Je suis ravie de me trouver devant vous aujourd'hui, car je pense que le fait de pouvoir dialoguer sur ces sujets est extrêmement important, à un moment où chacun est conscient des atouts mais aussi des enjeux de l'exportation, qui exigent une mobilisation de tout le monde.
On m'a demandé de dire un mot des forces et des faiblesses du dispositif actuel, et notamment de Business France. Un mot tout d'abord sur Business France. Si je puis me permettre, vous avez eu une bonne idée de voter pour la fusion d'Ubifrance et de l'AFII. On peut vérifier tous les jours que c'était une bonne idée.
Nous avons fusionné il y a dix-huit mois, au 1er janvier 2015, pour former un EPIC hybride public et privé, qui a pour mission d'aider à l'internationalisation de l'économie française, ou plus exactement de capturer la croissance internationale au bénéfice de la France, de ses entreprises, de ses territoires et de son emploi sous forme, tout d'abord, de l'aide à l'exportation, principalement des PME et des ETI, en second lieu de la prospection et de l'accueil d'investissements étrangers, et enfin de la promotion de l'image économique de la France.
L'année dernière, en matière d'exportation comme d'investissements, Business France a eu des résultats qualitatifs et quantitatifs supérieurs aux résultats cumulés des deux agences précédentes. Cela peut donc fonctionner ! On a accompagné près de dix mille entreprises à l'exportation : 70 % ont noué des contacts commerciaux qu'ils n'avaient pas, et 50 % ont signé des contrats dans les six mois suivant notre intervention. On était à 40 % l'année d'avant. Je pense que l'on est donc dans une phase essentiellement qualitative.
Nous accompagnons plus de sept cents de ces entreprises de façon très renforcée, en partenariat avec Bpifrance et COFACE, en faisant du coaching intensif pour des PME ou des ETI qui ont des potentiels de croissance très importants.
On a aussi augmenté le dispositif de volontariat international en entreprise (VIE), qui est un véritable bijou qu'il faut conserver, avec neuf mille six cent VIE en poste. 97 % trouvent un emploi ensuite. 70 % des PME qui recourent à un VIE commercial nouent des contacts avec les courants d'affaires.
C'est un dispositif gagnant qui aide les entreprises à exporter, mais qui apporte également son soutien aux jeunes. L'Association pour l'emploi des cadres (APEC) a récemment mené une étude montrant qu'un tiers des cadres internationaux des groupes français à travers le monde sont issus du VIE, de la Coopération du service national à l'étranger (CSNE), des Volontaires du service national (VSN), etc. Il s'agit d'un dispositif très précieux.
Pour ce qui est de l'investissement, nous avons prospecté et détecté l'année dernière environ mille trois cents projets, en composition avec d'autres pays, dont cinq cent vingt-deux, soit dix-neuf par semaine, ont abouti en France, dans un partenariat très fort avec les collectivités territoriales, notamment les régions et leurs agences.
Ceci représente plus de la moitié du bilan de la France en termes d'investissements étrangers. On a compté neuf cent soixante-deux investissements, plus cinq cent vingt-deux grâce à l'action de Business France et de ses partenaires régionaux. Cela a représenté trente-trois mille emplois nets en plus. On ne sauve pas le pays du chômage, mais on contribue à sauver une ville chaque année. C'est ainsi que se motivent les équipes.
On a aussi lancé la campagne Créative France, orchestré la campagne French tech à l'internationale et doté tout le monde de chiffres clés - vous en verrez quelqu'un sur nos brochures - ambassadeurs, Business France, chambres de commerce, ou conseillers du commerce extérieur.
Il s'agit avant tout d'une entreprise de capital humain. Il y a mille cinq cents collaborateurs dans soixante-douze pays. Nous avons ainsi ouvert un bureau en Iran en septembre, qui croule sous les demandes des entreprises, et qui est extrêmement actif. S'agissant des personnels : 80 % des gens viennent du privé, 20 % du secteur public. Cette hybridation est absolument nécessaire. Nous comptons une soixantaine de nationalités, ce qui est rare pour une agence nationale publique, et qui fait partie de notre valeur, puisqu'on parle le langage du business, de la culture et des affaires dans les différents pays. Voilà où nous en sommes un an et demi après la fusion.
L'une de nos forces principales repose sur la couverture géographique ciblée. On ne peut être dans tous les pays, mais on essaye d'être dans ceux où se trouve le potentiel à l'exportation et à l'investissement le plus important.
