Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen traitera, de nouveau, de la crise des migrants ; il examinera aussi l’avenir de la politique commerciale et débattra des relations avec la Russie, autant de sujets d’une importance stratégique qui donnent à ce débat préalable toute sa portée.
D’une ampleur inédite, la crise migratoire a révélé les grandes défaillances de l’Europe. Celle-ci a bâti un espace de libre circulation sans se préoccuper du contrôle effectif de ses frontières extérieures. Voilà le vice de construction initiale. L’Europe a été prise au dépourvu quand la crise a éclaté. Elle cherche désormais dans l’urgence à rattraper le temps perdu.
La création de la nouvelle agence européenne de protection des frontières, qui remplacera l’agence FRONTEX, est particulièrement attendue et pertinente. Cette agence, avec sa réserve de gardes-côtes et de gardes-frontières, est entrée officiellement en activité le 6 octobre en Bulgarie. Les enjeux sont nombreux. Ils portent en particulier sur la capacité d’action et d’intervention de cette nouvelle entité en cas de défaillance d’un État membre.
Monsieur le secrétaire d’État, comment vont fonctionner les procédures d’autorisation ? Quels seront les délais d’exécution ? Il y a urgence à agir efficacement et à démontrer ainsi aux Européens que l’Europe maîtrise désormais ses frontières extérieures.
Nous devons nous inquiéter du risque de division au sein de l’Union européenne. Le groupe dit « de Visegrad », exprime des crispations. Cette situation n’est pas satisfaisante. Le dialogue doit être la priorité. Il doit faire toute sa place à la subsidiarité, mais il doit aussi faire prévaloir la solidarité, quitte à ce que celle-ci s’exprime sous différentes formes.
Cette crise migratoire sert aussi de révélateur pour l’Europe. Certes, l’Europe est dépositaire et porteuse de valeurs universelles. C’est son honneur et sa fierté. Mais elle doit aussi apprendre à se comporter en puissance. Or elle est apparue en situation de faiblesse lors des négociations avec la Turquie, comme si elle n’avait pas de cartes en main, ce qui était pourtant faux.
Enfin, j’évoquerai l’Union pour la Méditerranée. Créée en 2008, elle exprime l’intuition de la France que les destins des rives sud et nord sont profondément liés. Ne pourrait-elle pas constituer un cadre pour une gestion stratégique de la durable crise migratoire et pour la recherche d’un partenariat ?
La politique commerciale est aussi un grand défi pour l’avenir de l’Europe. On doit déplorer l’insuffisante appropriation politique de ces enjeux. Il est donc indispensable que le Conseil européen en débatte.
La transparence des négociations est une priorité. Les parlements nationaux doivent pouvoir suivre ces dernières et s’exprimer sur le résultat final. Il y a un intérêt évident pour l’Europe à passer des accords commerciaux avec ses grands partenaires. Encore faut-il qu’elle défende ses intérêts. L’extraterritorialité des lois américaines est inacceptable. À cet égard, le Sénat s’est honoré en évaluant avec une grande précision cette question, dont s’est par ailleurs emparé Matthias Fekl, avec qui nous avons d’excellentes relations de travail. Nous disposons d’instruments de défense commerciale. Appliquons-les !
On ne peut non plus admettre que nos partenaires ferment leurs marchés publics tandis que les nôtres sont grand ouverts.