La rupture de paiement intervient cette année quinze jours plus tôt que l'an dernier. Mais 2015 fut une année particulière, en raison des conséquences financières de l'annulation de la vente des BPC à la Russie, qui ont amené Bercy à lever très tôt la réserve budgétaire.
Nous essayons, autant que possible, de préserver les PME des aléas budgétaires. Quant aux discussions avec Bercy, elles sont de la responsabilité du cabinet du ministre.
Pour les études amont, le chiffre de 730 millions d'euros représente une moyenne annuelle sur la durée de la LPM. Les crédits sont un peu inférieurs à ce montant cette année, mais sans impact sur la trajectoire prévue jusqu'à la fin de l'année 2019. Notre plan d'engagement en matière d'études amont correspond à cette trajectoire.
En 2016, les engagements sont un peu inférieurs aux paiements, contrairement à l'année précédente. En revanche, en 2017, la notification du contrat FCAS (Futur Combat Air System) entraînera une accélération des engagements.
Si les gels sont levés en totalité, le budget 2017 est suffisant. Nous aurions alors un report de charge de 1,5 milliard d'euros à la fin de l'année 2017. Mais les années suivantes, 2018 et 2019, verront une hausse des besoins de paiement, ce qui doit amener le report de charge du programme 146, hors aléa budgétaire, à 2,8 milliards d'euros fin 2019.
Il n'y aura pas d'éviction sur le programme 146 en 2017, du fait des mesures adoptées en faveur des personnels (titre 2) car elles sont financées. Sur la période 2018-2025, les besoins financiers du programme 146, issus des travaux de mise à jour de la LPM, représentent 105 milliards d'euros pour les programmes lancés ou à lancer. Le PLF prévoit un montant de CP pour 2017 de l'ordre de 10,1 milliards d'euros, soit 81 milliards d'euros sur 8 ans à flux constant. Le delta est important. Il faudra mesurer l'effort à produire pour les prochaines années. Le besoin financier annuel sur le programme 146 sera de 14 milliards d'euros à partir de 2022. Cela représente une augmentation de 40 % par rapport à 2017.
L'augmentation des besoins est due bien sûr à la dissuasion, mais pas seulement. Les besoins dans le domaine conventionnel augmentent également : pour Scorpion, Rafale, MRTT, etc.
Certains programmes pourraient facilement être accélérés : l'AIF (arme individuelle future) par exemple, qui représente environ 100 millions d'euros sur dix ans, et dont l'accélération permettrait de libérer des Famas pour la Garde nationale.
Sur d'autres sujets en revanche, il est plus difficile d'accélérer la mise en oeuvre des programmes. Concernant Scorpion, Jaguar et Griffon, en particulier, les premiers véhicules seront livrés en 2018 et entreront alors dans des phases de qualification (qualification technique puis validation opérationnelle). Ce sont des phases significatives, sur lesquelles il ne faut pas faire l'impasse. Leur durée totale est de deux ans. Mais rien n'est pire qu'un matériel qui n'est pas accepté par les sous-officiers et les hommes du rang. Une éventuelle accélération de la production de Scorpion ne pourrait intervenir qu'après 2020 et à l'issue de ces phases de qualification. Cela n'empêchera pas de devoir moderniser un certain nombre de VAB, de façon concomitante.
S'agissant notamment des perspectives de renouvellement des SNLE à l'horizon 2035 et de la dissuasion en général, il est vrai qu'il faut réfléchir à long terme mais, étant donnée la situation actuelle, sans négliger l'opérationnalité du matériel actuel. Les deux choses ne sont pas incompatibles si l'on a un budget 2018-2020 de 14 milliards d'euros. Nous ne pourrons pas faire l'impasse sur la rénovation des missiles air-sol moyenne portée améliorés (ASMPA). Les travaux sur la succession du SNLE de 2e génération et les missiles qui l'équipent vont se dérouler dans les années qui viennent. Il y a de toute façon une augmentation tendancielle de la dépense en matière de dissuasion.
Au passage, je tiens à remercier la commission pour la grande qualité du travail que nous menons ensemble. Nous avons beaucoup travaillé pour lancer tous les nouveaux programmes prévus par la programmation militaire. Il ne restera à la fin 2016 que 20 % de ces programmes à lancer, représentant 3 % des crédits de paiement de la période 2017-2019.
