La mission « Remboursements et dégrèvements » présente deux spécificités.
D'une part, il s'agit de la mission la plus importante du budget de l'État : en 2017, près de 110 milliards d'euros de crédits sont demandés. Dans la mesure où elle couvre l'ensemble de la fiscalité, elle reflète tous les grands enjeux de la première partie du projet de loi de finances.
D'autre part, ses crédits sont évaluatifs et non limitatifs : ils correspondent à une prévision et non à un plafond de dépenses autorisées, ce qui conduit à prêter davantage attention à la logique des dispositifs fiscaux qui sont à l'origine des restitutions, au-delà du commentaire des évolutions prévisionnelles dont le caractère est incertain.
Le montant global des crédits de la mission, 110 milliards d'euros, est en hausse sensible par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2016 : 9 milliards d'euros supplémentaires sont demandés. Par rapport à l'estimation 2016 révisée, la hausse est de 5 milliards d'euros environ.
Au total, les remboursements et dégrèvements devraient ainsi représenter en 2017 près de 27 % des recettes fiscales brutes. En moins de dix ans, cette part a crû de 5 points. La politique fiscale menée année après année n'en est que plus difficilement lisible, pour nous parlementaires, mais aussi pour les citoyens.
J'ajoute que les contours de la mission « Remboursements et dégrèvements » et sa maquette budgétaire demeurent cette année encore inchangés, contrairement aux recommandations que je formule chaque année, appuyée sur ce point par la Cour des comptes. Les dépenses liées à la mécanique de l'impôt sont ainsi toujours artificiellement inscrites en dépenses d'intervention.
Les dégrèvements d'impôts d'État devraient s'élever en 2017 à près de 97 milliards d'euros, soit un record absolu de crédits demandés à ce titre depuis 2001. La hausse par rapport au montant révisé 2016 est de 4,5 milliards d'euros. Elle s'explique notamment par le coût croissant du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dispositif que j'ai eu l'occasion d'étudier en détail dans mon rapport d'information présenté au mois de juillet. Au total, le coût global du CICE en 2017 - qui dépasse le périmètre de la présente mission - sera supérieur de 3 milliards d'euros à celui de 2016.
La hausse des crédits demandés sur la mission s'explique par le fonctionnement même de ce crédit d'impôt : les entreprises qui n'ont pu ni imputer, ni se voir restituer la totalité de leur créance peuvent demander le remboursement du reliquat à l'issue du troisième exercice. Ainsi, en 2017, il faudra pour la première fois rembourser les parts restantes de créances de l'année N-4, c'est-à-dire de l'année 2013. Cette charge s'alourdira encore à partir de 2018 : le taux du CICE ayant été relevé de 4 % à 6 % à compter de 2014, les reliquats versés à partir de 2018 seront encore plus importants.
Par ailleurs, le Gouvernement propose à l'article 44 du présent projet de loi de finances de relever d'un point le taux du CICE pour le porter à 7 % à partir de l'année 2017. Cela aura pour conséquence d'augmenter de près de 17 % les créances de CICE des millésimes 2017 et suivants. Au total, ce relèvement induira à lui seul 3,1 milliards d'euros de créances supplémentaires par millésime, qui ne commenceront toutefois à être comptabilisées qu'à partir de l'exercice budgétaire 2018. Je m'inquiète de ce choix, alors même que le rapport 2016 du comité de suivi souligne, tout comme mon rapport de juillet dernier, l'efficacité incertaine de ce dispositif.
L'autre partie de la hausse des dégrèvements d'impôts d'État, à hauteur de 2 milliards d'euros, s'explique par une augmentation prévue des remboursements liés à la mécanique de l'impôt, en matière d'impôt sur les sociétés ou de TVA.
J'en viens maintenant aux remboursements et dégrèvements d'impôts locaux. En 2017, les crédits demandés s'élèvent à près de 12 milliards d'euros, en baisse de près de 360 millions d'euros par rapport au montant 2016 révisé.
