Intervention de Éric Bocquet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 octobre 2016 à 8h33
Plf pour 2017 — Mission « solidarité insertion et égalité des chances » et article 63 - examen du rapport spécial

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet, rapporteur spécial :

Pour la dernière année du quinquennat, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est marquée par un désengagement financier de l'État de la politique du handicap. Deux transferts de crédits sont prévus à compter du 1er janvier 2017 : le transfert du financement des dotations de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) à l'assurance maladie ; le transfert des moyens de fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.

Si elles ont pour objet de simplifier les modalités de financement de ces organismes, ces deux mesures conduisent à amputer les moyens consacrés par l'État à la politique du handicap de deux milliards d'euros. L'État ne financera plus que l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) ainsi que la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH) en ESAT. Ces transferts réduiront l'information du Parlement à propos du financement des ESAT et des MDPH. Leurs crédits de fonctionnement ne seront plus examinés à l'occasion des projets de loi de finances ; ils seront noyés parmi les autres montants alloués aux dépenses sociales et médico-sociales retracés dans les projets de lois de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, le plan de prévention et d'arrêt des départs non souhaités des personnes handicapées vers la Belgique est largement insuffisant pour faire face aux besoins. Nous avons débattu de ce point l'an dernier. Ce plan est doté de 10 millions d'euros, alors que l'assurance maladie verse tous les ans 152 millions d'euros aux établissements belges accueillant des personnes handicapées françaises.

Enfin, la réforme des modalités de revalorisation de l'AAH, désormais réalisée en fonction de l'inflation constatée et non plus en fonction de l'inflation prévisionnelle, a conduit à une quasi-stagnation de son montant en 2016.

Plusieurs dispositifs financés par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » connaissent une progression dynamique. La prime d'activité, créée au 1er janvier 2016 en remplacement du RSA « activité » et de la prime pour l'emploi, connaît une montée en charge plus rapide que prévu : son taux de recours était de 60 % en juin 2016, alors que la prévision budgétaire avait été construite sur une hypothèse de 50 %. En conséquence, la dépense de prime d'activité est revue à la hausse en 2017 pour atteindre un montant prévisionnel de 4,3 milliards d'euros. Ceci prend également en compte l'ouverture de la prime à de nouveaux bénéficiaires en 2016, comme les allocataires de l'AAH, d'une pension d'invalidité ou d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

De plus, le coût des mesures de protection juridique des majeurs continue à croître sous l'effet de la progression du nombre de majeurs concernés par des mesures de protection, directement liée au vieillissement démographique.

J'en viens à deux sujets d'inquiétude ou d'insatisfaction.

Tout d'abord : la situation de la politique d'adoption en France. Le nombre d'adoptions internationales réalisées par l'intermédiaire de l'Agence française de l'adoption (AFA) diminue de manière constante : 201 adoptions ont été réalisées via l'Agence en 2015, contre plus de 3 000 en 2009. Le Gouvernement a annoncé vouloir fusionner 1'AFA avec le groupement d'intérêt public « Enfants en danger ». Plusieurs associations représentant des parents adoptants ont manifesté leur inquiétude. Elles craignent que la disparition juridique de l'AFA entraîne la disparition des accréditations dont elle dispose dans les pays d'origine et l'annulation des procédures d'adoption en cours. Il conviendra d'être particulièrement vigilant sur ce point.

Par ailleurs, les montants relatifs à l'aide à la réinsertion familiale et sociale (ARFS) des anciens migrants dans leurs pays d'origine, créée en 2016 au profit des travailleurs immigrés âgés qui effectuent des séjours de longue durée dans leurs pays d'origine, sont fortement revus à la baisse en 2017. Cela traduit une sous-consommation importante de cette aide, ce qui n'est pas satisfaisant.

Point positif : le renforcement des moyens consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes ainsi qu'à la lutte contre le système prostitutionnel, afin notamment de financer l'aide financière à la réinsertion des personnes prostituées.

Enfin, s'agissant des dépenses support des ministères sociaux, les crédits augmentent en raison de la hausse de la masse salariale, principalement du fait de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique. Cependant, la politique de réduction des moyens se poursuit avec la suppression de 138 emplois, hors mesures de transfert, en 2017. Cette même politique est menée pour les agences régionales de santé, dont le schéma d'emploi prévoit la réduction de 100 ETPT supplémentaires en 2017.

Au total, au regard notamment des insuffisances de la politique du handicap, je donne, à titre personnel, un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.

L'article 63 rattaché à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » vise à supprimer le Fonds national des solidarités actives (FNSA) mis en place en 2009 afin notamment de financer le RSA « activité ». Il bénéficie d'une subvention de l'État et d'une fraction du produit de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires.

Avec la création de la prime d'activité en 2016, le FNSA a perdu sa principale raison d'être. Il ne finance désormais plus que le RSA « socle » versé aux jeunes actifs, la prime de Noël versée aux bénéficiaires de certaines prestations sociales et les frais de gestion liés à la prime d'activité. La proposition de suppression du FNSA constitue donc l'aboutissement logique de la mise en place de la prime d'activité. Elle va dans le sens de ce que j'avais préconisé l'année dernière.

La suppression du FNSA conduirait ainsi à faire prendre en charge directement par le budget de l'État les dépenses restant à sa charge, majorant les crédits du programme 304 de 205 millions d'euros en 2017. Afin d'assurer l'équilibre budgétaire de cette opération, la part du produit de la contribution allouée au FNSA serait réaffectée au Fonds de solidarité, qui finance l'allocation spécifique de solidarité, et qui verrait en conséquence sa subvention d'équilibre versée par l'État baisser à due concurrence.

Compte tenu de ces éléments, je propose d'adopter cet article sans modification.

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