Intervention de François Calvet

Réunion du 25 octobre 2016 à 14h30
Stabilisation du droit de l'urbanisme — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de François CalvetFrançois Calvet, coauteur de la proposition de loi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme la rapporteur, Élisabeth Lamure, dont la commission des affaires économiques a salué unanimement la qualité du rapport.

Je n’ai pas honte de le dire, mes chers collègues, lorsque nous avons commencé notre travail, qui devait aboutir à la proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise, nous étions inquiets. Qu’allions-nous pouvoir simplifier ? L’entreprise était ardue, s’agissant d’un domaine labouré par des réformes législatives incessantes.

Disons-le, si les membres du Gouvernement ont d’emblée joué le jeu, si les groupes politiques se sont prêtés à un exercice de consensus assez peu habituel, nous avons senti la présence, face à nous, une force considérable, qui tend grosso modo à faire la pluie et le beau temps en matière de réglementation : je veux parler de l’inertie de la technostructure. Celle-ci est le plus souvent compétente, parfois brillante, mais elle est surtout toujours conservatrice.

Il ne s’agit pas de ce conservatisme qu’un sénateur comme moi pourrait assumer, tendant à protéger, à garantir, à assurer la stabilité de la société et de ses valeurs. C’est un conservatisme qui est avant tout refus de bouger, mais aussi refus de considérer la réalité du terrain telle que nous, élus, la voyons au quotidien.

À un moment donné, nous avons failli baisser les bras. La simplification, c’est d’abord une première étape pleine d’enthousiasme, où l’on se dit naïvement que l’on va lever les entraves bien connues au dynamisme de nos territoires, puis une deuxième étape, plus morne, où l’on se trouve accablé par les multiples obstacles que les uns et les autres accumulent pour vous démontrer que rien n’est possible et qu’il faut renoncer. Vous devez avoir éprouvé ce sentiment, madame la ministre…

Cependant, nous n’avons pas renoncé, parce que Marc Daunis et moi nous sommes mutuellement soutenus, au-delà du clivage partisan : nous étions deux à vivre les mêmes réalités de terrain.

Nous n’avons pas renoncé parce que nous avons été soutenus par nos collègues du groupe de travail, toutes sensibilités politiques confondues, en particulier par son président, Rémy Pointereau.

Nous n’avons pas renoncé parce que nous étions comptables de notre réussite devant le président du Sénat et le Sénat tout entier, dont j’ai la faiblesse de croire qu’il doit être l’institution nationale au cœur de la simplification.

Nous n’avons pas renoncé parce que les quatre-vingt-dix-neuf personnalités que nous avons auditionnées, représentant le monde professionnel, le monde associatif, les différents services de l’État et les juridictions administratives, ont conforté notre volonté de répondre aux élus de terrain.

Nous n’avons pas renoncé parce que, au cours de ces auditions, nous avons senti des résistances qui retardaient de façon déraisonnable la mise en œuvre, notamment, d’une centaine de zones d’aménagement concerté, ou ZAC, pourtant nécessaires au développement de nos territoires, de leur économie et de l’emploi.

Nous n’avons pas renoncé parce que nous avons été rassurés quant aux thèmes ciblés dans le texte et analysés au travers de l’étude d’impact produite par le Sénat. Je remercie M. le président du Sénat d’avoir dégagé les crédits nécessaires à la réalisation de cette dernière, qui a grandement facilité notre tâche.

Nous n’avons pas renoncé, enfin et surtout, parce que les 11 000 élus nous ayant répondu dans le cadre de la consultation nationale que nous avons organisée nous ont dit, nous ont crié : « Nous n’en pouvons plus ! Aidez-nous ! Faites quelque chose, vous qui prétendez nous représenter ! »

Nous avons donc agi, et le fruit de cette action est la proposition de loi que le Sénat examine cet après-midi. Nous ne prétendons pas qu’elle est parfaite, mais nous demandons que ses différents articles soient pris au sérieux, car tous ont été inspirés par le désarroi des élus et des situations intolérables.

Voulons-nous en finir avec le scandale des délais de jugement en général, et en matière d’urbanisme en particulier ? Si oui, votons les articles 1er et 2 de ce texte, quitte à les améliorer. Mais ne faisons pas comme si de rien n’était, comme si l’on pouvait encore exiger des acteurs économiques et de nos concitoyens qu’ils attendent quatre ans et demi en moyenne pour voir leur affaire jugée !

Si nous n’acceptons pas le délaissement de nos territoires et si nous voulons renouer le dialogue entre l’État et les collectivités, alors votons l’article 7 de ce texte, quitte à l’améliorer !

Voulons-nous stabiliser nos plans locaux d’urbanisme ? Si oui, votons les articles 3, 4 et 5, qui visent à introduire une démarche innovante de nature à permettre aux élus de souffler, d’élaborer avec sérénité leurs projets urbains, en faisant passer le délai de mise en compatibilité de leurs PLU de trois à six ans selon la situation de la collectivité.

Voulons-nous entendre la voix des élus de terrain sur les avis des architectes des bâtiments de France, les ABF, sur leurs griefs à l’égard d’un système de protection des abords dont ils dénoncent, dans d’innombrables réponses, l’imprévisibilité, la variabilité, l’inégalité et le pointillisme ? Voulons-nous progresser, qui plus est sans risque de détricoter le régime de protection des abords, par le biais d’une expérimentation qui nous en apprendra beaucoup ? Alors votons, quitte à l’améliorer, l’article 9 de la proposition de loi.

Pour nous, pour les élus, l’important n’est pas de savoir si les prescriptions des ABF devront être annexées ou intégrées au PLU ! L’important est que ces prescriptions soient stables, qu’elles soient connues au préalable des citoyens et des élus et qu’elles ne soient pas déraisonnables.

Le président du Sénat plaide à juste titre pour la remise en action de l’article 41 de la Constitution. J’approuve totalement sa philosophie : au Parlement de fixer les grandes lignes politiques, à l’administration de les décliner sur le plan technique.

Procédons ainsi aujourd’hui ! Ne nous perdons pas dans des arguties juridiques, mais affirmons haut et fort, en tant qu’assemblée politique représentative des territoires de France, ce que nous voulons pour le droit de l’urbanisme, à savoir l’accélération des procédures et la stabilisation des règles.

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