Je suis également très frappée par le montant des engagements financiers de l'Allemagne en matière d'aide au développement. Sans doute ce pays dispose-t-il de plus de marge financière que la France. La position historique de l'Allemagne est ainsi en train d'évoluer et ce pays devient progressivement un véritable acteur de l'APD aux côtés des Britanniques.
Sur les questions de trajectoire financière du programme 110, si les autorisations d'engagement ont été inscrites en accompagnement de l'augmentation du budget de l'AFD afin d'atteindre l'objectif de plus de quatre milliards par an d'engagements supplémentaires, les crédits de paiement inscrits cette année correspondent à la création de la nouvelle facilité de lutte contre les crises.
L'extension de l'assiette de la taxe sur les transactions financières aux transactions « intraday » a été votée l'année dernière avant d'être annulée par le Conseil constitutionnel pour une question de procédure, puisqu'elle ne figurait pas dans la bonne partie du projet de loi de finances. La question qui se pose aujourd'hui concerne la mise en oeuvre au 1er janvier 2017 de cette taxe dont la mise en oeuvre est d'une extrême complexité technique. Le Ministère des finances est soucieux de conforter l'attractivité de la place de Paris dans le contexte du Brexit durant lequel une partie des services financiers vont quitter la City. Il serait dommage de ne pas bénéficier de ce mouvement de relocalisation, alors que Paris dispose d'importants atouts et que le regard sur la France a changé, suite au référendum britannique. Il faut être prudent en la matière et une tension entre les objectifs est ainsi évidente. Sur la question du taux, il faut veiller que son augmentation n'induise pas d'effet négatif sur l'assiette. Ainsi, les Autorités belges ont introduit une taxe sur la spéculation financière qui aurait entraîné une baisse des volumes allant de 10 à 50 % des différents indices d'activités nationaux. De ce fait, ils ont renoncé à son entrée en vigueur. De notre point de vue, l'introduction de cette taxe au niveau européen demeure la priorité. Si les négociations sur cette question demeurent compliquées, une réunion des ministres dans le cadre de la coopération renforcée s'est tenue il y a une quinzaine de jours à Luxembourg et a abouti à un accord sur les principes fondamentaux de la taxe et le phasage de l'assiette. Sur ces bases, la Commission européenne devrait proposer un texte juridique traduisant ces principes fondamentaux. S'il reste encore des points à trancher, comme l'inclusion des fonds de pension dans le dispositif, l'accord sur ces principes fondamentaux représente déjà une avancée conséquente. On peut espérer un accord européen d'ici la fin de l'année, afin de garantir une assise solide à cette TTF et de prévenir ainsi un effet d'éviction pour la place de Paris. En tout état de cause, la taxe européenne ne pourra être mise en oeuvre avant 2018.
Sur l'affectation de la ressource supplémentaire qui serait liée à l'augmentation du taux de la TTF, la part affectée à l'aide au développement devrait permettre de revenir aux niveaux des crédits d'aide au développement du début du mandat. Notre préférence va à l'affectation de ces crédits au FSD afin d'assurer une certaine cohérence des dispositifs, puisque ce fonds a été créé pour recevoir le produit de taxes spécifiques, comme celle sur les billets d'avion et la TTF en faveur de l'aide publique au développement. Abonder directement le budget de l'AFD avec ces ressources nous paraît une source de complexité additionnelle.
L'initiative PPTE portant annulation des dettes est en phase finale, par rapport à ses montants initiaux. Le montant pris en compte dépend des négociations entre les pays concernés et le Fonds monétaire international, au sein du Club de Paris. Aujourd'hui, un petit nombre de pays débiteurs concentre l'essentiel des annulations. L'annulation de dettes devrait porter, en 2017, sur 322 millions d'euros, dont 50 millions d'euros seraient versés au titre des Contrats de désendettement et de développement (C2D).
Sur l'évaluation, l'Observatoire de la politique du développement et de solidarité internationale a été mis en place suite au vote du Parlement de l'année dernière, par une circulaire interministérielle, en date du 30 décembre 2015. La mutualisation des trois services d'évaluation a conduit à l'élaboration d'une programmation conjointe qui devra, ainsi que ses résultats, être présentée à l'observatoire. Celui-ci disposait également d'un secrétariat tournant partagé entre les différents services, avant que le Trésor ne le reprenne. Or, faute d'un quorum suffisant puisque deux membres - l'un représentant le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale et l'autre les collectivités territoriales ainsi que les personnalités extérieures - sur neuf n'ont, à ce jour, toujours pas été nommés, l'observatoire n'a pu jusqu'à présent être réuni. Sous l'impulsion du Député Jean-René Marsac, l'observatoire devrait être prochainement réuni et ainsi mettre en oeuvre l'évaluation partagée et la programmation commune. De fait, les services ont d'ores et déjà mis en commun leur plan de fonctionnement et leur programme de travail tel que l'envisageait le Parlement.
L'éducation, qui a représenté, en 2014, 1,2 milliard d'euros, occupe une place plus importante que la santé en matière d'aide publique au développement. Le soutien à l'éducation intervient, à hauteur de 89 %, par des financements bilatéraux alors que la santé a bénéficié d'un milliard d'euros dont près de 40 % au titre de financements bilatéraux. Le soutien de l'éducation comprend le financement des bourses et la prise en charge des frais d'écolage, qui représente 71 % de l'aide bilatérale. Cette démarche spécifique participe ainsi au transfert du capital humain vers les économies en développement. L'AFD est intervenue, à hauteur de 326 millions d'euros en 2015, en matière d'aide à l'éducation, plus particulièrement en Afrique. En outre, nous soutenons également certains outils multilatéraux, comme le programme mondial de l'éducation, auquel nous avons contribué pour 85 millions d'euros. L'éducation représente à nos yeux un élément extrêmement important de notre politique d'aide au développement. La Banque mondiale tend également à renforcer son activité dans ce secteur.
Les niveaux multilatéral ou bilatéral nous paraissent importants et ne doivent pas être opposés. Si l'intervention multilatérale permet d'obtenir un effet de levier, l'intervention bilatérale est plus directe et visible pour l'aide française. Nous travaillons actuellement à la publication d'une stratégie pour l'aide française multilatérale visant à aligner les bailleurs multilatéraux sur nos priorités. Tous nos grands partenaires suivent d'ailleurs cette approche et nous cherchons à accroître notre aide bilatérale qui devrait augmenter, via l'AFD, de quatre milliards d'euros par an à compter 2020. Une telle évolution conduira au rééquilibrage entre ces deux niveaux. Cependant, réduire notre niveau d'intervention multilatérale affaiblirait notre capacité d'influence dans les institutions, que ce soient la Banque mondiale, l'Organisation des Nations-Unies ou encore l'Union européenne, à travers le Fonds européen de développement ou la Commission notamment.
Le rapprochement avec la Caisse des Dépôts et Consignations se déroule de manière pragmatique et doit passer par le déploiement de synergies. A cet égard, le développement de la capacité de l'AFD en matière de financements non souverains, que ce soit auprès des collectivités territoriales, des porteurs de projets ou encore des établissements publics, me paraît un axe stratégique de premier ordre. Dans ce domaine du financement des projets territoriaux, la Caisse des Dépôts dispose d'une expertise irremplaçable qu'elle peut apporter à l'AFD. Cet axe de développement s'avère majeur en matière de soutenabilité de la dette et d'utilisation de prêts concessionnels garantissant un effet de levier certain. L'AFD pourra, dans le même temps, déployer les ressources additionnelles dont elle dispose.
Sur l'affaiblissement de l'Etat et Expertise France, l'idée de regrouper dans une même agence l'ensemble des capacités d'assistance technique répondait à un objectif de simplification. Une telle démarche réclame du temps et peut, en raison de la réorganisation interne qu'elle implique, conduire à un affaiblissement temporaire des activités. Cependant, ce projet devrait permettre de mieux mobiliser les ressources internes dans un contexte où les administrations centrales sont contraintes d'opérer des réductions d'effectifs et de moyens. Expertise France devra ainsi continuer à s'appuyer sur la capacité d'expertise des ministères pour l'organisation des missions d'assistance technique, dans des domaines aussi divers que la mise en place de services douaniers ou fiscaux. Certes, concilier l'objectif de soutenabilité économique avec celui de la mobilisation des moyens sur des projets très administratifs présentant un faible retour peut s'avérer difficile. Mais il importe qu'Expertise France parvienne à préserver la mobilisation des administrations compétentes pour l'ensemble de ces projets.
Il est vrai que les autorités administratives indépendantes ont pris un poids très important dans certains domaines techniques et disposent parfois de capacités que n'a plus l'Etat ; pour preuve, le rôle de l'ARCEP dans le déploiement du numérique par rapport à l'influence des ministères. Cette évolution générale dépasse largement le périmètre de la coopération internationale.
Les crédits affectés à l'aide aux réfugiés ne cannibalisent pas l'aide publique au développement, puisqu'ils s'ajoutent aux dispositifs existants. En effet, le Ministère de l'intérieur assure ce financement grâce à un budget distinct. Il n'y a donc pas d'effet de vase communiquant avec les crédits de l'AFD.
L'égalité homme-femme est une priorité de notre politique d'aide au développement. Ainsi, le dernier CICID de juillet 2013 a adopté une nouvelle stratégie « genre et développement » pour la période 2013-2017. Certaines actions spécifiques sont gérées par l'AFD et le Ministère des affaires étrangères. Dans le cadre du reporting des flux d'aide au développement, nous veillons à ce que cet objectif puisse être identifié, en assurant un marquage « genre » des projets annuels d'APD transmis à la base OCDE. Cette démarche est nouvelle et nous serons en mesure d'apprécier, dans la durée, l'efficacité de cette stratégie.