Le montant des dégrèvements d'impôts économiques appelle peu d'observations. Certes, le montant est légèrement en hausse, mais cette évolution est en ligne avec celle du produit de ces impositions. Ainsi, le dégrèvement barémique de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a augmenté de 12,5 % - soit 460 millions d'euros - entre 2013 et 2016 mais, parallèlement, le produit de la CVAE a augmenté dans les mêmes proportions. Par ailleurs, on peut noter que la part des impôts locaux économiques prise en charge par l'État a fortement baissé, passant de 44 % en 2009 à 21 % en 2015, notamment en raison de la réforme de la taxe professionnelle.
Les dégrèvements en faveur des ménages connaissent en revanche des évolutions significatives, qui tiennent pour l'essentiel à l'extinction du dégrèvement exceptionnel mis en place en urgence l'an dernier.
La suppression de la « demi-part des veuves » et la fiscalisation des majorations de pension ont conduit à augmenter le revenu fiscal de référence et fait perdre à de nombreux contribuables le bénéfice des exonérations de taxe d'habitation et de taxe foncière en fonction des revenus. Pour éviter cela, le Parlement a adopté l'an dernier des mesures maintenant les exonérations pour certains ménages et mettant en place une sortie dite « en sifflet » en cinq ans pour les autres redevables.
De façon exceptionnelle, le maintien des exonérations sur les impositions 2015 s'est fait, en 2016, par un dégrèvement entièrement pris en charge par l'État. À compter de 2017, ce dispositif redeviendra une exonération classique, compensée aux collectivités territoriales à travers les prélèvements sur recettes et non plus sur la mission « Remboursements et dégrèvements ». C'est pourquoi le montant des dégrèvements de taxe d'habitation et de taxe foncière a augmenté de 300 millions d'euros en 2016 et diminue tout aussi fortement en 2017.
Par ailleurs, il est toujours aussi difficile de mesurer les effets de la minoration des variables d'ajustement sur les budgets locaux : j'espère que nos collègues Claude Raynal et Charles Guené, rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités locales », pourront obtenir davantage d'informations.
Pour terminer, j'ai souhaité faire le point sur les quatre contentieux communautaires les plus importants, tant en termes de dossiers que de montants. Pour celui qui concerne le « précompte mobilier », l'intégralité des litiges a été tranchée dans un sens favorable à l'administration. Ainsi, aucun décaissement n'a été effectué par le Trésor depuis 2014. Cependant, un recours en manquement a été introduit devant la Commission européenne, rendant l'issue de ce contentieux incertaine.
Pour ce qui est du contentieux « OPCVM » les restitutions opérées à la suite de l'arrêt rendu en 2014 par la Cour de justice de l'Union européenne se sont élevées à près de 800 millions d'euros en 2014 et 715 millions d'euros en 2015. Le montant projeté pour 2017 s'établit à un milliard d'euros.
Concernant le contentieux dit « Steria », relatif à la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes de source communautaire, la loi de finances rectificative pour 2015 a modifié le dispositif qui posait problème. Le coût prévu pour 2017 est de 300 millions d'euros.
Enfin, le contentieux relatif à la « contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés au titre des montants distribués » - qui est prévue à l'article 235 ter ZCA du code général des impôts - comporte deux volets : un problème de conformité à la Constitution, que le Conseil constitutionnel a tranché et que le projet de loi de finances rectificative devrait nous proposer de résoudre ; et un volet communautaire qui ne sera vraisemblablement pas tranché avant 2018. Le rendement de cette taxe étant de l'ordre de 1,8 milliard d'euros par an, le risque global est élevé pour l'État.
D'un point de vue budgétaire global, les principaux contentieux communautaires représentent, pour la seule année 2017, un coût estimé à près de 1,5 milliard d'euros.
Compte tenu du choix fait par le Gouvernement de relever le taux du CICE, alors même que son efficacité n'est pas démontrée, et des analyses critiques contenues dans mon rapport et dans celui de France Stratégie, je vous invite à rejeter les crédits de cette mission.