Intervention de Harlem Désir

Réunion du 19 octobre 2016 à 14h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 20 et 21 octobre 2016

Harlem Désir :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, Brexit, agenda post-Bratislava, réponse à la crise migratoire, politique commerciale, relations avec la Russie, le Conseil européen qui se tiendra jeudi et vendredi à Bruxelles a un agenda particulièrement lourd et sera donc important.

Important, il le sera d’abord parce qu’il s’agira du premier Conseil européen en présence de Theresa May, qui aura donc l’occasion de préciser ses intentions sur le calendrier et les modalités de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Le 2 octobre dernier, lors du congrès de son parti, la Première ministre britannique a annoncé que son gouvernement activerait l’article 50 « avant la fin mars 2017 ». Cela montre que la fermeté et la clarté sur la procédure et le calendrier étaient nécessaires après le référendum britannique. Ce calendrier permettra, comme nous le souhaitions, que la sortie du Royaume-Uni soit effective avant le renouvellement, au milieu de l’année 2019, du Parlement européen et de la Commission européenne.

La négociation sur la sortie du Royaume-Uni, comme sur les relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, ne commencera pas avant le déclenchement de l’article 50. Nous avons d’ores et déjà posé un certain nombre de principes sur lesquels le Président de la République s’était exprimé dès le lendemain du référendum et qui sont désormais repris par les Vingt-Sept.

Premier principe : il ne peut y avoir de prénégociation avant l’activation par le gouvernement britannique de l’article 50.

Deuxième principe, qui guidera les relations futures entre le Royaume-Uni et l’Union européenne : il y aura un lien entre les quatre libertés du marché unique, à savoir la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes. L’accès du Royaume-Uni au marché intérieur européen sera donc conditionné par la liberté de circulation des citoyens européens au Royaume-Uni. À défaut de satisfaire à cette condition, il faudra conclure un autre type d’accord commercial.

Troisième principe : si le Royaume-Uni souhaite, dans le cadre de la négociation, conserver l’accès au marché intérieur, comme à certaines politiques communes, il lui faudra respecter un certain nombre d’obligations et de règles. De plus, une contribution financière lui sera demandée. Certes, cette négociation n’a pas commencé et l’on ne peut donc pas préjuger le type de relations que le Royaume-Uni voudra négocier avec l’Union européenne. Au regard de ce que sont les relations avec d’autres États tiers voisins, on peut toutefois constater que l’accès à une partie du marché intérieur européen ou la participation à des politiques européennes est forcément assorti d’une contribution financière.

Chacun se prépare à cette négociation – les Britanniques, l’Union européenne, nous-mêmes. Je veux simplement insister sur un point : il s’agit non de punir, mais d’être dans la clarté et de préserver les intérêts de l’Union européenne, son intégrité et sa cohésion. Il est clair que, lorsque l’on est à l’extérieur, ce n’est pas la même chose que lorsque l’on est à l’intérieur. On ne peut pas conserver les mêmes avantages sans supporter les obligations ! C’est évidemment très important pour l’avenir de l’Union.

L’avenir de l’Union sera précisément l’un des points de discussion lors du Conseil européen, qui sera le premier à se tenir après la réunion à vingt-sept des chefs d’État ou de gouvernement à Bratislava. Même si le Brexitest un sujet très important, qui nécessitera beaucoup d’attention, il n’est pas et ne doit pas être tout l’agenda européen.

Le Conseil européen fera donc le point sur la mise en œuvre de la feuille de route adoptée à Bratislava, avec le constat de premières avancées obtenues ces dernières semaines. Je pense, en particulier, au lancement du corps européen de garde-côtes et de gardes-frontières, au prolongement du plan Juncker ou encore à l’adoption en cours du plan d’investissement extérieur.

Le Conseil européen reviendra plus particulièrement sur quelques questions prioritaires.

La première reste la réponse européenne à la crise migratoire. Si le nombre des migrants arrivés en Europe via la Méditerranée orientale a connu une nette baisse, sous l’effet de la fermeture de la route des Balkans et de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, la situation en Méditerranée centrale, au large de la Libye, reste marquée par un nombre important d’arrivées, en hausse légère par rapport à 2015 – de même niveau qu’en 2014 –, et, surtout, par un dramatique trafic meurtrier d’êtres humains, avec des naufrages qui se poursuivent. Cela crée une situation difficile pour l’Italie, qui accueille actuellement au total plus de 160 000 réfugiés et migrants dans des centres sur l’ensemble de son territoire.

Même si les arrivées sont beaucoup moins nombreuses, la situation en Grèce est, elle aussi, difficile, car les centres d’accueil dans les îles sont saturés. Nous devons donc poursuivre nos efforts dans la voie d’une réponse collective qui soit à la fois solidaire, responsable et crédible.

Le déploiement, depuis le début de ce mois, du corps de gardes-frontières et de garde-côtes européens marque, je le disais, une étape importante dans le renforcement du contrôle de nos frontières extérieures. C’était, vous le savez, une priorité pour la France, car la soutenabilité et la pérennité de l’espace Schengen impliquent que les frontières extérieures soient bien protégées, que leur contrôle soit efficace et sécurisé. Cette mission, l’agence FRONTEX ne pouvait la conduire pleinement, car elle ne disposait pas jusqu’à présent du mandat nécessaire et des capacités suffisantes.

La Commission européenne, le Parlement européen et les États membres se sont donc mis d’accord, en moins d’un an, pour que la nouvelle agence, disposant de prérogatives et d’effectifs accrus, puisse être mise en place.

Mais notre conviction est que l’Europe doit encore poursuivre ses efforts en matière de renforcement des frontières extérieures communes. Dans ce domaine particulier, je voudrais mentionner nos deux priorités principales.

Premièrement, la conclusion rapide de la révision du code frontières Schengen rendra possible le contrôle systématique et coordonné de tous les voyageurs franchissant les frontières extérieures de l’Union européenne. Nous souhaitons un accord sur ce sujet avant la fin de cette année. Nous attendons par conséquent du Parlement européen qu’il permette l’adoption rapide de cette législation.

Deuxièmement, nous désirons que la Commission européenne puisse présenter dans les meilleurs délais sa proposition de création d’un système européen d’autorisation et d’information concernant les voyages, baptisé ETIAS, du même type que le système électronique américain d’autorisation de voyage, ESTA. L’objectif de ce mécanisme est de recueillir, avant leur départ, les informations concernant les voyageurs provenant de pays tiers exemptés de visa, afin de déterminer si, d’une part, ils remplissent les conditions requises pour se rendre dans l’espace Schengen et si, d’autre part, ils présentent un risque en matière de sécurité ou sur le plan migratoire. Cet outil supplémentaire est aujourd’hui, selon nous, indispensable pour la maîtrise de nos frontières extérieures.

Une politique migratoire efficace à l’échelle européenne passe aussi par le renforcement de la lutte contre les filières d’exploitation de l’immigration illégale, en particulier en Méditerranée centrale. C’est pourquoi la lutte contre les passeurs et les trafics a été renforcée, notamment par l’élargissement du mandat de l’opération maritime EUNAVFOR MED/Sophia.

Parallèlement au secours des naufragés en mer, le retour de ceux qui ne relèvent pas de l’asile doit être accéléré. Nous devons également agir sur les causes profondes des migrations, notamment en Afrique. Dans cet objectif, l’Union européenne va nouer avec l’Éthiopie, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Nigeria des pactes migratoires, destinés à mobiliser davantage de ressources pour financer des projets de développement et de stabilisation.

Ces premiers pactes devraient être finalisés en vue du Conseil européen du mois de décembre. Il nous paraît préférable de concentrer, dans un premier temps, ces partenariats sur quelques pays prioritaires, à savoir ceux que j’ai énumérés à l’instant, de façon à s’assurer de l’efficacité de ces dispositifs avant de les étendre progressivement à d’autres pays. Dans ce cadre, l’ensemble des outils dont dispose l’Union, notamment les politiques de développement et de commerce, doivent être mis à contribution pour la réussite de ces partenariats.

De même, nous devons rapidement avancer sur le plan d’investissement extérieur présenté par la Commission européenne au mois de septembre. L’idée est de faire bénéficier la coopération extérieure d’une sorte de plan Juncker. Ce plan devrait se voir attribuer 3, 35 milliards d’euros en provenance du budget de l’Union et du Fonds européen de développement. Son objet sera de stimuler les investissements en Afrique et dans les pays voisins de l’Europe.

Nous soutenons fortement cette initiative, qui s’inscrit dans le cadre des décisions prises au sommet de La Valette entre l’Union européenne et les pays d’Afrique. Comme la Haute Assemblée l’a souvent souligné, le soutien au développement est une condition essentielle pour agir avec efficacité sur les causes des migrations. Nous sommes convaincus que l’Europe doit, à l’avenir, investir massivement dans ses relations avec le continent africain et dans le développement de l’Afrique.

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