Je connais donc le sujet, et je sais ce que pensent les maires délégués et les maires des communes associées, la Haute-Marne étant le premier département, devant la Meuse, à avoir appliqué la loi Marcellin. J’observe d'ailleurs que nul n’est prophète en son pays : le Morbihan, terre d’accueil d’e Raymond Marcellin, ne compte aucune commune associée…
En réalité, si j’ai déposé, très modestement, le 20 novembre 2015, cette proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle, c’est parce qu’il me semblait nécessaire de réparer une injustice : je n’avais aucune autre ambition !
À ce titre, je me réjouis, au nom de toutes les communes et de toutes les communes associées, quelque peu abusées par la loi Marcellin, qu’une issue honorable ait pu être trouvée, en plein accord avec nos collègues de l’Assemblée nationale. Je tiens à remercier M. le président du Sénat, M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur, qui ont permis à ce texte de cheminer sans encombre jusqu’à la deuxième lecture, tout en étant enrichi par d’utiles amendements. Je témoigne aussi ma reconnaissance à Bruno Retailleau, président de notre groupe, pour avoir facilité l’inscription de ce texte à l’ordre du jour.
Nous sommes parvenus, me semble-t-il, à un juste équilibre.
À la suite de la loi Marcellin, qui ambitionnait de répondre au défi de l’émiettement communal en organisant des fusions de communes, quelques territoires du Nord-Est, comme la Haute-Marne, ont, avec confiance et application, montré l’exemple ; en vain, puisque le texte n’a pas rencontré le succès escompté au plan national. Il faut dire que le département de la Haute-Marne, terre d’accueil du général de Gaulle, a toujours répondu présent aux appels de la République, qu’il s’agisse de défendre la patrie ou d’appliquer loyalement les consignes gouvernementales, et donc préfectorales…
Cette loyauté républicaine est tout à l’honneur de mes concitoyens, à l’heure où l’autorité du Gouvernement est mise à mal jusque dans les commissariats. Elle comporte cependant un risque : lorsque l’État fait fausse route, comme avec la loi Marcellin, nous devons assumer les conséquences de l’avoir suivi de près.
En l’occurrence, la petite centaine de communes – elles étaient 200 à l’origine – qui, depuis le début des années soixante-dix, avaient courageusement montré la voie se trouvaient moins bien traitées par la loi du 16 mars 2015 encourageant la création de communes nouvelles que les dernières ralliées aux bienfaits du regroupement communal : celles-ci restaient des communes déléguées quand celles-là disparaissaient purement et simplement ! Il y avait là un véritable paradoxe.
Je voudrais remercier nos collègues des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale de leur écoute. Comme l’a dit notre rapporteur, « le Sénat puis l’Assemblée nationale ont complété le dispositif initial, clair, simple et limité, dans l’esprit de la loi de 2015. […] Nous avons préservé les communes déléguées en cas d’élargissement analogue à une ou plusieurs communes issues de la loi Marcellin – tel est le cœur de la proposition de loi. » En effet !
Confrontée à un problème géographiquement localisé et numériquement peu significatif, la représentation nationale a su faire preuve de proximité, de compréhension et de volonté de réparer une injustice. À ceux de nos concitoyens qui considèrent que leurs parlementaires sont trop éloignés des réalités du quotidien, notamment dans le monde rural, j’espère, au travers de cet exemple, apporter la démonstration du contraire. Au sentiment d’abandon qui fait le succès des populismes, je voudrais opposer le travail patient, discret et souvent efficace du Parlement.
Demain, si vous l’acceptez aujourd’hui, ce texte deviendra loi et le conseil municipal de Colombey-les-Deux-Églises, par exemple, pourra demander la transformation de ses six communes associées en autant de communes déléguées, à l’occasion d’une fusion au sein d’une commune nouvelle. En Haute-Marne, cela lèvera un frein au développement des communes nouvelles et permettra la diminution du nombre de communes que vous souhaitez, monsieur le ministre.
Le 8 mars dernier, après l’avoir amélioré, le Sénat a adopté ce texte en première lecture. L’Assemblée nationale a fait de même le 1er juin, après l’avoir enrichi de neuf articles supplémentaires, tout en respectant l’idée principale qui le sous-tend.
La représentation transitoire des communes déléguées au sein des intercommunalités, en l’occurrence jusqu’au prochain renouvellement, la détermination du nombre de délégués sénatoriaux, les aspects financiers : sur tous ces points, la proposition de loi a été utilement complétée.
Les communes s’engageant dans la création d’une commune nouvelle doivent bien sûr recevoir un encouragement en termes de représentation et de dotation. Cette « prime au mérite », dont j’insiste sur le caractère temporaire, qui sera peut-être de nature à rassurer le Conseil constitutionnel, sert l’esprit de mutualisation qui est au cœur de la loi du 16 mars 2015, tout en respectant l’identité des communes déléguées.
Respecter les communes, c’est aussi, comme l’a fait l’Assemblée nationale en étendant la portée de l’amendement de notre collègue Charles Guené, permettre aux conseils municipaux de déroger aux dispositions de la loi du 31 mars 2015 qui fixent au niveau maximum l’indemnité des maires. J’en profite pour saluer le désintéressement de ces derniers et de leurs adjoints, nombreux à soutenir cette démarche.
Toutefois, comme M. Collombat, j’invite le Gouvernement à veiller à la neutralité fiscale de l’article 5 du projet de loi de finances pour 2017, qui prévoit la fin de la retenue à la source spécifique aux indemnités de fonction, au profit de l’application des règles de droit commun de l’impôt sur le revenu. Si je comprends la nécessité de simplifier la collecte de l’impôt dans la perspective de la mise en place du prélèvement généralisé à la source en 2018 – si cela se réalise ! –, j’estime néanmoins que nous devons garantir la stabilité des ressources déjà modestes attribuées par l’État aux maires des communes, notamment des plus petites d’entre elles.
Le souci de l’équité a guidé nos travaux. Comme le disait Boileau : « Dans le monde, il n’est rien de beau que l’équité : sans elle, la valeur, la force, la bonté […] ne sont que faux brillants et que morceaux de verre. ».