Intervention de Éric Doligé

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 20 octobre 2016 : 1ère réunion
Examen de la proposition de résolution européenne sur l'inadaptation des normes agricoles et de la politique commerciale européenne aux spécificités des régions ultrapériphériques

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

La proposition de résolution européenne que nous soumettons à votre approbation reprend les préconisations destinées aux instances européennes de notre rapport sur les normes agricoles. Comme nous l'avions souhaité lors de l'adoption du rapport en juillet dernier, ce texte permettra d'associer l'ensemble du Sénat à notre action et de soutenir très directement les efforts de nos collègues parlementaires européens, non seulement français mais aussi espagnols et portugais, pour faire reconnaître les spécificités des régions ultrapériphériques.

Notre proposition de résolution européenne intervient dans un contexte très particulier, marqué à la fois par la multiplication des projets d'accords de libre-échange et par des projets de modification des règlements européens de 2007 sur la production biologique et de 2009 sur les pesticides. Nous devons profiter de cette fenêtre d'action pour faire avancer nos positions dans les cercles bruxellois. C'est pourquoi notre texte vise à dénoncer l'inadéquation du cadre réglementaire phytosanitaire et de la politique commerciale de l'Union et à demander une réorientation au service du développement endogène des RUP.

Depuis plusieurs années, les filières agricoles des outre-mer ont consenti de très importants efforts pour faire face à la concurrence internationale en modernisant leur outil de production et en revoyant leur stratégie de commercialisation. Les gains de compétitivité réalisés ne sont pas dus à une baisse quelconque des standards sociaux et environnementaux. Bien au contraire, les outre-mer se sont engagés dans une politique vertueuse de mieux-disant social et environnemental, avec notamment une réduction drastique de l'emploi des herbicides, fongicides et pesticides et d'ailleurs le soutien financier de l'Union européenne.

Ces efforts d'adaptation sont toutefois menacés d'être réduits à néant par des politiques européennes inadaptées et incohérentes entre elles. En somme, ceux qui font des efforts sont pénalisés.

En effet, l'architecture de la réglementation phytosanitaire européenne est faite pour les conditions tempérées de l'Europe continentale, sans forte pression de maladies et de ravageurs. Elle ne tient pas compte des caractéristiques de l'agriculture en milieu tropical. Les RUP restent ainsi dans l'angle mort.

Cela contribue fortement à la prégnance des usages orphelins : seuls 29 % des usages phytosanitaires sur cultures tropicales dans les RUP françaises sont couverts, alors que la moyenne nationale française s'établit à un taux de couverture de 80 % des besoins environ pour l'ensemble des cultures. Les filières de diversification sont très impactées, mais les grandes cultures de la banane et de la canne ne sont pas épargnées, car elles sont à la merci d'une perte d'homologation d'une poignée de produits absolument indispensables à la survie même des plantations. Les procédures d'homologation complexes, lourdes et onéreuses sont directement responsables de l'indisponibilité de solutions phytopharmaceutiques dans les RUP, alors même que celles-ci existent dans les pays tiers concurrents qui exportent leurs productions vers l'Union européenne.

L'Équateur est déjà le premier exportateur de bananes sur le marché européen. Son adhésion prochaine à l'accord de libre-échange avec la Colombie et le Pérou conclu en décembre 2012 constitue une nouvelle menace. L'abaissement des droits de douane ne manquera pas de provoquer un afflux d'importations qui frappera durement nos planteurs. Pourtant, l'Équateur traite ses bananes 40 fois par an avec une gamme d'une cinquantaine de produits phytopharmaceutiques. Par comparaison, les bananiers français ne disposent que de deux produits autorisés et réalisent 7 traitements.

C'est dans cette politique inéquitable du « deux poids, deux mesures » que réside le noeud du problème. Il paraît aberrant de procéder simultanément à l'abandon des tarifs douaniers et au démantèlement des protections non-tarifaires. C'est pourquoi nous estimons indispensable que les autorités communautaires garantissent la cohérence entre elles des politiques agricole, sanitaire et commerciale de l'Union européenne. Nous invitons en particulier la Commission européenne à acclimater les normes en matière d'agriculture et d'élevage aux contraintes propres des RUP en tenant compte des spécificités de la production en milieu tropical. Ce sont les préconisations numérotées 1 et 2 dans le document qui vous a été distribué.

Pour vous présenter plus en détail le dispositif de la proposition de résolution, je cède la parole à nos collègues Catherine Procaccia et Jacques Gillot sur la question des normes agricoles, puis à Gisèle Jourda sur les accords commerciaux.

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