Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 22 juin 2016 à 9h50
Table ronde sur la diplomatie économique

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président :

S'agissant du cognac, on aurait pu citer Camus, qui est également une belle PME, et quelques autres...

Je salue la mobilisation de l'État en matière de diplomatie économique. C'est une étape très importante. Comme l'a dit Robert del Picchia, il ne faudra pas toucher dans l'avenir à la répartition de ses structures ni à ses orientations : tout cela n'a de sens que si c'est durable. Si chaque Gouvernement change les choses, on perdra beaucoup. Les outils fonctionnent, je ne les remets pas en cause.

Les PME sont certes des juges de paix, mais également notre commerce extérieur et notre attractivité. Or, le commerce extérieur n'est pas bon, et l'attractivité est pire encore. Le défi est donc énorme. Notre classement en termes d'attractivité n'est guère extraordinaire : il nous faut encore faire des efforts.

Deux choses sont très importantes. La première, c'est la culture entrepreneuriale dans notre appareil diplomatique. Nous allons, à l'occasion d'un rapport que va faire Christian Cambon, dire ce que nous pensons du rôle des ambassadeurs, de la façon dont ils pratiquent ce métier. Je pense que la disponibilité vis-à-vis des PME est un paramètre d'évaluation majeure des ambassadeurs. Il existe des ambassadeurs qui ne rencontrent pas les PME, et qui ne s'occupent que des grandes entreprises, qui ont contact avec le Président de la République et le ministre des affaires étrangères. Quand les PME n'arrivent pas à être reçues, il faut que les parlementaires n'hésitent pas à le dire.

Les consuls généraux, dans des villes comme Shanghai, par exemple, sont des personnalités très importantes. Tous ceux qui sont passés par ce poste ont eu une compétence économique très importante. Je connais d'autres sites où la compétence économique n'est pas aussi affirmée. Il est très important que sur ce genre de poste, les personnes nommées soient dotées de fortes compétences économiques. Cette approche est donc nécessaire. On a des ambassadeurs excellents : on a vu récemment ce qui a été fait en Australie. Nous pouvons, à l'aune de nos expériences comparer les comportements et les performances du réseau diplomatique. C'est sans doute aux parlementaires, plus qu'aux fonctionnaires, de dire ce qui fonctionne ou non.

Le second sujet, ce sont les investissements étrangers en France. On n'est pas suffisamment organisé dans ce domaine, quand on voit les sommes qui sont destinées à être investies à l'étranger par des pays comme la Chine, et les résultats de la France, nous ne pouvons qu'être déçus.

J'ai fait des propositions au Premier ministre à ce sujet. Nous sommes les meilleurs dans nos prises de contact. Je pense à ce qu'a fait Laurent Fabius et à ce que fait Jean-Marc Ayrault à présent, ou à ce que font des personnalités comme M. Lemière et un certain nombre de grands entrepreneurs, qui siègent dans les conseils des grandes villes. Nous avons là un réseau. La China Investment Corporation (CIC), fonds d'investissement chinois, est ainsi reçue en France comme rarement ailleurs. Ses réseaux sont formidables, mais les résultats ne sont pas si bons que cela.

Je pense que la Caisse des dépôts et consignations doit revoir son implication sur ces sujets. Nous avons un fonds formidable, le fonds Cathay, où la Caisse des dépôts et la China developpment bank investissent ensemble dans une structure privée. C'est une dynamique formidable, mais on devrait avoir vingt ou trente fonds identiques. On n'en a qu'un ! On le met toujours en avant et c'est très bien, mais il devrait y en avoir un pour l'agroalimentaire, deux pour la green industry, trois pour la région Rhône-Alpes-Auvergne, afin de faire du financement.

On comprend bien que les investissements étrangers font peur aux citoyens. On a bien vu ce qui s'est passé pour l'aéroport de Toulouse ! Le Président de la République et le Premier ministre proposent aux investisseurs asiatiques de venir chez nous. Lorsqu'ils viennent, ils découvrent dans la presse des articles hostiles !

On pourrait avoir, comme avec Cathay, un investissement même s'il n'est pas à parts égales. Les pays asiatiques - Singapour, Corée du Sud, Chine - ne le demandent pas, mais il faudrait qu'une partie de la Caisse des dépôts et consignations soit impliquée dans ces sujets pour permettre des investissements. L'emploi passe aussi par là. On a trop de problèmes de haut de bilan, ou de PME dont le patron a un âge avancé et qui n'ont pas les ressources financières pour assurer le développement. On ne peut laisser les acteurs étrangers jouer avec nos entreprises sans les apprivoiser. Nous avons des conditions sociales et environnementales spécifiques : il faut que les investisseurs puissent le comprendre.

Je pense donc qu'il faut trouver une ingénierie financière. On n'y est pour le moment pas prêt. On a pourtant les contacts et la diplomatie adaptée pour le faire. On l'a vu avec l'Iran, qui est plutôt ouverte, on voit ce qui se passe aujourd'hui avec l'Australie : si certaines images ont été dévastatrices pour la France, d'autres ont été bonnes. De ce point de vue, la meilleure opération de diplomatie économique que l'on ait faite récemment est de mon point de vue la COP 21 ! Une voiture de police qui brûle fait beaucoup de dégâts, une manifestation comme la COP 21 fait du bien !

Le rôle de la Caisse des dépôts et consignations devrait pouvoir être renforcé en matière d'investissements.

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