Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen abordera notamment les questions relatives au commerce international. Permettrez-moi de m’en tenir à ce seul sujet dans mon intervention aujourd'hui.
Comme vous le savez, le groupe CRC a déposé une proposition de résolution européenne sur les conditions de la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, le fameux CETA. Cet accord pourrait être signé dans huit jours.
Si nous nous réjouissons que le débat sur le CETA ait enfin pu commencer au Sénat, sur notre initiative, notamment avec l’audition de M. Matthias Fekl, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger, nous déplorons en revanche, et c’est normal, que notre proposition de résolution européenne, dans laquelle nous invitions le Gouvernement à refuser la mise en œuvre provisoire de l’accord sans consultation préalable des parlements nationaux, n’ait pas été adoptée.
Une proposition de résolution rejoignant la nôtre a été présentée à l’Assemblée nationale, mais elle a malheureusement connu le même sort, alors qu’elle reprenait en grande partie le contenu d’une lettre signée par 100 députés issus principalement de la majorité – ils sont 120 à l’avoir signée aujourd'hui – et adressée au Président de la République le 21 septembre dernier. Nous partageons l’inquiétude de ces collègues.
À cet égard, j’indique, en réponse aux propos de M. le secrétaire d’État hier selon qui notre opposition serait idéologique, que nous ne sommes pas défavorables par principe aux accords commerciaux internationaux. Simplement, des problèmes de contenu et de procédure se posent et méritent d’être soulevés.
À ce jour, notre position demeure inchangée. Elle est d’ailleurs partagée par un grand nombre de nos concitoyens français et européens, voire canadiens. Selon un récent sondage Louis Harris, 62 % des Français souhaitent que la France mette fin aux négociations des deux traités transatlantiques, 80 % sont opposés à toute application provisoire et 81 % estiment que ces textes remettent en cause les normes protégeant la santé, la qualité de l’alimentation et l’environnement. En Europe, comme en Allemagne, en Belgique, et même en France, les manifestations se multiplient depuis plusieurs semaines.
Sur la forme, le CETA a été négocié, cela a été dit sur ces travées et par Matthias Fekl, dans l’opacité la plus absolue entre la Commission européenne et le gouvernement canadien. Il n’a jamais fait l’objet d’une quelconque présentation devant les parlements nationaux. Ces derniers ne disposent que de très peu d’informations. En outre, aucune étude d’impact économique n’a été réalisée sur les conséquences de l’application d’un tel accord. Ce dernier porte pourtant sur la presque totalité des activités économiques et aura des conséquences très importantes dans la vie des citoyens des deux côtés de l’Atlantique.
Si cet accord était signé, ses dispositions relevant de la compétence communautaire s’appliqueraient de manière provisoire immédiatement, pour une durée d’au moins trois ans. Or, même si le périmètre exact de ces dispositions n’est pas connu à ce jour – encore une aberration démocratique ! –, la majeure partie de l’accord concerne la compétence communautaire.
Sur le fond, plusieurs dispositions du CETA nous paraissent inquiétantes, ce malgré la déclaration interprétative conjointe du 6 octobre dernier, rédigée par la Commission européenne et le Canada pour tenter d’apaiser les craintes, et dont les précisions n’ont par ailleurs, selon de très nombreux juristes, aucun caractère contraignant. Que penser d’ailleurs du recours à une déclaration dite « interprétative » ? Le contenu de l’accord serait-il à ce point ambigu qu’il soit nécessaire de l’interpréter ?
Le système d’arbitrage instauré dans l’accord CETA, s’il prévoit désormais l’établissement d’une cour arbitrale permanente, continue de soulever d’importantes préoccupations.
Bien sûr, il convient de saluer la modification du règlement des différends entre investisseurs et États, auquel la France a beaucoup contribué.