À l’heure actuelle, l’absence de ligne dédiée reliant notre capitale au plus grand aéroport de France, le second d’Europe, constitue une anomalie française. Ce déclassement par rapport aux standards internationaux nuit au prestige de la France et à son image, ainsi qu’à la qualité du service rendu aux voyageurs. De plus, l’asphyxie croissante des autoroutes A1 et A3 et la saturation du RER B hypothèquent directement l’avenir de Paris-Charles-de-Gaulle face à ses concurrents.
Un sondage mené par le ministère des affaires étrangères auprès de ses ambassades a montré que la qualité de l’accès à l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle est le premier facteur nuisant à notre réputation à l’international. L’enjeu économique est important pour la région parisienne, sachant qu’un million de passagers supplémentaires représentent 400 millions d’euros de valeur ajoutée et 4 500 emplois, dont 1 400 emplois directs.
Au-delà des seuls flux touristiques, l’attractivité de Paris se mesure également à sa capacité à attirer des événements ou des activités liés à son rôle de métropole mondiale, à commencer par l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et de l’Exposition universelle de 2025.
Plus largement, la qualité des connexions est déterminante pour notre clientèle d’affaires et risque de peser dans les éventuels choix de relocalisation post-Brexit de certaines entreprises, pour lesquels nous sommes en concurrence avec des villes comme Milan, Francfort ou Dublin.
Enfin, cette liaison contribuera également au respect de nos engagements en faveur du climat. Elle permettra le retrait de la route de 71 millions de véhicules-kilomètres dès 2025 et contribuera par là même à la réduction de la pollution de l’air en Île-de-France.
Pour toutes ces raisons, la commission est favorable à la réalisation de ce projet d’intérêt général, dont les bénéfices s’apprécieront dans le temps long.
Le deuxième élément concerne la mise en œuvre du projet. Le nouveau montage juridique, qui sépare les missions de construction, d’une part, et d’exploitation, d’autre part, ne pose pas de problème dans son principe, d’autant qu’il a reçu l’aval des autorités européennes. L’attribution de gré à gré par l’État de la construction de l’infrastructure à une société de projet est compensée par la mise en concurrence de l’exploitation du service de transport ferroviaire.
La dérogation au monopole attribué en droit interne à SNCF Mobilités pour l’exploitation des lignes du réseau ferré national constitue, en quelque sorte, une anticipation bienvenue du quatrième « paquet » ferroviaire ! Elle permettra à Transdev, à la RATP ou à des opérateurs étrangers de faire acte de candidature et suscitera ainsi une saine émulation, pour le plus grand bien des passagers.
Le seul risque porte sur l’avantage concurrentiel dont pourrait bénéficier SNCF Mobilités, en tant que gestionnaire des gares. Une clarification sur ce point sera nécessaire avant l’engagement de toute procédure de mise en concurrence, pour éviter qu’un éventuel contentieux ne retarde la mise en service de la ligne ou ne pénalise la SNCF.
Au total, la commission a surtout cherché à faciliter la mise en œuvre juridique de ce montage en sécurisant une éventuelle participation de la Caisse des dépôts et consignations au capital de la société de projet. Elle a également adopté un amendement visant à allonger le délai pour le recours à la procédure spéciale d’extrême urgence pour procéder à des expropriations, afin de favoriser la recherche d’accords amiables.
En ce qui concerne la mise en œuvre opérationnelle du projet, la commission a exprimé quelques inquiétudes au regard de son impact pour les usagers du RER B. En effet, le CDG Express empruntera vingt-quatre kilomètres de voies existantes servant notamment de ligne de secours lorsque le fonctionnement du RER B rencontre un problème sur son sillon principal. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières a d’ailleurs émis des réserves sur la faisabilité de l’intégration au trafic de quatre trains par heure circulant à 160 kilomètres à l’heure sur ces voies déjà sollicitées. J’ai bien noté que vous aviez pris acte de cette difficulté, monsieur le secrétaire d’État.
Au-delà de la disponibilité des sillons, l’autre question essentielle est celle des perturbations, notamment lorsqu’une situation dégradée conduira le RER B à emprunter les voies du CDG Express. Ce risque a été perçu : une enveloppe de 125 millions d’euros a été ajoutée au projet pour financer les investissements nécessaires à la bonne gestion de ces situations, qui concernent cependant à peine 2 % des trains du RER B, soit environ 10 trains par jour sur 550.
Il n’en reste pas moins que l’insatisfaction des usagers du RER B persiste. Malgré les efforts déployés au cours des dernières années – unification de la ligne, rénovation du matériel roulant, remise en état de l’infrastructure –, leur « ressenti » au quotidien ne s’est guère amélioré. Il faudra donc bien veiller, monsieur le secrétaire d’État, à prendre en compte les besoins des voyageurs du quotidien. Au sein de la commission Mobilité 21, nous en étions tous convaincus.
Le troisième élément a trait au plan de financement, qui reste problématique. Le coût de l’infrastructure est estimé à 1, 4 milliard d’euros hors taxes aux conditions économiques de 2014 et celui des équipements nécessaires, dont le matériel roulant, est évalué à environ 285 millions d’euros. Nous regrettons que la répartition des 400 à 500 millions d’euros de fonds propres entre ADP, SCNF Réseau et, éventuellement, la Caisse des dépôts et consignations ne soit pas encore claire à ce stade.
Surtout, la commission a supprimé la dérogation à la « règle d’or » sur l’endettement de SNCF Réseau. Une telle dérogation, introduite avant même que cette règle d’or ne soit effective, est inacceptable dans son principe même. Il y va de la crédibilité du Parlement, monsieur le secrétaire d’État : nous ne pouvons pas voter une règle aussi importante – tout le monde en est bien conscient – pour la maîtrise des finances du système ferroviaire et ne pas l’appliquer à la première difficulté !
Le Sénat et son rapporteur ne sont pas des girouettes. La loi votée doit s’appliquer, …