Le Japon, la Corée, Singapour, le Brésil sont intéressés par notre modèle. Il y a un problème culturel. Les personnels de la DGA sont majoritairement des ingénieurs, ce qui permet un dialogue relativement facile avec l'industrie. Ce n'est pas forcément reproductible à l'étranger.
L'architecture de notre industrie a peu évolué, elle est restée statique dans son organisation. Les mouvements colossaux qui se déroulent aux États-Unis, notamment chez les équipementiers aéronautiques, doivent nous interpeler. La grande taille permet d'avoir une meilleure surface pour financer les projets. Toutefois, toutes nos entreprises ne doivent pas grossir. Je ne pense pas que Dassault doive changer son modèle, qui est robuste. Les avions qui sortent de Mérignac font l'objet d'un vol d'essai de la DGA pendant une heure et c'est tout !
Par ailleurs, de plus en plus de sociétés d'autres continents tentent de s'emparer de certaines de nos PME « pépites » et nous n'avons pas d'outil pour les défendre. D'où la réflexion sur la création d'un fonds de défense pour investir dans le capital de certaines de ces PME. Pour cela, quelques millions d'euros seraient suffisants dans un premier temps, avant une montée en puissance.
Pour répondre au Sénateur Reiner, beaucoup de groupes chinois et surtout américains viennent convoiter les pépites françaises, attirés par le modèle d'innovation français. En la matière, un travail habile s'impose au niveau européen, qui doit être réalisé par les diplomates, le ministère de l'économie, mais également les parlementaires.
Aujourd'hui, 165 000 emplois sont concernés par le secteur de la défense. La prise de commande de 16 milliards et le dynamisme des exportations pourraient porter à un peu moins de 200 000 le nombre d'emplois lié à celles-ci. Ces emplois à forte technicité, peu délocalisables, généreront de la richesse par des emplois indirects au sein d'industries qui sont à la pointe technologique et sont en pleine maitrise de la technologie numérique « 3.0 ».
La disponibilité du matériel est une question effectivement sensible. Sur les 60 Tigres livrés, 10 sont en cours de modernisation (dont 7 pour changement de standard) et un a été détruit, donc 49 sont en état de vol. Les problèmes de disponibilité du matériel relèvent plus d'une mauvaise coordination et utilisation des moyens entre les entités ayant recours aux hélicoptères que d'un manque réel de matériels.
Concernant l'amélioration du dispositif de lutte anti-drones, les travaux se poursuivent dans la continuité de ce qui a été réalisé pour un site sensible et pour l'Euro Foot. Ces systèmes de lutte anti-drones nécessitent une grande attention pour ne pas représenter de menace pour les populations environnantes.
Pour répondre au Sénateur Pintat, la livraison du premier sous-marin SNA prévue pour 2019 est effectivement trop tardive, et des actions sont en cours pour déterminer les causes du retard. Il semble qu'il y ait un problème de qualité de travail à laquelle DCNS doit remédier de manière volontariste. Ce retard de deux ans pourrait en effet mener à une rupture temporaire de capacité si un sous-marin de moins était disponible.
Les excellentes relations de la DGA avec la direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) permettent d'être en phase sur la réalisation des opérations à mener notamment pour pérenniser les compétences particulières de propulsion nucléaire de nos bateaux.
La LPM prévoit la révision de la cible pour certaines munitions et missiles (Meteor, missile de croisière naval, Aster), ce qui inquiète un peu les militaires et qui pourrait conduire à rétablir les cibles de ces programmes-là. Il y a également d'importants besoins d'armement autonome tel que l'AASM sous toutes ses formes de guidages et de charges et nous travaillons dans ce sens à l'accélération du programme industriel en particulier avec Sagem pour répondre aux besoins français.
Pour répondre au Sénateur Pozzo di Borgo sur la question du SOUTEX, on n'est probablement pas obligé d'aller jusqu'au mécanisme du Foreign Military Sales (FMS) américain. Je vous rappelle que le FMS est une opération d'achat « sur étagère ». Nous sommes, quant à nous, dans un autre contexte, car nous avons passé de longs mois à négocier, avec l'Inde, les clauses techniques des Rafale qui leur seront livrés. La compensation doit s'étendre aux impacts indirects. En effet, nos armées garderont certains matériels plus longtemps que prévu, une frégate notamment qui a été livrée à l'Égypte et non pas à la marine française. C'est différent pour le Rafale. La LPM prévoit la livraison de 26 Rafale à l'armée de l'air. Les quatre milliards d'économie trouvés grâce aux exportations à l'Égypte, au Qatar et à l'Inde permettent de tenir ce rythme de livraison à l'armée de l'air.
S'agissant des personnels, j'ai fait une évaluation pour la DGA qui nous amène à 300 personnes d'ici 2019 et, naturellement, davantage à l'horizon 2025, même si cela sera fonction de l'évolution du rythme des exportations. J'ai demandé et obtenu du ministère l'autorisation de recruter 70 personnes d'ici fin 2016, pour répondre aux urgences les plus criantes, l'Inde en particulier. Nous avons préparé, avec l'état-major des armées, un document commun présentant les additions globales, pour que celles-ci soient prises en compte, par le ministre de la défense en particulier, en juin 2017.
En réponse au Sénateur Roger, sur le service d'infrastructure de la défense (SID) : des travaux d'infrastructures sont effectués à Toulon pour l'accueil des futurs SNA, et le SID nous rend compte très régulièrement du suivi de ces travaux et de l'évolution de leur coût dans le cadre du programme d'ensemble Barracuda, piloté par la DGA. Les besoins à Cherbourg sont beaucoup plus modestes car il s'agit avant tout d'outils industriels. Des questions d'infrastructure se posent différemment à l'Ile Longue, compte tenu de la nécessité de s'adapter en permanence aux nouveaux matériels, aux nouvelles normes de sécurité et de sûreté nucléaire, etc.
En ce qui concerne l'ECUME, vous me dites que l'on est mal assis. Et ce matériel répond à un besoin militaire exprimé et a été qualifié en tant que tel.
Sur la situation de l'ONERA évoquée par le Sénateur Trillard, nous sommes bien évidemment interpellés. Il y a un contrat d'objectifs et de performance (COP) proche d'être signé. Notre mission, c'est d'amener l'ONERA à renouer une relation de confiance totale avec l'industrie, relation qui s'est perdue. C'est à cette condition que Safran redonnera des contrats à l'ONERA. Si l'ONERA n'est pas en prise avec l'industrie, l'ONERA ne servira pas !
Sur la question de la souveraineté nationale et de l'Australie, nous avons commencé à discuter des transferts de droits de la propriété intellectuelle et industrielle. L'Australie appartient à un groupe de pays qui, compte tenu de sa position stratégique, entend avoir, de plus en plus, une autonomie stratégique. L'Australie restera toujours dans le cadre d'une alliance forte avec les États-Unis, mais elle rejoindra probablement la position gaullienne des années 1960. Le Brésil est dans le même cas, sous réserve de sa situation politique et financière actuelle. Cela reste le grand pays de l'Amérique du Sud.
Pour répondre à la question du retrait du service des sous-marins nucléaires d'attaque, cela s'explique par leur durée de vie, qui est actuellement de 35 ans, mais qui pourraient faire plus, même si des adaptations minimes sont parfois nécessaires en fonction de « l'usure du carburant nucléaire ». En conséquence, l'arrivée des Barracuda, dans les temps, est très importante, et nous expliquons à DCNS, qui a déjà deux ans de retard pour un problème de qualité du travail, que de nouveaux retards ne sont pas pensables.
Sur la question de l'image des pays exports, l'Arabie Saoudite n'est pas actuellement un pays vers lequel nous exportons beaucoup et aucun contrat d'envergure n'a été signé ces deux dernières années à l'exception de quelques véhicules blindés Aravis au profit de leur garde nationale. S'agissant des patrouilleurs, le contrat n'est pas confirmé à l'heure actuelle. Les Émirats Arabes Unis (EAU) sont en revanche un client important et nous avons un dialogue continu avec eux dans le domaine des moyens de communication et de commandement et dans celui des Rafale. Pour les chars Leclerc, je n'ai pas de nouvelles, même si la presse s'est faite l'écho d'une volonté d'achat. Les EAU se déclarent satisfaits de la qualité du matériel livré.