Intervention de Laurence Rossignol

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 27 octobre 2016 : 1ère réunion
Audition de Mme Laurence Rossignol ministre des familles de l'enfance et des droits des femmes »

Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes :

Cette audition est un moment particulier, puisqu'il s'agit très certainement de la dernière audition portant, de façon globale, sur la politique menée par ce gouvernement en faveur des droits des femmes.

Le budget qui vous sera présenté pour ce nouveau projet de loi de finances prévoit une hausse de 8 % du programme 137 dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette nouvelle hausse s'inscrit dans la dynamique engagée depuis quatre ans, puisque, au total, sur cette période, le budget consacré aux droits des femmes a augmenté de 50 %.

En 2012, la loi de finances initiale prévoyait 20 millions d'euros de crédits ; en 2017, ce sont 30 millions d'euros qui sont désormais budgétés.

L'année dernière, déjà, de nouveaux crédits étaient venus abonder le programme 137. Ce n'était en aucun cas une opération « cosmétique ». Le Gouvernement avait fait le choix, dès 2016, de redéployer des crédits provenant des ministères de la santé, de l'intérieur et de la justice vers le ministère des droits des femmes pour créer le fonds dédié à l'accompagnement des personnes prostituées prévu par la loi contre le système prostitutionnel1(*).

La hausse continue de ce programme est remarquable et traduit la détermination du Gouvernement à développer cette culture de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Cette ambition se traduit directement sur le terrain : 80 % des crédits du programme 137 sont directement versés aux associations, qui sont les chevilles ouvrières de la politique en faveur des droits des femmes dans les territoires, qu'il s'agisse d'accès aux droits, de lutte contre les violences, d'égalité professionnelle ou encore de lutte contre les stéréotypes. Depuis 2012, plus d'une dizaine de conventions pluriannuelles d'objectifs ont été signées entre l'État et de grandes associations, permettant ainsi de mieux sécuriser leur activité.

En outre, le budget consacré aux droits des femmes ne se concentre pas sur le seul programme 137. D'autres programmes budgétaires contribuent ainsi à l'égalité entre les femmes et les hommes. Ils sont recensés dans un document de politique transversale (DPT)2(*), qui affiche pour 2017 un budget de près de 310 millions d'euros.

À cela, nous pourrions ajouter d'autres crédits. Je tiens à souligner à quel point la politique familiale française est un puissant levier d'autonomisation des femmes. En développant et en diversifiant les modes d'accueil du jeune enfant, ainsi que les dispositifs spécifiques pour les familles monoparentales - des mères, pour plus de 80 % -, nous mettons la politique familiale au service de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Pour répondre à la question « Où est l'argent pour les droits des femmes ? », il est nécessaire d'adopter la démarche globale et transversale de gender budgeting de l'ensemble des politiques publiques et de prendre en compte, outre les fonds publics, l'argent privé, lequel bénéficie beaucoup moins aux femmes qu'aux hommes.

L'ensemble des ministères sont mobilisés et concourent à la politique en faveur des droits des femmes. Nous avons ainsi développé une architecture institutionnelle et des instances interministérielles. Cela est rendu possible, notamment, grâce à la nomination de hauts et de hautes fonctionnaires à l'égalité dans chaque ministère, à la désignation d'un ou d'une référent(e) « égalité » au sein de chaque cabinet et à la préparation d'études d'impact annexées aux projets de loi.

Nous menons d'ailleurs actuellement les conférences annuelles de l'égalité. Dans ce cadre, le ministère des droits des femmes auditionne chaque année l'ensemble des ministères afin de faire le bilan et d'identifier les ambitions de chacun d'entre eux en termes de politiques publiques et de ressources humaines. Nous avons encore du travail, mais nous voyons, d'ores et déjà, le chemin parcouru. Je vous livre quelques-unes de ces actions : en 2017, les premières femmes militaires rejoindront nos sous-marins militaires ; depuis quelques semaines, nous comptons 50 % de femmes parmi les recteurs et les rectrices d'académie ; pour limiter les effets du temps partiel sur les revenus de ses agents, le ministère de l'économie expérimente depuis peu « le temps compressé », une organisation du travail qui permet aux agents auparavant à 90 %, soit essentiellement des femmes, de reprendre un temps plein en concentrant leur temps de travail sur quatre jours et demi.

Vous le voyez, les ministères avancent et s'engagent véritablement.

Le Premier ministre a aussi très clairement rappelé l'objectif, pour chaque ministère, d'obtenir avant la fin 2017 le label « égalité », qui exige le déploiement au sein des administrations d'une politique exigeante d'égalité entre les femmes et les hommes passant par la lutte contre les stéréotypes de genre, ou encore par l'articulation des temps de vie personnelle et professionnelle. La question de la nomination de femmes parmi les hauts fonctionnaires dans les ministères fait l'objet d'une vigilance constante car, dès que l'on relâche la pression, les mauvaises habitudes reprennent.

Nous avons aussi pour ambition de ne pas considérer différemment le secteur public et le secteur privé, car ils rencontrent les mêmes problèmes. L'inégalité entre les femmes et les hommes existe tout autant, et parfois même plus, dans le public, et la ministre de la fonction publique, Annick Girardin, s'attelle à ce sujet avec détermination. C'est pour cette raison que le plan interministériel en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes traite des deux secteurs.

Pour la même raison, le Premier ministre a confié à la députée Françoise Descamps-Crosnier une mission relative aux évolutions de carrières et aux écarts de rémunération entre hommes et femmes au sein de la fonction publique. Nous voulons en effet comprendre quand se produisent les basculements et se creusent les écarts.

S'agissant des pistes d'évolution pour le budget consacré aux droits des femmes, nous avons encore à progresser sur de nombreux points. Il nous faut ainsi évaluer avec davantage de précision l'ensemble des crédits qui contribuent à cette politique. Par exemple, quand Ernestine Ronai, coordinatrice nationale de la lutte contre les violences faites aux femmes au sein de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), et responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, intervient pour dispenser des formations à l'École nationale de la magistrature (ENM) au sujet des violences faites aux femmes, nous mobilisons des crédits de mon ministère, mais aussi du ministère de la Justice.

Dans le cadre des conférences de l'égalité, nous rappelons la nécessité d'identifier le plus finement possible les crédits dédiés à la politique en faveur des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes au sein des différentes politiques publiques.

Par ailleurs, comme le souligne le rapport Où est l'argent pour les droits des femmes ?, nous devons continuer de travailler sur la conditionnalité des financements publics au respect de l'égalité entre les femmes et les hommes.

La loi du 4 août 20143(*) a marqué une première étape à cet égard, en conditionnant l'accès des entreprises aux marchés publics et aux partenariats public-privé au respect de leurs obligations en matière d'égalité professionnelle. C'est en effet en imposant des critères d'exemplarité que les pouvoirs publics incitent leurs interlocuteurs à s'impliquer concrètement dans la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.

La prise en compte du genre dans les financements attribués par les pouvoirs publics est une dimension essentielle que nous continuons à déployer.

C'est pourquoi je me félicite que votre assemblée ait adopté un amendement au projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté (PLEC) visant à instaurer la parité dans les commissions des établissements publics placés sous la tutelle du ministère de la culture. Cette disposition prévoit de fixer à 40 % le seuil de représentants de chaque sexe, à partir du 1er janvier 2018, au sein des commissions qui « attribuent des subventions ou aides financières, sélectionnent, acquièrent ou commandent des oeuvres, attribuent des agréments, ou procèdent à des sélections en vue de compétitions internationales ». Dans tous les domaines artistiques, les femmes sont trop souvent évincées des programmations et des procédures de sélection.

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