Intervention de Gilbert Barbier

Commission des affaires sociales — Réunion du 19 octobre 2016 à 9h00
Création de l'agence nationale de santé publique — Procédure d'examen en commission article 47 ter du règlement - simplification de procédures mises en oeuvre par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé - procédure d'examen en commission article 47 ter du règlement - examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier, rapporteur :

Nous inaugurons aujourd'hui cette procédure visant à simplifier le fonctionnement de notre assemblée, sachant que les textes que nous élaborons ne pourront pas être amendés en séance publique. L'exercice est aussi un peu particulier par le fait que nous discutons de deux projets de loi dans le même temps.

Les deux textes soumis à notre examen concernent, vous l'aurez compris, des sujets divers dans le domaine de la santé. Certaines dispositions sont de nature technique et n'appellent pas de remarques particulières. Elles sont conformes à ce que notre commission pouvait attendre des habilitations données au Gouvernement dans le cadre de la loi santé.

Pour autant, certains articles soulèvent quelques interrogations de ma part.

Je commencerai par le texte relatif à l'agence nationale de santé publique (ANSP), dite « Santé Publique France », et plus particulièrement son article 2.

Le paragraphe 2 de cet article inclut l'ANSP dans l'habilitation donnée au Gouvernement par la loi de modernisation de notre système de santé afin « d'adapter les dispositions législatives » en vue de « favoriser ou de permettre » la mutualisation des fonctions dites support de plusieurs organismes relevant du ministère de la santé.

Notre commission a toujours été très favorable à la rationalisation du fonctionnement des agences sanitaires et des multiples organismes créés au fil du temps. J'insiste sur ce point pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.

On pourrait donc penser que cette disposition n'appelle pas un examen plus approfondi.

Cependant, les informations dont nous disposons désormais, font apparaître que le Gouvernement entend utiliser l'habilitation que nous lui avons donnée dans la loi « santé », d'une manière sensiblement contraire au regard du respect de la compétence du législateur telle qu'elle est prévue par notre Constitution.

J'ai pris connaissance du projet d'ordonnance rédigé sur le fondement de l'habilitation; il nous a été transmis par le Gouvernement. A l'examen, il s'avère qu'il n'a pas véritablement pour objet d'apporter aux dispositions législatives en vigueur, des modifications destinées à faciliter les mutualisations. Il s'agirait purement et simplement de renvoyer à un décret, voire un arrêté, la mise en oeuvre de ces mutualisations, et d'opérer ainsi un transfert définitif de compétence du pouvoir législatif au pouvoir réglementaire.

De ce fait, le projet d'ordonnance ne respecte pas la volonté du législateur qui se trouverait dessaisi. Cela équivaut à mes yeux à détourner la procédure d'habilitation.

Ce transfert de compétence me paraît d'autant moins acceptable que le Gouvernement n'est pas en mesure de nous dire très concrètement quels sont ses projets.

Or la compétence très large dont il entend se doter en dessaisissant le législateur lui permettrait de procéder d'autorité à des mutualisations. C'est-à-dire même sans l'accord des organismes concernés et de leurs conseils d'administration. Lorsque ces agences ont été créées, les plus anciens comme moi s'en souviennent, nous souhaitions leur donner peut-être un peu naïvement une certaine indépendance.

De plus, les organismes contenus dans le champ de l'habilitation sont de nature très diverse: établissements publics ou autorité administrative indépendante comme la HAS. Celle-ci bénéficie à ce titre d'une protection légale et constitutionnelle.

Dans ces conditions, il me paraît nécessaire de supprimer l'habilitation donnée au Gouvernement. Il s'agit de faire respecter la procédure d'habilitation prévue à l'article 38 de la Constitution et de garantir la qualité de la législation. Il en va aussi du respect de la volonté du législateur.

En ce qui concerne l'article 1er du projet de loi il ratifie l'ordonnance relative à l'ANSP. L'ordonnance prévoit les modalités d'organisation et de fonctionnement de l'agence. En cela, elle est fidèle au projet de préfiguration élaboré par son actuel directeur.

