Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise migratoire sera une nouvelle fois à l’agenda de l’Union européenne, dans le contexte de la mise en œuvre concrète de dispositifs décidés au cours de ces derniers mois.
Je pense tout d’abord à l’Agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes, qui vient tout juste d’être officialisée en remplacement de l’agence FRONTEX.
Au-delà de son incidence sur le terrain qui se fait déjà sentir, grâce à un budget multiplié par trois, cet instrument devrait contribuer à sauver Schengen en offrant un meilleur contrôle des frontières extérieures. Ainsi – espérons-le, du moins –, on redonnera à l’Union européenne un visage de cohésion. Je ferai observer que, quand l’Europe doit aller vite, elle trouve les moyens et les outils nécessaires. La mutation rapide de l’agence FRONTEX en est l’illustration.
J’ajouterai néanmoins que l’augmentation des moyens matériels et le volontarisme pour ce qui concerne le contrôle des migrations ne sont opportuns que s’ils s’accompagnent d’un cadre juridique clair. Or tel n’est pas le cas en Méditerranée, notamment en Méditerranée centrale. En particulier, l’arsenal juridique tant européen qu’international n’est à l’heure actuelle pas adapté aux interventions en mer. La convention de Montego Bay date de 1982 ; le monde a changé depuis !
Le plan d’action de la Commission européenne pour juguler la crise migratoire comprenait également un volet de relocalisation de 160 000 personnes, lequel a été formalisé aux réunions des 14 et 22 septembre 2015 du Conseil Justice et affaires intérieures. À cet égard, nous déplorons régulièrement la lenteur des relocalisations. Nous savons que cette question a durement éprouvé la solidarité européenne – je pense à la Hongrie ; pour autant, puisque des engagements ont été pris, chacun doit s’y conformer.
En France, 1 650 personnes auraient bénéficié de cette mesure depuis 2015, sur un objectif de 30 750 personnes. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous faire un point d’étape sur cette question ?
Au-delà du plan d’action, on doit bien sûr mentionner l’accord du 18 mars 2016 entre la Turquie et l’Union européenne.
Sur ce point, la Turquie est un partenaire incontournable. Cette initiative la remet dans le jeu européen ; c’est donc une bonne chose. Aussi, afin de garantir la crédibilité de l’Union européenne, faudrait-il sans doute veiller à ce que les financements promis soient débloqués plus rapidement qu’ils ne le sont actuellement.
Pour ce qui est des effets de cet accord aux frontières de l’Union, on a bien constaté une diminution des flux de migrants qui est également due à la fermeture de la route des Balkans. Toutefois, la pression migratoire pourrait reprendre par d’autres chemins tant la capacité d’adaptation et d’imagination des passeurs est grande, et la situation géopolitique au sud de l’Europe fragile, en particulier au Sahel.
C’est dans ce contexte que le Conseil européen examinera la question des relations entre l’Union européenne et la Russie. On ne pourra pas juguler la crise migratoire tant que le chaos régnera au Levant et ailleurs. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, et Robert Hue l’a rappelé hier lors du débat consacré à la crise au Levant, évoquant le nécessaire retour à la realpolitik. La Russie est un partenaire avec lequel il ne faut jamais rompre le dialogue, ce qui n’autorise pas tout, à l’évidence.
La rencontre trilatérale de ce jour sur le dossier syrien entre le Président de la République, la chancelière allemande et le président russe en marge de la réunion consacrée à l’Ukraine suffit à démontrer cette nécessité. Hier comme aujourd’hui, nous avons toujours su désigner notre ennemi quand il était commun. Au Levant, nous partageons l’objectif de lutter contre Daech. Alors, oui, la situation à Alep est cruelle – nous devons le rappeler au président Poutine –, néanmoins, sans l’intervention de la Russie en 2015, où en serait Damas ? Peut-être serait-elle tombée aux mains de l’État islamique !
Il me semble par conséquent souhaitable de ne pas suivre Angela Merkel sur la voie d’un durcissement des sanctions européennes envers la Russie. De surcroît, cette position n’est pas même partagée par tous les membres de son gouvernement. Nous voyons bien que les embargos pénalisent nos industriels et nos agriculteurs plus qu’ils ne font plier la Russie.
Enfin, j’aborderai le troisième point de l’agenda de ce Conseil européen, à savoir les relations commerciales. Le projet de conclusions du prochain Conseil mentionne qu’il faudrait écouter les citoyens lors des négociations des accords. Or que veulent les citoyens, si l’on met de côté le lobbying des altermondialistes ? Ils veulent ce que nous voulons aussi, à savoir la mise en œuvre, au minimum, de deux principes : transparence et équité.
La transparence, tout d’abord. Sur ce point, reconnaissons que l’on a progressé. Pour prendre le cas du TTIP, la pratique des documents restreints s’est raréfiée grâce à l’attitude relativement positive sur ce point de la commissaire au commerce, Mme Cecilia Malmström. Depuis cet hiver, les parlementaires nationaux ont un accès aux textes consolidés – c’est la moindre des choses –, même si les conditions de cet accès demeurent trop complexes et encadrées. Je rappelle en outre que ces documents sont exclusivement rédigés en anglais.
L’équité, ensuite. Il est bien évident que chacun des partenaires doit trouver son intérêt.
S’agissant du CETA, doit-on dire qu’il est trop tard pour discuter du fond, puisque l’accord est sur le point d’aboutir, sous réserve de la levée du veto wallon ? Je rappelle en tout cas que certaines de nos filières agricoles, en particulier la filière bovine, s’inquiètent toujours des conséquences de cet accord.
Quant au TTIP, il est peu probable que l’on avance significativement avant la fin de l’administration Obama. Pour ne citer qu’un point d’achoppement que nous sommes nombreux à partager, je mentionnerai les indications géographiques protégées, qui sont au cœur de la défense de la qualité et de la spécificité des productions de nos terroirs et seraient menacées par les exigences américaines. Il y a là une ligne rouge à ne pas franchir !