Mon intervention porte sur le volet de la proposition de résolution qui traite plus spécifiquement des accords de libre-échange. C'est une constante de notre Délégation d'exercer, en lien avec les professionnels, une grande vigilance sur les négociations commerciales européennes susceptibles d'impacter les économies ultramarines. C'est ainsi qu'en janvier 2016 nous avions fait adopter une résolution européenne sur la protection des sucres spéciaux en pleine négociation d'un traité de libre-échange avec le Vietnam. Notre mobilisation avait contribué alors à faire pression sur les négociateurs pour infléchir les termes initiaux de l'accord en obtenant un contingentement strict des importations de sucres roux.
C'est aujourd'hui le secteur de la banane qui s'inquiète à juste titre des conséquences de l'adhésion de l'Équateur à l'accord de partenariat conclu en 2012 avec le Pérou et la Colombie. Notre Délégation s'était déjà penchée sur ce premier accord au moment de sa ratification par le Sénat en décembre 2014. Nous faisions le constat, toujours d'actualité, que la compétitivité-coût des pays tiers est insurpassable, du fait de niveaux de salaire nettement moins élevés et de conditions de travail beaucoup plus rudimentaires que dans les RUP, si bien que la préservation des barrières tarifaires et non-tarifaires est indispensable pour protéger leurs productions.
Le point le plus inquiétant réside dans le fait que les clauses de sauvegarde et les mécanismes de stabilisation inscrits dans les accords de libre-échange se révèlent totalement inopérants, non pas seulement à cause de lacunes ou de défauts de conception, - nous pourrions encore le comprendre et les corriger - mais surtout parce que la Commission européenne a décidé de ne pas déclencher ces dispositifs. Il ne s'agit pas simplement d'une omission ou d'une négligence : la Commission européenne se refuse systématiquement à activer les mécanismes de stabilisation qu'elle a elle-même négociés, bien qu'elle fasse elle-même le constat de dépassements répétés des quotas d'importation par le Pérou de 2013 à 2015 et par le Guatemala en 2015. L'Équateur est sur le point de bénéficier du même démantèlement tarifaire massif, qui a déjà permis au Pérou de tripler ses exportations de bananes depuis 2012.
J'insiste sur ce point. Ma première participation aux réunions de la Délégation en 2014 portait sur les accords commerciaux avec le Pérou et la Colombie. Les experts de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM) tiraient déjà la sonnette d'alarme.
En d'autres termes, c'est la volonté qui fait défaut alors que les instruments de protection, certes imparfaits, existent déjà ! C'est pourquoi nous devons par une initiative forte porter la voix des outre-mer au sein même des cénacles européens. J'approuve totalement la suggestion du Président Magras de faire traduire en espagnol et en portugais notre texte, car les députés européens des Canaries, Gabriel Mato et Juan Lopez Aguilar, se sont fortement mobilisés sur le dossier de la banane.
Aux termes de notre proposition de résolution, et plus précisément de ses recommandations 13 à 16, nous demandons à la Commission européenne d'infléchir sa pratique pour préserver des pans fondamentaux de l'activité économique des outre-mer. Nous voulons qu'elle active automatiquement les mécanismes de stabilisation inscrits dans les accords commerciaux dès que les importations en provenance de ces derniers dépassent les seuils de déclenchement fixés. Cela aura pour effet de suspendre avec effet immédiat les droits préférentiels octroyés aux pays tiers.
Par ailleurs, les mécanismes de stabilisation prévus dans les accords sur la banane avec les pays d'Amérique latine expirent en principe le 31 décembre 2019. Nous recommandons à la Commission européenne de prolonger au-delà de cette date les mécanismes de stabilisation afin d'assurer aux producteurs ultramarins une visibilité économique et une protection pérenne.
Nous devons aussi compléter notre arsenal pour pouvoir contrôler l'évolution des marchés. C'est dans cet esprit que nous défendons la création d'observatoires des prix et des revenus pour les grandes filières exportatrices des RUP, la banane et la canne, afin de disposer de mesures fiables, publiques et transparentes des effets des importations en provenance des pays tiers. Nous nous heurtons bien trop souvent à la difficulté d'apporter suffisamment tôt et avec la rigueur nécessaire la preuve de la perturbation des marchés. La Commission européenne en prend prétexte pour justifier son immobilisme.
Enfin, nous appelons la Commission européenne à évaluer systématiquement les effets sur les RUP des accords commerciaux qu'elle négocie. Cela nécessitera des études d'impact préalables. Il reviendra au Gouvernement d'exercer la plus grande vigilance sur la définition du mandat de négociation de la Commission, ainsi que sur le suivi de l'application des accords commerciaux. En tant que parlementaires, nous devons également être tenus précisément informés des évolutions des négociations et de leur impact potentiel afin de réagir à temps.