Nous avons également une forte dimension sectorielle. Le langage de l'aéronautique n'est pas celui de l'agroalimentaire. Des équipes spécialisées permettent le « B2B » dans chaque pays [le Business to business -B2B- est le nom donné à l'ensemble des architectures techniques et logicielles informatiques permettant de mettre en relation des entreprises, dans un cadre de relations clients/fournisseurs]. On met en effet en relation des exportateurs, des investisseurs, des importateurs, des distributeurs. Il faut pour cela parler le langage sectoriel.
Une des raisons de la fusion, ce sont les liens entre les différentes activités. Peu de gens savent qu'un tiers de l'exportation française et 29 % de la Recherche et Développement (R et D) sont réalisés par les filiales françaises des groupes étrangers.
On a souvent une image de prédateurs des groupes étrangers : pour l'essentiel, et mis à part quelques cas d'école, la plupart irriguent le tissu économique de l'exportation et de la R et D. Du fait de la fusion, lorsque nous allons voir un investisseur, nous lui conseillons de venir s'établir en France pour son marché, ses infrastructures, ses talents, sa productivité, mais aussi pour son hub, c'est-à-dire sa plate-forme de correspondances, afin d'exporter vers l'Europe et l'Afrique. On lui propose immédiatement un Volontariat international en entreprise (VIE) ou un autre accompagnement. Ce discours passe bien et on leur présente immédiatement la façon dont nous allons pouvoir les accompagner. Cela a beaucoup de poids, car on amène ainsi peu à peu l'idée que l'on constitue un hub essentiel.
Le deuxième point fort réside dans notre stratégie partenariale. J'ai évoqué Bpifrance, COFACE, avec laquelle nous avons un partenariat stratégique très important. Le fait que le banquier, l'assureur et le conseiller de marché unissent leurs efforts est beaucoup plus efficace qui si l'on agit en ordre dispersé. Ce n'est évidemment pas un partenariat exclusif, mais c'est très efficace.
Dans le cadre de la diplomatie économique, on a vu la mobilisation des ambassadeurs, tous les ambassadeurs et les services économiques, et les consuls, dans les villes où le consulat a un rôle économique, sont mobilisés sur ces sujets. C'est important pour valoriser les opérations à l'exportation mais aussi pour ouvrir les portes au niveau le plus élevé. C'est un métier de faire venir un investisseur et de l'accompagner. C'est nous qui le faisons, mais quand l'ambassadeur a les contacts, il emmène dans sa valise la personne de Business France, et c'est très efficace.
On a également noué des partenariats systématiques. En effet, 80 % des opérations collectives à l'exportation dans le monde sont organisées par Business France, soit cinq cents par an. Nous mettons en place des opérations sectorielles ainsi l'économie liée au vieillissement de la population au Japon ou à l'électronique en Corée. Il est de notre responsabilité, en tant qu'opérateur de référence, d'assurer les partenariats.
Nous avons un partenariat avec Atout France, l'Agence française de développement (AFD), le MEDEF, la CGPME, nous débutons mais un premier partenariat s'est mis en place, avec Expertise France, et avec des ministères comme celui de l'agriculture, avec lequel on vient de signer un accord dans le cadre du transfert de la partie publique des actions de la Sopexa, qui sera réalisé au 1er juillet chez Business France. Cela fait quinze ans que beaucoup appelaient ceci de leurs voeux : cela se passe bien, dans les meilleures conditions possibles.
Je voudrais faire un focus sur les chambres de commerce et d'industrie. C'est le thème du parcours à l'export. Nous avons d'ailleurs signé, sous la houlette de Mathias Fekl, le 11 mars 2015, un accord entre les chambres de commerce françaises, qui sont des organismes administratifs, et le groupement des chambres de commerce à l'étranger, de droit privé, pour éviter les trous et les doublons et rendre les choses plus lisibles pour les PME. Il fallait construire un parcours à l'export pour rendre cela cohérent.
Le principe est que les chambres de commerce, en France, ont la proximité voulue pour rendre visite aux entreprises, les sensibiliser à l'exportation, les préparer, les évaluer. Nous avons quant à nous une grande puissance de feu pour leur permettre de rencontrer des distributeurs et des importateurs dans soixante-douze pays. Et ensuite, les chambres de commerce à l'étranger, et d'autres acteurs privés, comme les Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), avec lesquelles on discute en ce moment, peuvent les aider à s'implanter, à faire partie du club d'affaires.
C'est sur cette base que nous avons signé quarante-trois conventions à l'étranger, sachant que nous sommes conjointement présents, avec les chambres de commerce françaises à l'étranger, dans une cinquantaine de pays. Sept autres pays font actuellement l'objet d'une discussion.
Certains partenariats sont plus actifs que d'autres. Tous ne sont pas de même nature, mais cela fonctionne très bien. En France, nous avons passé un accord avec les chambres de commerce pour faire fonctionner l'écosystème mieux encore. Au-delà des dix mille entreprises que nous accompagnons déjà, les chambres de commerce doivent nous amener trois mille entreprises supplémentaires chaque année. On en est à six cents cette année, ce n'est pas rapide, mais au moins on essaie en ensemble d'améliorer le système.
Nous développons aussi des partenariats privés avec Crédit agricole, Hermès, etc., qui jouent un rôle dans l'écosystème. C'est la mobilisation des acteurs privés et publics qui compte dans ce domaine.
Quelles sont les faiblesses du dispositif ? J'en vois trois. En premier lieu, la France compte un tissu d'ETI et de grosses PME un peu faible. Nous ne disposons que de quatre mille ETI exportatrices, contre quatorze mille en Allemagne. Pour qu'une TPE exporte, il faut qu'elle innove et qu'elle ait les reins solides financièrement. En effet, si le retour sur investissement est remarquable, il nécessite néanmoins deux ou trois ans.
C'est une faiblesse structurelle. C'est aussi pour cela que l'on mobilise autour de la meilleure façon de faire grandir plus vite à l'exportation les PME et les ETI qui en ont vraiment le potentiel, c'est-à-dire les entreprises qui au lieu de faire 20, 25 % de leur chiffre d'affaires à l'export, vont faire tout de suite 80 % sans diminuer leur part sur le marché français.
S'agissant du deuxième point faible, j'ai dit tout le bien que je pense de l'écosystème. Toutefois, pour être honnête, c'est un effort de tous les instants de converger tous vers le même objectif, l'exportation comptant beaucoup d'acteurs. Parfois tout se passe bien, parfois, c'est un combat. Je copréside actuellement, avec le préfet de l'Ile-de-France, Jean-François Carenco, et Mme Valérie Pécresse, Présidente de la région Ile-de-France, un comité francilien sur le Grand Paris. Tout le monde est autour de la table. On tâche d'avoir une communication internationale commune et unique pour demeurer lisibles et efficaces. On y arrive, mais c'est une des difficultés du système.
Enfin, un point très rapide sur l'aspect financier me semble nécessaire. Nous avons une préoccupation, qui n'est pas propre à Business France mais qui borne notre efficacité collective, notamment pour les PME. La subvention d'État de Business France est passée, en cinq ans, de 127 millions d'euros à 100,7 millions d'euros. Pour l'actuelle loi de finances, nous atteignons 9 % de baisse par rapport à l'année précédente. Près de 50 % de notre budget est payé par les entreprises, qui paient les prestations que nous offrons. Au début, cela a fait faire des progrès fantastiques. C'est pourquoi on a des résultats que n'ont pas tous nos homologues européens - mais je me permets de vous alerter sur le fait que nous commençons à entrer dans une zone où il va falloir soit traiter un nombre de PME très restreint qui ont un potentiel immédiat, soit augmenter beaucoup les prix de nos prestations, ce qui finit par être contre-productif.
A titre de comparaison, sachez que le budget de notre homologue britannique est de 473 millions d'euros par an, dont 96 % de subventions de l'État. L'Italie touche 180 millions d'euros, dont 89 % de subventions, et la Norvège 322 millions d'euros. Nous sommes le « Petit Poucet de l'investissement », alors que les autres augmentent leurs investissements, tout le monde étant conscient qu'il faut aller chercher la croissance où elle est. Demandez-nous plus d'efficacité, mais ne cassons pas ce qu'on est en train de construire ! Je suis un peu véhémente, car le sujet m'inquiète.
Dernier point. Il réside dans la dimension territoriale, Ubifrance travaillait avec vingt régions sur vingt-deux, certaines s'investissant plutôt pour aider les PME sur le VIE, d'autres dans les aides à l'exportation. Pour ce qui est de l'investissement étranger, nous jouons nous-mêmes le rôle de prospecteurs à l'étranger avant de travailler avec les régions.
L'année dernière, nous avons signé une convention avec l'Association des régions de France (ARF) avant la réforme territoriale. Nous sommes en train de négocier son actualisation, pour travailler à la fois sur l'exportation, l'investissement étranger et sur la promotion des territoires. Le débat se déroule bien, et nous sommes en train de discuter région par région sur un sujet qui est plus de votre ressort que du nôtre, celui de la montée des intercommunalités et des métropoles, sur ce sujet, qui constituent des acteurs importants. Il nous faut donc trouver la bonne manière d'organiser la continuité territoriale, afin d'être efficaces ensemble. Il faut que nous ayons une seule casquette France, qui respecte les territorialités, pour que nous sommes audibles et efficaces à l'étranger.
Enfin, une de nos conventions avec le ministère de l'outre-mer, destinée à apporter un plus à l'exportation aux entreprises ultramarines, fonctionne très bien.