Pour ne pas allonger les débats, je vous propose de répondre par écrit à certaines de vos questions techniques, comme la présentation géographique de nos aides, et de regrouper celles qui se rejoignent et appellent une réponse commune.
S'agissant, tout d'abord, de la Société foncière publique, le point de vue de la Caisse des dépôts est le suivant : nous considérons que cet outil ne sera utile qu'à condition qu'il ne « doublonne » aucun autre. Nous connaissons depuis longtemps les méfaits de la multiplicité et de la redondance des outils d'intervention et c'est d'ailleurs pourquoi, dans tous les domaines, je conduis une politique de rationalisation des structures en supprimant des filiales pour les ré-internaliser. Le nouvel opérateur ne pourra donc se développer que dans des métiers distincts de ceux des établissements fonciers et sur la base de « partenariats ». Je rappelle d'ailleurs que la vocation de la Foncière est de mobiliser les terrains de l'État non pas dans une logique de pleine propriété mais pour céder, par voie de baux emphytéotiques aux collectivités locales, une capacité d'utilisation de ces terrains pour construire du logement social. Permettez au fonctionnaire ancien que je suis de rappeler que l'État est fondamentalement schizophrène dans ce domaine : il souhaite, bien entendu, favoriser le logement social et, en même temps, sa politique immobilière le conduit à ne pas vouloir céder ses terrains à prix réduit. L'idée avancée par Thierry Repentin a pour but de sortir de cette contradiction en créant un outil de « portage » de ce patrimoine immobilier capable de rémunérer convenablement l'État et de mettre le foncier à la disposition des collectivités locales et aux acteurs de la construction de logements sociaux.
Le différentiel de coût entre la cession de terrain en pleine propriété et la cession sous forme de baux de longue durée est de l'ordre de 15 à 25 %. Ce gain en faveur de la construction implique cependant un cadrage juridique très précis en évitant de mêler les genres. Je me suis demandé si le nouvel établissement foncier ne pourrait pas être tenté de développer ses activités dans des opérations d'aménagement, de promotion ou de construction de logement social : il faut à tout prix l'éviter car ce sont des métiers différents et cela répond aux inquiétudes qui ont été exprimées par les acteurs du logement.
Voilà pour le cadrage général et j'ajoute deux observations. D'une part, de telles mises à dispositions de terrains ne doivent être effectuées que sur les territoires où ces opérations sont opportunes - ce n'est pas le cas partout - et si les collectivités locales le souhaitent. En second lieu, je partage l'idée que ces opérations doivent concerner des portages groupés. L'achat d'une parcelle privée se justifie, à mon sens, dans un seul cas : lorsqu'elle est nécessaire pour créer une unité géographique entre des parcelles publiques.
La Foncière solidaire doit donc être un outil de mobilisation des terrains publics sur la base d'un cadrage juridique bien conçu et en privilégiant ses relations de travail avec les collectivités locales.
S'agissant des types de construction concernées par ces opérations, je considère que le logement social ou très social est la priorité mais il faudra sans doute également développer le logement intermédiaire ou même l'accession à la propriété car les collectivités territoriales sont très sensibles au thème de la mixité.
En ce qui concerne l'ANRU, nous avons effectivement signé une convention avec cet organisme que la Caisse des dépôts finance très largement en termes de crédits d'ingénierie, en fonctionnement, en investissement et en prêts, avec, en particulier 19 milliards d'euros de prêts bonifiés dont 16 milliards au logement social. Compte tenu de ces relations financières, il nous est difficile d'isoler les données permettant d'établir un bilan précis de notre action en faveur de la politique des quartiers.
Pour répondre à votre question sur notre partenariat avec l'ANRU portant sur l'investissement dans la restructuration des locaux commerciaux, je vous communiquerai des éléments précis mais je peux vous indiquer ici que l'enveloppe globale est de 250 millions d'euros, ce qui permet de multiplier par deux les montants engagés par l'ANRU qui sont du même ordre.
En matière d'aménagement du territoire, je rappelle que notre présence sur les territoires, que nous appelons « transition territoriale », est une de nos quatre orientations fondamentales avec les transitions énergétique, numérique et démographique - je rappelle à ce titre que la Caisse des dépôts est gestionnaire d'un retraité sur cinq de notre pays.
Pour nous adapter au changement de la carte territoriale, nous avons proposé aux collectivités territoriales, au fil des renouvellements électoraux, des conventions globales portant à la fois sur les capacités de financement et sur l'ingénierie. Je précise qu'aujourd'hui la compétence économique des départements doit plutôt aller vers les régions et nous accompagnons les évolutions institutionnelles avec des conventions dites « de mandat » qui prennent en compte les priorités des élus du suffrage universel pendant la durée de leur gouvernance en nous appuyant sur nos directions régionales. Les départements ruraux sont particulièrement demandeurs de cet outil et nous travaillons également beaucoup avec les villes moyennes, en particulier celles qui subissent le retrait d'unités administratives. C'est parfois plus compliqué avec les communautés de communes, dans la ruralité, et il nous faut, dans ce secteur, adopter une vision territorialisée et la moins « parisienne » possible.