Intervention de Dominique Potier

Commission mixte paritaire — Réunion du 2 novembre 2016 à 17h15
Commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre

Dominique Potier, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

La réunion de la commission mixte paritaire constitue pour moi une bonne nouvelle après quatre années de débats. Même si je doute qu'elle aboutisse à une conclusion positive, cette CMP n'en constitue pas moins une étape clef, qui nous permet d'envisager le bout d'un long chemin. J'ai d'ailleurs noté avec intérêt les propos que le ministre de l'économie et des finances, M. Michel Sapin, a tenus au Sénat : il y a désormais un engagement de l'exécutif pour que cette proposition de loi aboutisse et nous pouvons espérer qu'elle sera définitivement adoptée au début de l'année 2017.

Je salue aussi l'évolution du Sénat, qui n'a plus d'opposition de principe. Je dois dire que nous avions été frappés par la manière dont les choses avaient débuté, dans une sorte d'affrontement idéologique. En première lecture, la commission des lois du Sénat n'avait pas adopté de texte, puis avait présenté, en séance publique, des amendements de suppression, article par article. La position du Sénat a ensuite fortement évolué et nous sommes finalement d'accord sur le fait que le voile juridique séparant les sociétés mères de leurs filiales et sous-traitants peut causer des désordres, tant pour les écosystèmes que pour les droits humains. Il convient d'y apporter remède. Nous ne pouvons pas accepter un tel état de fait, qui ne saurait être éternel et qui peut être corrigé par l'ordre et la justice.

Pour autant, nous avons aussi des désaccords, qui me laissent penser que cette CMP ne pourra élaborer de texte. Ainsi, le Sénat n'envisage qu'un reporting a posterori, alors que nous voulons au contraire nous situer dans la prévention. C'est bien ce qui constitue la nouveauté ! Vous restez dans le cadre de la loi du 22 mars 2012 et dans celui des directives européennes ad hoc, qui ne font appel qu'à la bonne volonté des entreprises. Nous voulons, nous, une mise en oeuvre effective des principes que nous défendons.

Notre principal différend porte sur la question de la sanction. Pour vous, l'éthique personnelle, l'enjeu commercial, suffiront pour que les entreprises progressent. Nous avons une autre vision du monde : des rives doivent canaliser le fleuve de la mondialisation. Une loi doit être posée, le juge doit sanctionner ceux qui ne l'appliquent pas.

Bien sûr, il reste des questions en suspens, y compris au sein de l'Assemblée nationale, en particulier sur l'échelon territorial pertinent. Des États membres doivent oser anticiper et être pionniers pour que l'Union européenne, trop lente, se saisisse de ces questions. C'est pourquoi nous souhaitons revenir au texte initial adopté par l'Assemblée nationale, tout en tenant compte de certaines dispositions introduites au Sénat, par exemple sur le délai de mise en oeuvre.

En tout état de cause, nous espérons que le travail de conviction se poursuivra. Et je ne désespère pas qu'in fine, nous trouvions un très large accord sur une proposition qui, à l'instar des grandes lois sur le travail du XIXème siècle ou des textes qui ont aboli l'esclavage, marque une rupture dans une mondialisation que nous ne condamnons pas, mais que nous voulons humaniser.

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