L'ordonnance appelle cependant une remarque. Elle traite notamment du financement de l'agence et prévoit une dotation annuelle de l'assurance maladie destinée à financer les actions de prévention. Il est particulièrement regrettable que le Gouvernement nous demande d'adopter cette disposition alors même qu'il prévoit son abrogation, d'ici quelques jours, dans le cadre du projet de loi de finances. Nos débats se poursuivront dans le cadre de l'examen de celui-ci.

Sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous soumets à l'article 2, je vous propose d'adopter le projet de loi relatif à l'ANSP.

J'en viens maintenant à l'autre projet de loi.

Celui-ci propose tout d'abord de ratifier l'ordonnance portant simplification des procédures de l'agence nationale de sécurité du médicament (article 1er). Cette ordonnance ne pose pas de difficulté particulière. J'évoquerai simplement un point qui a fait débat par le passé.

Le texte supprime la nécessité de renouveler tous les trois ans l'accréditation des établissements de transfusion sanguine.

De fait, l'agence procède chaque année à des inspections des centres et le renouvellement de l'accréditation n'apporte pas de garantie de sécurité supplémentaire. La suppression d'une accréditation triennale me semble donc justifiée. Cet article me semble pouvoir être adopté en l'état.

L'article 2 impose à titre expérimental pour trois ans, aux grossistes répartiteurs de déclarer, auprès d'un tiers de confiance, leurs volumes d'exportations de médicaments. Ces exportations, qui sont légales et protégées par le droit de la concurrence, font l'objet de critiques. Elles sont parfois rendues responsables de ruptures d'approvisionnement sur le territoire national.

Il convient toutefois de rappeler que les grossistes-répartiteurs sont déjà soumis à des obligations de service public en matière d'approvisionnement des officines et que nous avons adopté dans le cadre de la loi « santé » des dispositions spécifiques pour écarter ce risque de rupture.

La mesure proposée renforcera la transparence sur cette question et me paraît devoir être acceptée, avec une interrogation cependant, celle de savoir quel peut être le tiers de confiance. On évoque la Caisse des dépôts. Peut-être que l'ANSM, chargée de la sécurité du médicament, pourrait remplir ce rôle plus simplement.

Je vous proposerai néanmoins un amendement de cohérence. Le dispositif prévu par l'article 2 prend la forme d'une expérimentation d'une durée de trois ans. Son évaluation est prévue à l'issue d'un an. Il me semble que nous pouvons prévoir que cette évaluation aura lieu au bout de deux ans, afin de laisser le temps au dispositif de se mettre en place.

Enfin, l'article 3 du projet de loi comporte des dispositions relatives aux importations de tissus et cellules issus du corps humain. D'une part, il achève la transposition d'une directive européenne de 2015. Celle-ci instaure des normes de sécurité pour l'importation de tissus et cellules en provenance de pays tiers à l'Union européenne.

La disposition proposée renforce les exigences de qualité, de sécurité et d'éthique concernant ces produits. Je précise également que le statut des tissus et cellules n'est en aucune manière modifié par cette transposition.

D'autre part, il étend à certains établissements de santé et praticiens libéraux la possibilité d'importer directement ces produits depuis les Etats membres de l'Union européenne, sous réserve qu'ils soient autorisés à utiliser ces produits. En l'état actuel du droit, ces établissements et praticiens doivent se fournir auprès des banques de tissus et cellules autorisées et contrôlées par l'ANSM.

Il me semble que le dispositif proposé pose un problème de faisabilité dans la mesure où les établissements de santé et les praticiens libéraux n'auront généralement pas les moyens de s'assurer du respect des exigences de sécurité sanitaire européennes et nationales. Il pourrait également poser un problème de biovigilance, voire de traçabilité.

Dès lors, je vous propose sur ce point de nous en tenir au système actuel. Ceci me semble préférable au regard des exigences de sécurité sanitaire. Nous nous en remettrons à l'avis du Gouvernement sur cet amendement et notamment sur sa compatibilité avec le droit européen.

Sous réserve de ces amendements, il me paraît que nous pouvons également adopter ce projet de loi.

Je vous remercie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion