En renforçant la présence des femmes dans les comités de sélection, nous souhaitons voir augmenter la part des subventions et des sélections en faveur des femmes. Nous misons, dans tous les domaines, sur l'effet d'entraînement.
Enfin, nous devons trouver de nouveaux leviers de financement. C'est ce que nous nous sommes attachés à faire dans le cadre du plan interministériel en faveur de l'égalité professionnelle, sur lequel j'aurai l'occasion de revenir plus en détail.
Dans le cadre de ce plan, nous travaillons à la mise en place d'un dispositif qui permettra d'utiliser les pénalités, prévues par la loi Sauvadet, dues par les administrations ne respectant par leurs obligations en matière de nomination paritaire. Ces ressources serviront à la mise en place d'actions de sensibilisation et de formation en faveur de l'égalité professionnelle. Je souhaiterais que les mêmes pénalités soient appliquées aux partis politiques qui ne respectent pas leurs obligations paritaires, et bénéficient à la même cause, mais le ministère des finances ne semble pas soutenir cette proposition innovante. Il me semblerait pourtant tout à fait cohérent que ces pénalités servent à corriger les manquements qui les ont occasionnées.
Le plan prévoit également d'activer les crédits du Fonds social européen (FSE) pour financer des projets régionaux. Un appel à projets, en cours de préparation, permettra d'engager des actions en faveur de l'insertion professionnelle des femmes, de la mixité professionnelle et de l'accompagnement des actrices et acteurs du dialogue social. Pour cela, une instruction spécifique sera transmise aux préfètes et préfets.
Une fois la partie recettes discutée, se pose bien évidemment la question de la façon dont elles vont pouvoir être dépensées. Avec ce budget, le Gouvernement nourrit une action déterminée sur tous les fronts. Permettez-moi de vous présenter ceux qui me semblent particulièrement prioritaires.
France Stratégie a récemment rendu public un rapport sur le coût économique des discriminations. Je dois ici souligner que le ministère des droits des femmes n'était pas à l'initiative de cette commande. Les conclusions sont sans appel : être une femme constitue le premier facteur discriminant dans l'environnement professionnel et supprimer ces discriminations constituerait un formidable levier de croissance.
Ce constat et cette perspective nous ont d'autant plus confortés dans la nécessité d'agir qu'à l'occasion de la 4ème édition de la semaine de l'égalité professionnelle, nous avons lancé le premier plan interministériel en faveur de l'égalité professionnelle. Ce plan rassemble toutes les mesures qui participent à faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes dans le milieu professionnel : lutte contre les stéréotypes, accompagnement du dialogue social, mise en oeuvre de la loi, insertion professionnelle ou encore lutte contre les discriminations et les violences.
Grâce ce plan, nous ancrons durablement la politique en faveur de l'égalité professionnelle dans le paysage institutionnel. Nous lui apportons aussi la cohérence et la lisibilité nécessaires pour que chacune et chacun s'approprient l'ensemble des dispositifs qui existent aujourd'hui, et sur lesquels il s'agit de communiquer. Nous créons également un cadre dans lequel les nombreux acteurs partagent et nourrissent leur réflexion, afin de proposer une politique toujours plus efficace.
Dans les prochains mois, nous allons nous attacher à la bonne mise en oeuvre de ce plan. L'activation des crédits FSE, la signature du plan mixité dans les métiers du numérique, la sensibilisation des professionnels de la petite enfance à l'implication des deux parents ou encore le lancement d'une réflexion sur le télétravail feront partie des actions prioritaires.
Les entreprises et les administrations sont également parties prenantes de la mobilisation contre le sexisme. Le Conseil supérieur à l'égalité professionnelle (CSE) révèlera le 24 novembre prochain les résultats de son enquête sur la perception du sexisme parmi les salariés non cadres. La publication de cette étude sera assortie d'un « kit » d'outils à destination des employeurs et du collectif de travail pour les aider à mettre en place des actions concrètes de prévention et de lutte contre le sexisme au sein de l'entreprise.
Les femmes perçoivent le lieu de travail comme un environnement particulièrement propice à l'expression du sexisme. Il est d'autant plus important que nous accompagnions les entreprises dans la mise en place des actions nécessaires que la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels4(*) renforce leurs obligations en la matière. En effet, elle intègre la prévention des agissements sexistes dans le règlement intérieur de l'entreprise ainsi que parmi les missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et introduit une obligation d'agir pour les employeurs en matière de lutte contre le sexisme.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler, également, l'urgence et la nécessité d'agir pour lutter contre les violences faites aux femmes. Je connais, madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, votre engagement sur ce sujet. Le débat que vous organisez le 22 novembre prochain en témoigne et j'y serai présente. Parmi les grandes échéances à venir, je lancerai le 25 novembre le 5ème plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, que vous avez évoqué. La formation des professionnels, l'ordonnance de protection, le « téléphone grave danger », la création de places d'hébergement d'urgence sont autant de dispositifs qui ont fait leurs preuves et qui ont donc vocation à être prolongés et renforcés. Sur l'hébergement d'urgence, nous mettons tout en oeuvre pour remplir les objectifs fixés par le Président de la République, soit la création de 1 650 places d'ici à 2017. Nous avons réalisé pratiquement 90 % de cet objectif.
Je tiens également à ce que ce 5ème plan soit l'occasion d'aller plus loin en développant l'action publique autour de trois enjeux.
D'abord, la lutte contre les violences sexuelles : il y a urgence à se saisir du sujet. L'avis sur le viol remis par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes5(*) a récemment souligné à quel point le viol fait encore l'objet de tabous et de comportements culpabilisateurs à l'égard des femmes. Il n'est ainsi jamais fait mention du viol dans le discours politique relatif à la violence et à la sécurité ; c'est pourtant le crime le plus répandu en France.
