Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je l’ai indiqué lors de ma première intervention, les travaux de la mission se sont orientés dans sept grandes directions, avec le souci de dresser un état des lieux le plus précis possible pour mieux suggérer des pistes de transition vers un islam de France. Je choisis volontairement à présent de revenir sur trois d’entre elles.
Sur le sujet de la formation des imams et des aumôniers, rappelons tout d’abord que le culte musulman est un culte sans clergé hiérarchisé et que chaque imam ne tient sa nomination que des fidèles dont il dirige la prière. Point d’imams autoproclamés, donc…
Dans notre rapport, nous avons tout particulièrement souhaité relever les inconvénients que présente le système des imams détachés de leur pays d’origine, qui sont aujourd’hui au nombre de 315 sur le territoire national.
Si ces imams disposent d’un bagage théologique suffisant et ne présentent pas, en principe, de risque de radicalité, leur manque de maîtrise de notre langue et de connaissance du contexte culturel et social français rend difficile leur relation avec les plus jeunes de leurs fidèles. Il complique également l’exercice de leur rôle social et leurs relations avec les autorités locales.
L’objectif – vous en convenez vous-même, monsieur le ministre – est donc d’avoir des cadres religieux formés en France, plutôt que mis à disposition par des États étrangers.
S’agissant de la formation théologique des imams, il conviendrait que l’islam de France se dote d’un conseil scientifique unique, chargé notamment de « labelliser » la formation sur la base d’un cursus unifié. Les choses vont dans le bon sens, puisque le CFCM a engagé une réflexion sur la certification des imams et sur la définition de leur parcours de formation.
Sur le terrain de la formation profane, des efforts importants ont été engagés par le Gouvernement. Une première étape a été franchie avec la création de diplômes universitaires, mis en place avec le soutien des pouvoirs publics, et faisant suite à une formation « civile et civique » autour des thèmes de la laïcité, des institutions françaises, du droit, de la sociologie et de l’histoire des religions. Dix-sept diplômes de ce type sont, d’ores et déjà, proposés en France.
Conformément au souhait de la mission, un tel diplôme devrait être prochainement rendu obligatoire pour les nouveaux aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires de toutes confessions.
Monsieur le ministre, en lien avec Mme la ministre de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous venez tout récemment d’annoncer vouloir franchir encore une nouvelle étape, en suscitant la création au sein des universités publiques de centres ou de cursus d’excellence en islamologie. Une mission vient ainsi d’être confiée à trois universitaires pour avancer rapidement vers la mise en place d’une nouvelle offre de formation dès la prochaine rentrée.
Les choses avancent donc à grands pas, dans le sens des orientations souhaitées par la mission d’information. Je vous en félicite.
J’en viens au financement du culte musulman.
Il convient, tout d’abord, de tordre le cou à l’idée reçue selon laquelle le financement des mosquées serait aujourd’hui un problème majeur, en raison de la prépondérance qu’y tiendraient les financements étrangers. Comme le soulignent les auteurs du rapport, « le financement de la construction et de l’entretien des mosquées est assuré majoritairement par la communauté elle-même grâce aux dons des fidèles. […] Le financement des États étrangers existe, mais est faible proportionnellement et relativement concentré sur un petit nombre d’États et sur seulement quelques mosquées ». Je tenais à le dire ; voilà qui est fait !
Autre mythe qui s’effondre, celui de la fameuse taxe halal pour financer le culte musulman.
Non, il n’est pas possible pour Bercy de taxer un élément religieux. En outre, il n’y a pas d’uniformité de la norme halal, contrairement au casher, secteur qui est organisé depuis très longtemps. C’est pourquoi, pour contribuer effectivement au financement de l’islam de France, plutôt qu’un dispositif fiscal obligatoire, la mission préconise une redevance pour services rendus mise en place par le culte musulman lui-même.
Au mois d’août dernier, donc après l’adoption du rapport, M. Anouar Kbibech, président du CFCM, a annoncé que les fédérations musulmanes, le CFCM et les grandes mosquées habilitées à certifier les produits halal étaient parvenus à un accord sur un « référentiel religieux », première étape de la rédaction d’une « charte » du halal.
Il a par ailleurs indiqué qu’en cette rentrée ils s’attaqueraient « à la procédure et au contrôle de la filière, mais aussi au financement du culte par une redevance sur la filière ». Ce qui touche à la question du halal avance donc, là encore, dans le bon sens.
Toujours en matière de financement, notre mission préconisait de faire transiter la totalité des financements en provenance de l’étranger par une institution unique et transparente, à l’image de la Fondation des œuvres de l’islam de France, créée en 2005, mais mort-née en raison de querelles de gouvernance.
Nous n’avions pas connaissance, à l’époque de la rédaction du rapport, de votre souhait, monsieur le ministre, d’aider à la mise en place de deux nouvelles institutions, couplées l’une à l’autre : la Fondation pour les œuvres de l’islam de France, à visée culturelle, et une association qui sera, elle, cultuelle. Avec ces deux « outils », vous faites le pari qu’un modèle vertueux de financement s’imposera avec le temps, tarissant, à terme, les financements étrangers. Ce pari, je le fais avec vous.
Enfin, je souhaite évoquer le sujet de l’enseignement privé musulman.
Il répond à une demande croissante des familles musulmanes, qui, comme d’autres familles de confessions différentes, souhaitent que leurs enfants reçoivent à l’école un enseignement de qualité conforme aux normes définies par l’éducation nationale, mais incluant des heures d’enseignement religieux.
Rappelons que les établissements ne peuvent contractualiser avec l’État qu’après cinq années d’exercice, sauf dérogation. De création récente, les écoles privées musulmanes sont donc quasi exclusivement des écoles hors contrat. Leur passage sous contrat est, bien évidemment, vivement souhaité par la mission d’information.
S’agissant des établissements hors contrat, si, actuellement, le régime en vigueur dans notre pays est un système déclaratoire, la ministre de l’éducation nationale avait annoncé dès avril 2016 qu’un nouveau schéma serait prochainement rendu opposable à tous les nouveaux établissements hors contrat. Elle souhaitait transformer le régime actuel de simple déclaration en système d’autorisation préalable, et passer donc d’un contrôle a posteriori à un contrôle a priori.
Ce faisant, dans le cadre du projet de loi Égalité et citoyenneté, les sénateurs étaient amenés à se prononcer sur une mesure conditionnant l’ouverture d’établissements privés d’enseignement scolaire hors contrat à une autorisation préalable, de façon à permettre aux autorités compétentes d’agir rapidement en cas d’enseignements contraires aux valeurs de la République. Il est donc profondément regrettable que la droite sénatoriale, en séance publique le 5 octobre dernier, ait fait adopter à la place un dispositif maintenant le régime de déclaration d’ouverture, avec opposition uniquement a posteriori.