Intervention de Pierre-René Lemas

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 octobre 2016 à 9h45
Audition de M. Pierre-René Lemas directeur général du groupe caisse des dépôts

Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts :

Je comptais précisément évoquer nos investissements sur le reste du territoire, hors grandes villes et agglomérations. À cet égard, nous souhaitons développer une politique innovante de conventionnement ; nous avons déjà signé 18 conventions avec des villes moyennes et ambitionnons de le faire aussi avec des petites villes. Là aussi, au-delà du financement, ces collectivités attendent notre appui sur la définition même et sur le montage des projets. Pour les y aider, nous avons créé des outils comme « Mairie-conseils », élargi le champ d'action de Localtis et organisé dans nos nouvelles directions régionales des équipes dédiées au développement du tissu territorial.

En matière de tourisme, nous avons mis en place, en octobre 2015, la plateforme d'investissement « France Développement Tourisme » en partant de l'analyse suivante, partagée d'ailleurs à l'époque avec Laurent Fabius, alors ministre du tourisme : alors que la France devrait être en capacité d'accueillir 100 millions de touristes d'ici à 2020, elle en est encore très loin ; en outre, bien qu'étant la première destination touristique au monde en termes de nombre de touristes accueillis, notre pays n'est plus que troisième en termes de chiffre d'affaires généré et, si j'ose dire, de « retour sur investissement ».

Pour progresser, nous avons besoin de trois types d'outils : d'abord un outil classique, créé avec BPI France, de fonds d'investissement à destination des PME du secteur et des entreprises familiales de l'industrie hôtelière - le crédit hôtelier étant un des ancêtres de la BPI, il ne s'agit pas là d'une nouveauté ! L'enveloppe correspondante de 100 millions d'euros est du reste en passe d'être déjà consommée et nous étudions donc la possibilité de la prolonger en 2017. Au passage, je précise que pour ce qui nous concerne, nous avons supprimé les contraintes liées au changement de catégories d'étoiles, qui constituent souvent un frein à l'investissement pour les établissements.

Deuxième outil mobilisé, la Foncière Développement Tourisme créée avec la Foncière des régions et qui a permis de réunir, en faisant appel à des investisseurs privés à qui nous assurons un taux de rentabilité raisonnable, environ 500 millions d'euros de fonds propres pour financer de l'hébergement touristique.

Enfin, nous gérons en direct une troisième enveloppe, dotée de 400 millions d'euros en fonds propres sur cinq ans, qui est prioritairement dédiée au financement des équipements touristiques et notamment aux projets numériques. C'est en effet l'un des défis à relever : s'adapter, voire être en avance dans le numérique.

Nous avons aussi mis en place une Foncière hôtelière des Alpes et une Foncière Rénovation Montagne qui fonctionnent bien, à un bémol près pour la seconde : si la rénovation des « lits froids » et des « volets clos » avance, l'étape d'une cession au marché reste encore à franchir. Et nous souhaitons également remobiliser le Fonds Tourisme Social Investissement et moderniser les villages vacances VVF, dont le cadre de gestion associative est aujourd'hui un peu archaïque mais qui reste un outil formidable, au besoin en les recapitalisant.

S'agissant de la frontière entre la Caisse et la BPI - dans laquelle je rappelle que la Caisse a investi plus de 10 milliards d'euros de fonds propres et qu'elle en est le coactionnaire à parité avec l'État - il est absolument exclu que ces deux institutions doublonnent et c'est la vision que je défends depuis que j'exerce la présidence du conseil d'administration de la BPI depuis deux ans. L'outil de la Caisse pour le développement économique, c'est la BPI.

Or, si chacun peut mesurer, au vu des moyens considérables qu'elle déploie sur les territoires, les effets de son action, il est légitime de se demander si BPI France va assez loin et si elle atteint les bonnes cibles. Je pense qu'on peut en effet aller plus loin, notamment en direction des entreprises innovantes et des petites, voire très petites entreprises. Il ne s'agit surtout pas d'opposer start-ups et entreprises artisanales mais ces dernières ont aussi des besoins de financement qui, si on les couvre, peuvent aussi permettre de créer des emplois. Cela implique d'initier une réflexion avec les établissements financiers car les artisans n'ont le plus souvent pas besoin de fonds propres mais de trésorerie pour faire la liaison entre une commande et l'achat d'une machine par exemple. Si BPI France accompagne aujourd'hui et complète le tour de table, elle pourrait demain l'initier.

Dans le secteur concurrentiel, la Caisse a d'abord pour vocation de financer l'innovation, d'initier des marchés et de créer des objets qui entraîneront le secteur privé, avant de se retirer. Nous l'avons fait avec les fonds très innovants Novo et Novi, essentiellement avec des compagnies d'assurances. De nouveaux sujets sont devant nous, tels que la technologie blockchain dont il nous faut expertiser le modèle pour vérifier ses potentialités. Comme vous le savez, l'un des métiers de la Caisse est d'être un tiers de confiance et, à ce titre, de gérer les dépôts des notaires et des autres professions juridiques. Or, j'ai l'intuition que sous la pression du droit européen, les professions règlementées devront un jour être libéralisées et que ces sujets seront posés.

La Caisse investit aussi depuis de nombreuses années dans l'économie sociale et solidaire (ESS). Outre le fonds NovESS de 100 millions d'euros qui est destiné à les soutenir, nous investissons beaucoup en fonds propres dans les entreprises du secteur et nous sommes le principal financeur des grands réseaux nationaux comme France Active. De même, la nouvelle Agence France Entrepreneur sera financée à parité par la Caisse et par l'État. Enfin, nous distribuons des prêts d'honneur qui participent du micro-crédit, à hauteur d'environ 250 millions d'euros chaque année.

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