Les premiers résultats de l'enquête VIRAGE, qui seront présentés le 25 novembre prochain, concerneront les violences sexuelles, et viendront étayer nos connaissances sur ce sujet. Sur cette base, nous pourrons renforcer la formation des professionnels et poursuivre la sensibilisation de la société à ce sujet.
Une autre priorité du plan sera la protection des enfants victimes des violences conjugales. Le périmètre de mon ministère et l'expérience que j'ai acquise lorsque j'étais secrétaire d'État chargée de la protection de l'enfance - je pense au travail réalisé à partir de la proposition de loi des sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini - m'ont permis de faire le lien avec le sujet des violences faites aux femmes. Nous avons constaté, avec les associations, qu'il s'agissait de « violences à bas bruit » et que l'omerta était bien plus grande à l'égard des enfants.
Depuis la loi relative à la protection de l'enfant6(*), je m'efforce de mettre au jour l'incidence des violences faites aux femmes sur les enfants. Je suis convaincue que les enfants qui en sont témoins en sont eux-mêmes des victimes. Deux fois sur trois, ils sont spectateurs des violences commises sur leur mère. Nous devons nous atteler à casser le mythe, qui a notamment cours parmi certains juges aux affaires familiales, selon lequel un mauvais mari peut être un bon père. Les juges privilégient ainsi souvent le maintien du lien père-enfant, sans considérer que l'enfant est aussi victime des violences à l'égard de la mère. Il ne s'agit pas de deux sujets parallèles ! Voilà pourquoi j'ai voulu inclure cette question des enfants dans le plan de lutte contre les violences faites aux femmes.
Enfin, nous avons identifié des situations spécifiques de violences cumulées. Je pense aux femmes en situation de handicap, qui subissent une double discrimination et une double exposition à la violence, aux femmes migrantes, à celles qui résident dans les territoires ruraux, où le tissu associatif est plus lâche qu'en ville, et dans les territoires d'outre-mer. Je me rendrai d'ailleurs à La Réunion le 25 novembre pour rappeler que l'action de l'État existe aussi dans ces territoires.
Je suis également préoccupée par la situation des jeunes filles de moins de 25 ans. Les associations nous font part de nombreux cas de jeunes filles victimes de violences familiales. Il y aurait aussi, à leur égard, une augmentation des violences sexuelles de couple et dans les relations amoureuses. Il s'agit là de remontées du terrain ; ces jeunes filles ne se considérant pas comme des victimes de violences conjugales, ce problème est encore mal identifié. On relève également une exposition spécifique au sexisme chez les moins de 20 ans qui mérité d'être approfondie.
Désormais reconnue comme une violence par la loi depuis le 13 avril 2016, la prostitution a évidemment vocation à intégrer ce 5ème plan.
Ce sont d'ores et déjà 250 clients qui ont été condamnés depuis mai. Ce chiffre démontre que cette loi est bel et bien applicable.
Le dispositif du parcours de sortie sera opérationnel dès janvier prochain. Un premier décret qui permettra aux préfectures d'agréer les associations et de mettre en place les commissions départementales paraîtra dans les prochains jours. Pour 2017, le budget dédié à ce parcours a presque triplé et s'élève désormais à 6,6 millions d'euros, auxquels s'ajouteront les recettes provenant de la confiscation des biens et des produits des proxénètes et des réseaux de traite des êtres humains.
En parallèle, nous poursuivons le travail de sensibilisation et de conviction auprès du grand public, tout particulièrement à l'attention des clients. Le ministère a participé à une première campagne de sensibilisation à l'occasion de l'Euro 2016, avec pour message - diffusé notamment dans les fans zones - « le prix d'une passe n'est pas celui que tu crois », pour rappeler que le prix d'une passe, c'est aussi le prix de l'amende. Puis nous avons lancé une nouvelle campagne sur les réseaux sociaux à l'occasion de la Journée européenne contre la traite des êtres humains, rappelant que l'achat d'actes sexuels était désormais interdit et passible d'une amende.
Je souhaiterais mentionner deux autres travaux d'envergure actuellement en cours.
Le premier est lié à la proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse aux sites anti-IVG. Les activistes anti-IVG se déplacent au fur et à mesure que nous les délogeons. Lorsque nous avons créé le délit d'entrave, ils ont cessé de s'enchaîner aux portes des hôpitaux, mais ils sont entrés dans les salles d'attente des services hospitaliers. Un amendement que j'ai proposé en 2014 et qui a été adopté au Sénat a élargi le délit d'entrave pour intégrer ce type d'agissement. Ils agissent désormais sur Internet. Soyons clairs, l'hostilité à l'IVG est une opinion que chacun est libre d'exprimer. Mais se dissimuler derrière de pseudo-sites d'information pour attirer des femmes en recherche d'informations, notamment pratiques, et les faire douter de leur choix, c'est un irrespect absolu de la liberté de décision des femmes. Sur l'un de ces sites, par exemple, un garçon et une fille en classe de seconde sont glorifiés et présentés comme des rebelles parce qu'ils veulent garder leur enfant !...
J'ai donc proposé l'extension du délit d'entrave à ces sites anti-IVG et déposé un amendement en ce sens au projet de loi relatif à l'égalité et la citoyenneté. Or la commission spéciale du Sénat a rejeté cet amendement au motif qu'il n'avait pas de rapport avec ce texte, analyse pour le moins surprenante, si l'on considère que c'est une décision de procédure qui concerne le fond...