Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 12 octobre 2016 : 1ère réunion
Plf pour 2017 — Audition du général andré lanata chef d'état-major de l'armée de l'air

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président :

Mon Général, avec votre audition nous entamons notre cycle d'auditions budgétaires sur les crédits de la défense. Le projet de loi de finances 2017 intervient dans un contexte où l'armée de l'air participe de façon très intense aux opérations extérieures - alors que la bataille de Mossoul se prépare - et doit dans le même temps renforcer la sécurité de ses emprises sur le territoire national, en conséquence de la montée de la menace intérieure. Ces fortes sollicitations ont naturellement des implications en termes de possibilité d'entrainement et de disponibilité des aéronefs en métropole, notamment.

Quel est le moral des aviateurs qui donnent beaucoup depuis plusieurs mois, voire plusieurs années ? Quels sont les principaux points de vigilance pour vous dans le projet de loi de finances ? Question annexe : en quoi le contrat indien est-il susceptible d'affecter le rythme de livraison des Rafale à l'armée de l'air dans les années à venir ?

Général André Lanata, chef d'état-major de l'armée de l'air. - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Sénateurs, c'est toujours un honneur en même temps qu'une très grande fierté de pouvoir témoigner devant vous du sens du service extraordinaire des hommes et des femmes de l'armée de l'air. Je mesure chaque jour, humblement, la responsabilité immense qui m'a été confiée pour les préparer au combat, physiquement et moralement, pour améliorer leurs conditions de travail et de vie, pour vous garantir ainsi qu'ils réussiront les missions que leur confie la France dans les meilleures conditions possibles, et pour promouvoir les valeurs qui animent les aviateurs et qui contribuent sans nul doute à leurs succès. Car je peux vous assurer que les aviateurs que je commande font preuve d'un enthousiasme remarquable, d'une abnégation quotidienne, d'une discipline et d'un loyalisme sans faille, d'une rusticité et d'une débrouillardise sur le terrain, d'une culture expéditionnaire enviée de nos alliés, d'un désintéressement et d'un sens du service qui force l'admiration et qui peut aller - et qui va - jusqu'au sacrifice ultime.

Malheureusement depuis que je me suis présenté devant vous il y a un an, l'armée de l'air a payé, une fois encore, un tribut important aux combats que mène actuellement notre pays. Je voudrais, au moment de prendre la parole devant votre commission, commencer par rendre hommage à nos blessés et nos morts. Ils sont là pour nous rappeler l'exigence inouïe et la noblesse de leur engagement, et la reconnaissance que notre pays leur doit en retour. Comme le chef d'état-major des armées, j'affirme : nos soldats sont des héros ! A ce titre, je vous remercie très sincèrement des marques de soutien de la représentation nationale que les aviateurs trouvent dans chacun de vos déplacements sur nos bases aériennes, sur les théâtres d'opérations extérieures ou sur le territoire national. C'est pourquoi je vous assure de leur importance dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons.

Récemment j'ai présidé la prise de commandement de la base aérienne de Nancy. J'ai été frappé de la magnifique représentation de la cohésion nationale autour du drapeau de la base : préfets, sénateurs, députés, maires, corps de l'Etat. Cela fait plaisir à voir ! Je peux vous assurer que cela signifie beaucoup pour nos aviateurs. Je saisis aussi l'occasion qui m'est donnée pour remercier l'action de votre commission au profit de nos armées. Je voudrais enfin vous remercier de chacune de vos déclarations qui mettent en lumière l'oeuvre accomplie par nos aviateurs en silence, en ordre et parfois dans l'ombre.

Il y a un an, quasiment jour pour jour, à peine un mois après ma prise de fonction, je m'étais présenté devant vous et j'avais pu appeler alors votre attention sur quelques messages. Après vous avoir décrit les atouts de l'outil de combat aérien mis en oeuvre par l'armée de l'air, j'avais constaté l'accroissement de la pression des opérations en 2015, tout en doutant du relâchement de cette pression. J'avais souligné l'importance d'une parfaite exécution de la loi de programmation militaire actualisée compte tenu de l'absence de marges de cette programmation et d'une telle situation d'engagement. J'avais également insisté sur le fait que la performance du système de combat de l'armée de l'air reposait aussi sur la volonté des aviateurs, la volonté de réussir toutes leurs missions, mais aussi la volonté de mener à bien l'ambitieux plan de transformation de l'armée de l'air Unis pour « Faire Face ». J'avais enfin indiqué l'importance de préserver cette volonté, en faisant des efforts significatifs sur la condition du personnel.

J'estime aujourd'hui que l'ensemble de ces constats restent d'actualité. C'est pourquoi, partant de ces éléments, je vous propose maintenant de commencer par témoigner des engagements opérationnels de l'armée de l'air depuis notre précédente rencontre aussi bien en opérations extérieures que sur le territoire national. Ils vous permettront de mieux comprendre le contexte dans lequel s'inscrit le projet de budget 2017 qui nous réunit aujourd'hui. J'évoquerai ensuite quelles sont les dispositions que nous avons prises en interne pour faire face à l'évolution de la situation telle que je la perçois. Enfin, je partagerai avec vous le regard que je porte sur le projet de budget 2017, lequel me paraît indissociable de l'exécution de celui de 2016.

Au fil de mon exposé, je garderai en filigrane plusieurs points d'attention qui constituent pour l'armée de l'air autant d'enjeux à court, moyen ou long terme. La sécurité et la protection de nos emprises fait partie des axes d'effort en profondeur liés au changement brutal du contexte sécuritaire. Faisant écho à une récente actualité, le soutien aux marchés d'exportation du Rafale s'apparente à une mission opérationnelle à part entière. Enfin, je considère que la condition du personnel est essentielle à la performance globale de l'armée de l'air. Les aviateurs sont au centre de mes préoccupations, au centre des succès opérationnels, et au centre des tensions. C'est pourquoi la valorisation de leur travail et la promotion de leurs valeurs constitue l'un des buts prioritaires que j'accorde à la transformation de l'armée de l'air ; ce point sous-tendra toute mon intervention.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la transformation n'est pas une option. Ou bien nous nous adaptons, ou bien nous subissons. C'est tout le sens de l'acte II du plan stratégique Unis pour « Faire Face » que je viens de lancer cet été. Il permet aux aviateurs de continuer à regarder l'avenir avec confiance et responsabilité. Il mobilise l'armée de l'air autour d'objectifs partagés et cohérents.

Depuis notre dernière rencontre, il y a eu le 13 novembre. Pour l'armée de l'air, cette attaque brutale sur notre territoire s'est traduite sur le plan opérationnel, immédiatement : dans la nuit même de l'attentat par la projection par voie aérienne des forces de l'opération Sentinelle à Paris (mobilité de nos forces armées sur le territoire national) ; et dans celle qui a suivi celle de l'attentat, par les frappes de rétorsion en Syrie ordonnées par le Président de la République puis l'intensification des frappes menées par la France en Syrie et en Irak. Autant d'éléments qui soulignent la réactivité de nos forces aériennes. Depuis, au Levant, nos aéronefs continuent de pilonner les positions de Daech en Irak et en Syrie.

Je voudrais insister ici sur un point. Une campagne aérienne ne réussit et ne produit ses effets qu'au prix d'un effort, patient, systématique, méthodique qui s'inscrit dans le temps. Depuis plus de deux ans, il a permis, au sein de la coalition, de faire reculer Daech, ce qui prive cette organisation d'une partie importante de son territoire, donc de ses ressources, et permet à la coalition d'être aujourd'hui aux portes de Mossoul. Car si Mossoul est au centre des attentions ces jours-ci, sachez que 80 % des missions des chasseurs de l'armée de l'air ont porté l'effort dans cette zone. C'est bien cet effort dans le temps aux côtés de nos alliés, depuis deux ans, qui permet, aujourd'hui, d'être en mesure d'engager la reconquête de cette ville clef pour la libération de l'Irak.

Ainsi, ce sont plus de 1 600 bombes et missiles tirés jour et nuit par l'armée de l'air depuis deux ans. Il s'agit là d'un rythme et d'une intensité de frappe inédits. Pour notre seule base H5 en Jordanie et le seul détachement des M2000 qui a été relevé comme vous le savez par des Rafale cet été (j'y reviendrai) : les M2000, ont réalisé plus de 10 000 heures de vol en 2 300 sorties, plus de 6 400 ravitaillements en vol, délivré plus de 1 000 munitions... sans oublier les 200 000 heures de maintenance pour permettre à nos avions de prendre l'air tous les jours. Considérons aussi que cette intensité et cette régularité sont rendues possibles par l'utilisation d'une base aérienne déployée, judicieusement placée, dans la zone, qui héberge un détachement relativement modeste de 6 à 8 avions et moins de 300 personnes.

J'ajoute que, comme dans toute campagne militaire, rien n'aurait été possible sans une manoeuvre de soutien depuis l'arrière extrêmement exigeante. Nous rencontrons des défis analogues en termes d'élongation et de durée au Sahel avec un engagement des aviateurs dans les opérations Barkhane et Sabre depuis plus de trois ans, pour traquer au Sahel les groupes armés terroristes, dans des conditions climatiques et environnementales particulièrement sévères.

Depuis les bases aériennes déployées de Niamey et de N'Djaména principalement, nous réalisons toute la palette des missions aériennes. Elles nous permettent de quadriller un territoire grand comme l'Europe en nous appuyant sur les moyens de reconnaissance comme les RAFALE équipés de la nacelle RECO-NG, ou de surveillance (REAPER, C160G, ISR léger), de ravitaillement en vol, transport tactique, forces spéciales (commandos parachutistes de l'air et hélicoptères EC725 Caracal ), les moyens de frappe dans la profondeur ou en appui des forces terrestres (M2000, RAF).

Je termine par les capacités de commandement et de contrôle, évidemment indispensables pour coordonner avec efficacité l'emploi de l'ensemble de ces moyens. Pour l'armée de l'air, ces moyens de commandement et de contrôle sont stationnés en France. Ils conduisent à distance et sous l'autorité du chef d'état-major des armées l'ensemble des opérations aériennes en Afrique. Comme j'ai déjà eu certainement l'occasion de vous l'expliquer, cette organisation nous permet d'optimiser l'emploi de moyens comptés en permettant la bascule, dans la même mission, du même avion, d'une opération à une autre, de Barkhane à Sangaris, en passant par Sabre.

Depuis notre rencontre l'an dernier, nos missions se sont étendues à la Libye. Nous y poursuivons notre action de « documentation du théâtre » aussi bien à partir du Sud que de nos bases métropolitaines. Comme vous le savez, l'ensemble du bassin méditerranéen, et au-delà, est à leur portée. Nous l'avions démontré lors des opérations en Libye en 2011.

Pour toutes ces opérations, je souligne l'appui déterminant des Etats-Unis en matière d'ISR, de ravitaillement en vol et de mobilité, et l'appui de nos alliés européens pour le transport.

Nos aviateurs interviennent aussi dans l'opération Sangaris en Centrafrique. Les hélicoptères Fennec apportent l'appui renseignement mais aussi l'appui-feu nécessaires, l'escadron ayant développé une expertise de tireur air-sol embarqué à partir de leur compétence de tireur d'élite pour la police du ciel en métropole. Les groupements chasse et transport de N'Djamena participent ponctuellement à Sangaris, lorsque les besoins l'exigent. Pour terminer sur le terrain des opérations extérieures, vous savez que nous avons actuellement déployé en Lituanie 4 M2000, dans le cadre des mesures de réassurance de l'OTAN face à la Russie. Ils participent à la mission de police du ciel des Etats baltes.

Il ne s'agit pas que d'un simple affichage. Nos Mirage, en état d'alerte maximum, ont ainsi décollé 6 fois en 24 heures ce week-end pour intercepter une dizaine d'avions russes, dont des avions de chasse. Une augmentation de tension dans ce secteur est perceptible dans le contexte politique actuel. Nos équipages déployés en Lituanie mettent en oeuvre les mêmes qualités d'extrême réactivité que lorsqu'ils assurent, en permanence, la posture de sûreté aérienne dans le ciel de France. 73 décollages de chasseur en France sur alerte en 2015, et nous en sommes déjà à 79 pour 2016.

Car cette intensification des missions réalisées par l'armée de l'air à l'extérieur s'ajoutent à la poursuite, dans l'ombre il faut bien le reconnaître, mais toute aussi importante des missions permanentes qui garantissent depuis plus de cinquante ans et sans interruption la protection aérienne des Français et de leurs intérêts vitaux. C'est ainsi que quatre de nos six Rafale en alerte permanente en 7 minutes ont intercepté des bombardiers stratégiques russes, il y a un peu plus de 15 jours, et les ont escortés pendant près d'une heure en face de nos côtes Atlantiques. Je rappelle que chacun des Tupolev interceptés peuvent embarquer plusieurs missiles de croisières dont la portée est estimée à plus de 1 000 km. Une interception analogue s'était déjà produite en Manche le 17 février de cette année, les bombardiers russes faisant demi-tour à quelques kilomètres de notre espace aérien.

Une opération remarquable mettant en oeuvre chasseurs anglais et français, centre de commandement des défenses aériennes anglais et français, un avion de ravitaillement en vol anglais sur lequel nos Rafale ont ravitaillé, démontrant, si besoin est, la parfaite intégration des forces aériennes européennes. Je note au passage la recrudescence de ces démonstrations militaires dans nos approches aériennes qui soulignent les capacités militaires et le retour des menaces de la puissance.

Je me dois de vous signaler à cet égard la grande préoccupation de l'aviateur que je suis face aux stratégies de déni d'accès dans la troisième dimension déployées par ces puissances, qui prolifèrent également sur des théâtres d'opérations (Syrie) ou chez plusieurs puissances régionales. La liberté d'action dans la troisième dimension est un préalable à toutes nos opérations militaires. Il ne faut jamais l'oublier. Il s'agit là d'un enjeu majeur selon moi qui doit alimenter les réflexions de l'avenir de notre système de combat aérien. Pour cette raison mais pas seulement, le maintien sans concession de la posture de dissuasion aéroportée revêt toujours la même importance primordiale. Elle est garantie sans discontinuer depuis le 1er octobre 1964.

Je crois utile d'indiquer ici que la transition de notre composante aéroportée de la dissuasion vers le tout Rafale est désormais engagée de façon irréversible. Cette manoeuvre, extrêmement exigeante, exécutée sans aucune concession, se déroule parfaitement entre l'ouverture dans moins d'un an du 2ème escadron de Rafale à vocation nucléaire à Saint-Dizier et le retrait de service du Mirage 2000N en septembre 2018. Il est certain toutefois qu'elle induit une charge de transformation qui s'ajoute aux nombreuses autres sollicitations dont l'armée de l'air est l'objet.

Depuis notre dernière rencontre, l'armée de l'air prend en compte des menaces atypiques comme les mini-drones. J'estime qu'en un an nous avons beaucoup progressé au point d'être capable de mettre en oeuvre des dispositifs de protection opérationnels et efficaces autour d'évènements particuliers. Nous l'avons fait pour COP21, le match d'ouverture et la finale de l'Eurofoot ou le 14 juillet. Ces différentes manifestations me permettent de souligner l'intensification de l'effort conduit par l'armée de l'air pour mettre en oeuvre de plus en plus fréquemment des dispositifs particuliers de sûreté aérienne afin d'assurer une protection dans la troisième dimension autour de ces rassemblements. Nous sommes passés de 4 de ces dispositifs en 2014 à 12 en 2016. Il faudra là aussi en tirer les conséquences.

S'ajoutent évidemment la poursuite de nos missions en soutien aux services publics, qu'il s'agisse de l'appui que l'armée de l'air fournit à la lutte contre les feux de forêts de la région marseillaise (dans la nuit du 11 août, un C160 Transall de la base aérienne d'Evreux a ainsi transporté 70 pompiers avec leur équipement entre Nantes et Istres) ; de la contribution à l'acheminement des dons d'organe, nos bases aériennes étant les seules plateformes aéronautique à disposer de capacités d'accueil d'aéronefs 24h sur 24, 7 jours sur 7 ; de recherche et sauvetage, d'aéronefs accidentés, bien sûr, mais aussi de sauvegarde des personnes comme l'hélitreuillage de cette femme enceinte à bord d'un ferry au large de la Corse le 22 août dernier.

Je serais incomplet dans cette description de l'engagement de l'armée de l'air sur le territoire national, au service de la protection des Français, si je ne mentionnais pas l'effort sans précédent conduit pour renforcer la protection de nos emprises militaires. Un vaste plan prenant en compte toutes les dimensions de la problématique est en oeuvre.

Je pense toutefois utile de vous dire que pour faire face à une situation de menaces inédite, ma plus grande préoccupation concerne les ressources humaines, notamment la faiblesse des effectifs de commandos de l'air que nous recrutons néanmoins à marche forcée, en mobilisant les marges de manoeuvre résultant de l'arrêt des déflations d'effectifs et en conduisant un effort sensible sur les réserves (+ 35 % en 3 ans), dont plus du tiers va à la protection. Cette situation me contraint, dans l'attente, à mobiliser une partie du personnel militaire des bases aériennes, secrétaire, mécaniciens avion, contrôleur aérien, etc... pour venir renforcer la protection de nos sites militaires.

Incomplet également je serais, si je ne mentionnais pas la participation de l'armée de l'air à la mission Vigipirate et Sentinelle. Depuis notre dernière rencontre, il y a également eu l'attentat de Nice. Si je mentionne cet évènement marquant, c'est en raison de l'engagement d'aviateurs sur la Promenade des Anglais le 14 juillet au soir. En mission à l'aéroport de Nice, ils ont été appelés dans les minutes qui ont suivi l'attentat pour la sécurisation de la zone. Je suis allé à leur rencontre le surlendemain de l'attentat. Ils ont été sensibles à cette visite. Ils avaient besoin de parler, d'être écoutés, d'être soutenus compte tenu de ce qu'ils avaient vécu. Je signale la présence parmi le détachement de deux jeunes réservistes dont une jeune femme de 18 ans qui, quand je leur ai demandé la raison de leur engagement, m'ont répondu « J'avais envie de servir et d'aider ! ».

A ces très nombreux engagements opérationnels s'ajoutent les importantes sollicitations intervenant dans le cadre du soutien à nos marchés d'exportation du Rafale. Il faut se féliciter de ces succès à l'export : c'est une bonne nouvelle pour notre industrie, pour l'armée de l'air, pour la LPM et pour la France. Le soutien que nous y apportons consiste principalement en des actions de formation. Ceci me permet de souligner l'attrait, l'intérêt central des clients pour l'expertise opérationnelle unique et recherchée détenue par l'armée de l'air. Il faut voir ici une des raisons de ces succès à l'export. Il s'agit également d'action de promotion (participation à des salons aéronautiques, exercices), de prêts d'équipement, ou de mise à disposition de moyens et de personnel pour les besoins de développements des standards demandés par les clients. Tout ceci n'est évidemment pas neutre et vient s'ajouter à une situation tendue. Je crois important de pouvoir réaliser les prestations demandées dans de bonnes conditions autant pour notre industrie de défense que pour les partenariats stratégiques de long terme que l'armée de l'air, et de façon générale la France, va pouvoir nouer avec les pays acquéreurs.

Il est donc nécessaire de donner à l'armée de l'air les ressources lui permettant de le faire. Le point d'attention se situe ici probablement sur les ressources humaines et l'épaisseur organique de la flotte, l'essentiel de ces prestations étant compensé financièrement.

Ce panorama des activités opérationnelles réalisées par l'armée de l'air dans l'année écoulée me conduisent à formuler plusieurs remarques.

Premièrement, un constat : nos missions se sont cette année encore étendues en type, en zone d'action et en intensité. C'est incontestable. Ce sont désormais 20 avions de combat au lieu de 12 prévus dans les contrats opérationnels issus du Livre blanc, 4 bases aériennes projetées au lieu d'une, 3 à 4 théâtres en permanence au lieu d'un. Voici les données qui constituent la norme de nos engagements dans la durée. C'est pour l'ensemble de ces raisons qu'avec le chef d'état-major des armées, nous réclamons une augmentation de l'effort de défense pour atteindre 2 % du PIB. Les données que je vous ai indiquées doivent constituer la base des travaux à venir.

Deuxièmement, un satisfecit : l'armée de l'air est au rendez-vous de ses missions. Pour faire face à cette situation exceptionnelle, nous nous sommes bien sûr appuyés sur les mesures prises dans le cadre de l'actualisation de la LPM et des décisions prises en conseil de défense d'avril dernier. Mais nous avons aussi pris de très nombreuses dispositions en interne.

Je commencerai par la mesure la plus visible, car il s'agit d'une manoeuvre d'optimisation qui s'est déroulée au cours de l'été sur trois continents. Nous avons effectivement réorganisé le dispositif de l'aviation de chasse entre le Levant et la bande Sahélo-Saharienne. Les Mirage 2000D ont ainsi quitté la Jordanie, remplacés par des Rafale. Réciproquement, les Rafale ont quitté l'Afrique, remplacés par un tandem de Mirage 2000D et C à Niamey. Ce rééquilibrage important est désormais terminé. Il permet d'augmenter la puissance de feu sur le théâtre syro-irakien, grâce aux capacités d'emport du Rafale ; de faire souffler les machines et les équipes de Nancy, soumis à un rythme opérationnel effréné et incessant depuis maintenant deux ans, et dont plus de 50 % de l'activité est réalisée en OPEX - nous étions en train d'épuiser la flotte et les équipages ; de mieux garantir la sécurité des missions au-dessus des zones hostiles du Levant, les deux réacteurs du Rafale apportant un gage de sérénité aux équipages qui survolent des heures durant les zones contrôlées par Daech.

Un autre domaine, bien moins visible, dans lequel nous avons porté nos efforts en interne, consiste dans les mesures que nous avons prises afin d'améliorer la régénération de nos équipements. Je ne vais pas les décrire en détail. Il s'agit par exemple de l'adaptation des plans de maintenance, l'acquisition de rechanges supplémentaires, le transfert d'activité vers l'industrie, le rééquipement d'avions en attente de pièces, l'augmentation des cadences de visite au service industriel de l'aéronautique (SIAé), l'amélioration des flux logistiques... Tout ceci est actuellement mis en place ou en cours de mise en place.

La remontée d'activité des flottes aéronautiques s'étale sur l'ensemble des annuités de la LPM. Et c'est en ce sens que la problématique du MCO aéronautique doit continuer de faire partie de mes préoccupations, mais aussi des enjeux du PLF 2017 que je vais aborder maintenant.

Avant de vous parler des besoins de l'armée de l'air dans le cadre du PLF 2017, je veux évoquer avec vous les réalisations et naturellement la fin de gestion de l'exercice 2016. Nous le savons bien, le budget de l'année prochaine est dépendant des conditions budgétaires de sortie de l'année en cours. Je note d'abord plusieurs avancées majeures depuis le mois de janvier. La signature du contrat d'acquisition de 2 avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR). Ces appareils complèteront les capacités offertes par les drones REAPER, par leur réactivité d'emploi et leur souplesse de déploiement. Il s'agit là d'un domaine d'effort capacitaire indispensable au déroulement de nos opérations. Leur livraison est prévue à compter de 2018.

Pour la capacité mobilité, la modernisation des 14 C130H a été commandée à l'été 2016 pour rendre, en particulier, les capacités de 8 d'entre eux compatibles avec les besoins des forces spéciales. Les livraisons interviendront entre 2019 et 2025. La commande de 4 C130 J neufs, décidée par le ministre de la défense à la suite de l'actualisation de la LPM, vient compléter ces mesures. Pour l'aviation de chasse, la rénovation de 55 Mirage 2000D a été décidée pour des premières livraisons à compter de 2020. Des bombes de 250 kg et des kits de guidage de précision ont été commandés, faisant suite au niveau d'engagement constaté en opérations.

Comme je vous l'indiquais, je demeure vigilant sur la fin de gestion 2016 qui nécessite absolument la levée rapide de la réserve parlementaire, ainsi que la mise à disposition du décret d'avance OPEX, de manière plus anticipée que lors de l'exercice 2015, la rupture de trésorerie étant actuellement envisagée au cours de la deuxième quinzaine du mois d'octobre. En fin d'année, sur le plan capacitaire, un 2ème système Reaper (3 drones) doit encore être livré fin 2016 à Cognac (1 vecteur et 2 stations sol) et à Niamey (2 vecteurs). Le 3ème système a également été commandé cette année. Je reste attentif à la commande du 4ème d'ici la fin de l'année si nous voulons tenir les objectifs de la LPM dans ce domaine. Les livraisons associées sont prévues en 2019.

En parallèle, une capacité de simulation doit être livrée mi-2017 à Cognac qui permettra de disposer de l'autonomie de formation nécessaire à la montée en puissance de cette capacité indispensable aux opérations.

Les livraisons d'A400M se poursuivent, 2 appareils ont déjà été réceptionnés cette année, un 3ème est prévu en fin d'année. Ces livraisons porteront à 11 la flotte de l'armée de l'air. Sur ce programme, je suis attentif à la mise à disposition des 6 appareils au premier standard tactique d'ici à la fin de l'année conformément aux engagements de l'industriel.

Enfin, je constate que les objectifs de remontée d'activité en prévision pour 2016 sont globalement en hausse par rapport à 2015. L'augmentation se chiffre à 1 %, soit environ 1 000 heures pour l'armée de l'air.

Cette progression masque toutefois une situation contrastée, en raison de la faible disponibilité de la flotte de transport. Et si nos équipages chasse réalisent l'essentiel de cette augmentation (168 heures, dépassant ainsi les 159 heures inscrites dans la Loi de Finance), il faut garder à l'esprit que la grande partie de cette activité se déroule en OPEX. C'est dire l'importance pour l'armée de l'air du projet de formation des pilotes de chasse FOMEDEC (formation modernisée et entraînement différencié des équipages de chasse). Un projet sur lequel repose notre capacité à rejoindre un niveau d'activité indispensable au maintien de nos capacités et savoir-faire opérationnels. Une décision doit absolument être prise avant la fin de l'année.

Sur le plan des ressources humaines, la contribution de l'armée de l'air aux déflations d'effectifs depuis le début de la LPM était de 2 800 personnes fin 2016. Après les décisions du conseil de défense d'avril 2016, l'armée de l'air aura tout de même supprimé 2 500 postes sur la durée de la LPM (contre 3 200 prévus en LPM actualisée et 4 515 en LPM initiale), soit 55 % de l'objectif initial. Pour 2017, cette atténuation bénéficie principalement aux domaines : PRODEF (environ 100 fusiliers), aux escadres de combat (plus de 80 mécaniciens), ainsi qu'au renseignement (25 postes à l'escadron drones : équipages, officiers renseignement et techniciens). Pour ces raisons, et celles que je vous ai décrites, les RH constituent l'une de mes plus grandes préoccupation.

S'agissant maintenant du projet de loi de finances pour 2017, je commencerai par noter que, dans l'actualisation LPM, l'acquisition de nouveaux équipements (P146) a été en partie financée par des ressources internes au ministère dégagées grâce aux marges résultant de l'évolution des indices économiques identifiés à l'issue de leur enquête par l'Inspection générale des finances et le Contrôle général des armées. Par ailleurs, l'effet coût des facteurs en particulier sur le prix du carburant est intégré dans la construction budgétaire.

Ceci étant posé, nous poursuivons pour 2017 des objectifs de remontée d'activité, conformément à la LPM actualisée, prenant en compte la réalité de nos engagements opérationnels. Nous maintenons la trajectoire permettant de retrouver à terme les normes d'activité, en fin de LPM. Ainsi, pour 2017, nous prévoyons respectivement 164 heures par pilote de chasse, 191 heures en hélicoptère et 267 heures pour les équipages de transport.

