchés, l'audiovisuel public l'est en premier lieu. La rapidité de cette révolution rend toute réforme difficile. L'ancien commissaire européen Viviane Reding illustrait récemment ce phénomène : « Le numérique galope et les politiques parlent ». Le temps nécessaire à la sphère politique pour réformer est démesurément long par rapport à ce bouleversement technologique permanent.

En tant que co-rapporteur, au côté de Colette Mélot et André Gattolin, sur le projet de révision de la directive « Services de médias audiovisuels », je tiens à pondérer les propos relatifs à la complaisance de l'Europe vis-à-vis des opérateurs numériques. Le projet en cours vise, en effet, à élargir le champ de cette directive aux plateformes de partage de vidéos. Je concède, toutefois, que le temps nécessaire à l'adoption puis à la transposition de cette directive créera, au moment de son entrée en vigueur, un décalage entre son contenu et l'état des technologies du numérique qui n'aura cessé d'évoluer depuis.

Ce constat doit nous pousser vers une réforme systémique de l'audiovisuel public. Cette réforme a d'ailleurs déjà été envisagée dans le rapport de 2009 de David Assouline et Jacques Legendre, dans celui de 2010 de la présidente Les comptes de France Télévisions : quelle ambition pour la télévision publique ?, ainsi que dans celui que j'ai coécrit avec André Gattolin l'année dernière. Cette réforme et nécessaire à la survie de l'audiovisuel public, que nous souhaitons tous différent et fort.

Les échéances politiques de 2017 constituent également un élément de contexte notable puisque les questions relatives à l'audiovisuel public se trouveront au coeur des débats. Il est donc difficile de se prononcer sur un COM couvrant une période de cinq années au regard des mouvements qui auront lieu l'année prochaine. Si je souhaite, il est vrai, plus d'indépendance pour le service public de l'audiovisuel, je ne pense pas que ces événements politiques puissent se dérouler sans interférences. Synchroniser, à l'avenir, l'adoption des COM avec les échéances politiques majeures pourrait être une solution. Car il reste un certain nombre de travaux à effectuer pour rendre l'audiovisuel public indépendant.

Sur le fond, certaines interprétations de mes propos sont erronées. Si je défends, il est vrai, une amélioration du fonctionnement de France 3, je ne souhaite absolument pas la suppression de cette chaîne. Il est, bien au contraire, nécessaire de garantir l'expression de l'audiovisuel public dans les régions et dans les territoires. Il serait d'ailleurs paradoxal, qu'en tant que représentants des collectivités territoriales, nous souhaitions le contraire. Je pense néanmoins que cette chaîne doit être réformée au-delà de ce que propose le COM - l'adaptation des structures administratives de la chaîne au redécoupage de la loi NOTRe et l'augmentation de 10% du budget alloué à la production régionale. Si ce dernier point est positif, il n'est pas suffisant pour régler l'ensemble des dysfonctionnements de la chaîne. Ces dysfonctionnements nous sont d'ailleurs fréquemment relayés par les journalistes locaux de France 3 auprès desquels nous sommes souvent en contact.

Je conçois également que vouloir, d'une part, plus de stabilité pour l'audiovisuel public et souhaiter, d'autre part, un COM provisoire d'un an puisse sembler contradictoire. Il me paraît, cependant, qu'une bonne solution à court terme est meilleure qu'une mauvaise solution à long terme. Comment, aujourd'hui, donner un avis favorable à un COM qui ne prend pas en compte les propositions de réformes systémiques résultat de plus d'une année de travail ? Ce COM, fruit d'un accord entre France Télévisions et le Gouvernement, ne tient, en effet, pas compte des préconisations émises dans notre rapport de l'an dernier. Je ne peux donc pas donner un avis qui lui est favorable.

Concernant la publicité, je rappelle ici être un partisan de sa suppression totale sur France Télévisions. Ce point de vue personnel ne fait pas consensus au sein de la majorité sénatoriale comme de l'opposition. Cette suppression totale serait un moyen privilégié de différencier la télévision de service public des chaînes privées. La publicité rapporte aujourd'hui 325 millions d'euros à France Télévisions. L'élargissement de l'assiette de la CAP, en plus de rendre cette contribution plus équitable, pourrait rapporter 136 millions d'euros selon le ministère du budget. La taxe sur les FAI, dont la commission des finances de l'Assemblée nationale souhaite encore augmenter le taux, avait déjà augmenté l'année dernière, contre notre avis, de 0,4% pour passer de 0,9% à 1,3% du chiffre d'affaires des opérateurs. Cette augmentation supplémentaire à destination de l'audiovisuel public était, en effet, rendue nécessaire par le détournement vers le budget général de l'État des 0,9% qui lui étaient initialement destinés. Je souhaite donc aujourd'hui que cette situation cesse et que les 1.3% soient entièrement réaffectés aux recettes propres de l'audiovisuel public, conformément à la volonté du Parlement. La part de la TOCE qui ne profite pas à l'audiovisuel public s'élève à 184 millions d'euros. Combinée à l'élargissement de l'assiette de la CAP, cette réaffectation pourrait ainsi compenser la suppression totale de la publicité sur les chaînes de France Télévisions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion