Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme nous le répétons, depuis plusieurs années, à chaque débat préalable à la réunion du Conseil européen, en vérité, l’Europe semble fragilisée. En effet, les pays fondateurs paraissent avoir perdu leur volonté originelle d’approfondir toujours plus les liens unissant les membres de l’Union européenne. Le Royaume-Uni, héraut de l’alliance économique, bien qu’il n’ait rejoint la Communauté qu’en 1973, a choisi de quitter la construction européenne ; quant aux pays de l’Est qui nous ont rejoints par opposition aux valeurs de l’ancien bloc communiste, ils rejettent aujourd’hui celles qui fondent l’Union.
Mais il faut conserver espoir et, surtout, refonder et relancer la construction européenne. Pour cela, gardons en tête cette phrase de Robert Schuman : « L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle dans le sens le plus élevé de ce terme. » Cette phrase doit guider nos actions, en particulier celles qui visent les différents thèmes que j’aborderai.
En préalable, j’aimerais à cet instant rappeler une déclaration du président Valéry Giscard d’Estaing : « On dit que l’Europe est en crise. Qui le dit ? Ce sont ceux qui ont refusé de défendre la monnaie commune et aussi le milieu financier anglo-saxon qui ne supporte pas la concurrence de l’euro. » Pour ce qui nous concerne, nous pouvons être fiers de ce que nous avons construit.
J’en viens à mon premier point : le lancement des négociations pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Au sujet du Brexit, je pense que nous pouvons partager quelques éléments de base.
Il faut aller le plus vite possible, afin de montrer que le peuple britannique a été entendu, afin d’indiquer aux dirigeants britanniques que nous ne souhaitons pas maintenir plus longtemps l’ambiguïté, afin, surtout, de ne pas fragiliser encore plus l’Union européenne.
Il faut être intransigeant et constructif à la fois : intransigeant, pour démontrer, notamment aux autres États membres, qu’il y a moins d’avantages à être hors de l’Union qu’en son sein ; constructif, car le Royaume-Uni restera toujours un partenaire privilégié, non seulement d’un point de vue économique, mais aussi pour ce qui concerne les questions de sécurité et de défense. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un pays européen.
Un point de méthode doit maintenant être éclairci. Le groupe de suivi du Brexit commun aux commissions des affaires européennes et des affaires étrangères du Sénat a auditionné, la semaine dernière, MM. Valéry Giscard d’Estaing, Enrico Letta et Jean-Louis Bourlanges. Il est ressorti de ces auditions une incertitude quant aux responsabilités politiques des différentes instances européennes.
Pour ma part, je confirme que les États membres ne peuvent pas se dessaisir de la question de la négociation avec le Royaume-Uni. Les choix devant être réalisés sont éminemment politiques : c’est donc bien au Conseil européen de valider le contrat qui sera conclu avec les Britanniques. La Commission européenne, qui a désigné un négociateur, peut, sous mandat du Conseil, faire des propositions à celui-ci. En revanche, elle ne peut en aucun cas être l’instance qui validera les conditions de sortie. Il est pour le moins surprenant que la Commission ait procédé à cette désignation avant l’activation de l’article 50 du traité de Lisbonne, et donc avant que le Conseil ne soit officiellement saisi du sujet.
J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous confirmiez l’engagement de la France à défendre la conception politique suivante de la validation du Brexit : la Commission travaille administrativement et propose au Conseil européen un contrat de sortie. Ainsi, ce seront bien les États et leurs représentants politiques qui valideront celui-ci.
Lors de son discours à Strasbourg, au Conseil de l’Europe, mardi dernier, le Président de la République a mis en avant – la phrase est bien notée – le fait que c’est à la Commission européenne de négocier. J’ai tendance à penser que, dans une affaire aussi importante, il faudrait éviter toute confusion intellectuelle. En effet, les peuples attendent des décisions claires. Or, au moment où l’on entre dans un processus de négociations dont on ne sait pas très bien qui les mène, il est selon moi important que le Président de la République soit sans ambiguïté sur cette question. En vérité, pour ma part du moins, sa déclaration a créé un trouble.
Deux autres sujets me semblent primordiaux. En premier lieu, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne nous inquiète pour l’avenir de l’Irlande. L’Union a été un acteur majeur de la pacification de l’île. Olivier Cadic. Il nous a rappelé qu’il ne faut absolument pas que le Brexit relance la crise irlandaise, ce qui serait catastrophique.