Concernant l'équipement des forces de l'armée de l'air, le PLF 2017 doit permettre de consolider la feuille de route aviation de combat en lançant les commandes des premiers M2000D rénovés (45 commandes sur 55 décidées) ; d'améliorer les capacités d'intervention de nos forces avec la commande de 15 nacelles de désignation nouvelle génération Talios supplémentaires ; de renforcer la capacité de protection avec la commande du troisième centre ACCS qui sera installé à Mont-de-Marsan, après ceux de Lyon et de Cinq Mars la Pile.

A ce sujet, l'ACCS (Air Command and Control System), système partagé avec nos alliés de l'OTAN, constitue une de mes préoccupations majeures. Je juge ce système ni encore suffisamment mature, ni robuste pour satisfaire les exigences de la posture permanente de sûreté aérienne. Compte tenu des difficultés de mise au point, il est désormais nécessaire de prolonger le fonctionnement et le soutien du système STRIDA actuel jusqu'à l'horizon 2021 (au lieu de 2018) pour sécuriser la continuité de la protection de l'espace aérien national. Les tests de fonctionnement d'ensemble fin novembre permettront de consolider le calendrier, notamment la reprise des opérations de vérification début 2017, déterminante pour la suite du programme. Je suis confiant, car l'industriel estime être en mesure de tenir cette échéance compte tenu des ressources qu'il a affectées sur cette affaire et de l'analyse des faits techniques restant à corriger. L'armée de l'air apporte tout son soutien au développement, notamment pour les tests en environnement réel, afin d'assurer le succès du programme malgré ces difficultés. Je signale tout de même la contrainte de maintenir une activité sur le site de Drachenbronn supérieure aux prévisions.

En matière de recueil de renseignement électromagnétique, l'intégration d'une charge d'écoute électromagnétique ROEM est prévue d'être commandée en 2016, pour une capacité opérationnelle attendue en 2018.

En ce qui concerne la mobilité, le premier des 4 C130J neufs sera livré fin 2017 (puis 1 en 2018 et 2 avions disposant d'une capacité de ravitaillement en vol d'hélicoptères en 2019). Pour l'A400M : 3 autres appareils doivent être livrés en 2017 et le quinzième en 2018. La LPM actualisée prévoit ensuite une suspension des livraisons jusqu'en 2021.

Pour conclure, et compte tenu de la situation que j'ai décrite, vous comprendrez que j'ai absolument besoin d'une exécution à la lettre de la programmation militaire, amendée par l'actualisation intervenue en 2015, auxquelles sont venues s'ajouter les décisions prises en conseil de défense cette année. A défaut, l'armée de l'air ne pourra pas faire face à l'ensemble des missions qui lui sont demandées. Mais il y a une réalité qui dépasse l'analyse capacitaire derrière les mesures chiffrées du PLF, une réalité que j'affectionne de nommer « épaisseur », opérationnelle et humaine.

A ce titre, l'armée de l'air est tout sauf une abstraction budgétaire ou conceptuelle. Elle n'a de sens qu'intégrée dans les opérations interarmées, au service des ambitions de la France, et pour la protection des Français. Par-dessus tout, elle n'a de sens que par celui de l'engagement des femmes et des hommes qui en son sein servent la France. C'est sur eux que reposent nos succès en opérations, c'est d'eux que dépend la réussite de notre transformation. J'ai confiance en eux, et je tenais à vous le redire publiquement. En ces circonstances, leurs conditions de vie et de travail font l'objet de toutes mes attentions et de mes priorités. C'est aussi une forme de reconnaissance que nous devons à leur engagement.

Et je voudrais terminer sur ce point : la condition du personnel, les familles de nos aviateurs sont une part intégrante de nos capacités de combat. Je sais que la commission, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, est de tout coeur avec eux et sera attentive à leur préoccupation. Vous pouvez avoir confiance en eux.

Merci, mon Général, pour cet exposé très complet. Passons aux questions de mes collègues.

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