Intervention de Robert Hue

Réunion du 7 novembre 2016 à 15h00
Liaison ferroviaire paris-aéroport charles-de-gaulle — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Robert HueRobert Hue :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous le savons bien, la création de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle n’a pas été un long fleuve tranquille, tant s’en faut. Historiquement, c’est peut-être ce qu’il advient en général des chantiers aéroportuaires.

Pourtant, depuis son inauguration, en 1974, cet aéroport est devenu le deuxième d’Europe. En 2015, près de 65 millions de passagers ont transité par lui. Chaque année, Paris accueille 15 millions de touristes étrangers. La ville s’est portée candidate à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et de l’Exposition universelle de 2025 et doit, dans cette perspective, se préparer à la gestion des flux d’usagers et de touristes, qui peut se révéler délicate.

Ainsi, le présent projet de loi vise principalement à fixer le cadre juridique qui permettra de relancer la création de la future ligne directe reliant l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle à la gare de l’Est en vingt minutes, à savoir la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express, dont l’entrée en service est prévue pour 2023.

Nous ne sommes pas véritablement sensibles à l’argument en vertu duquel la liaison Charles-de-Gaulle Express constituera un élément important dans le choix de Paris comme destination touristique. Toutefois, il est indéniable que cette infrastructure rendra plus agréables le début et la fin du séjour des visiteurs étrangers qui l’emprunteront, ainsi que le quotidien des usagers du RER B.

Ces derniers, nous l’espérons, disposeront d’un plus grand nombre de places, mais, étant donné que la fréquentation de cette ligne ne cesse de croître, constateront-ils réellement une différence par rapport à la situation actuelle ?

Mes chers collègues, l’attractivité d’un pays ne se mesure pas à l’existence d’une liaison directe entre l’aéroport principal et le centre de la capitale. À preuve, à l’heure actuelle, son absence n’empêche pas Paris d’être la première destination touristique du monde.

La question de l’opportunité de ce projet ne se pose plus, le législateur s’étant prononcé en sa faveur. Néanmoins, deux problèmes persistent, comme l’a très justement souligné M. le rapporteur : l’impact de la mise en service de la nouvelle ligne sur les usagers des trains du quotidien et le financement, qualifié de « lacunaire » par la commission chargée de l’enquête publique.

Pour ce qui concerne le premier point, il faut rappeler qu’environ 870 000 voyageurs empruntent le RER B tous les jours. La saturation de cette ligne rend la situation insoutenable pour les Franciliens se rendant à leur travail, confrontés à des retards fréquents.

La coexistence, sur un même tronçon, de deux usages différents ne doit pas conduire à un arbitrage au détriment des usagers du quotidien lors de l’attribution des sillons. Monsieur le secrétaire d’État, quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur ce sujet qui préoccupe légitimement les usagers comme les élus locaux, en particulier dans le Val-d’Oise, où j’ai mené un certain nombre de consultations ?

À cet égard, il est nécessaire d’inscrire le projet du Charles-de-Gaulle Express dans une vision globale de l’offre de transports et de rappeler que la future ligne 17 reliant Saint-Denis-Pleyel à Roissy doit entrer en service en 2024.

Concernant le financement de la liaison Charles-de-Gaulle Express, qui va coûter 1, 4 milliard d’euros, la société de projet, dont les actionnaires majoritaires seront SNCF Réseau et Aéroports de Paris, devra apporter 30 % de ce montant en fonds propres.

Dans cette perspective, le projet de loi prévoyait, avant son examen en commission, une dérogation à la « règle d’or » instaurée lors de la réforme de 2014 afin de maîtriser la dette du gestionnaire du réseau ferré national, laquelle s’élève à plus de 40 milliards d’euros. Qui doit payer : les usagers, la société de projet, le contribuable, à travers un subventionnement public ? La réponse à cette question tout à fait légitime n’est pas, pour l’heure, très claire.

Dans tous les cas, il est inacceptable que le ratio déclenchant l’application de la règle d’or soit d’ores et déjà atteint, ce qui compromet toute perspective de développement pour SNCF Réseau. Plutôt que de contredire l’esprit de la loi de 2014, il serait préférable de sortir l’établissement public de l’impasse afin de lui permettre d’investir.

Concernant l’équilibre financier de la ligne, se pose la question de la concurrence, notamment en dehors des heures de pointe, du RER B, qui, en l’absence de perturbations, relie la gare du Nord à l’aéroport en trente-quatre minutes pour un coût de 10 euros, contre 24 euros pour le Charles-de-Gaulle Express, même si l’on peut espérer que celui-ci captera des usagers de la route. Cela est souhaitable, à la fois pour désengorger les axes routiers et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

C’est pourquoi il est essentiel d’évaluer le coût de ce projet de manière sincère. Son estimation est tout de même passée de 780 millions à 1, 4 milliard d’euros, aux conditions économiques de 2014. Il est certes compliqué de procéder à une évaluation financière précise à un stade précoce, mais ce doublement du coût prévisionnel est extrêmement préoccupant.

Mes chers collègues, si des interrogations et des doutes demeurent quant aux conditions de réalisation et de financement de ce projet, ce qui nous impose de rester très vigilants et doit inciter le Gouvernement à prendre en compte les remarques de notre assemblée, les sénateurs du RDSE le soutiendront néanmoins, car sa mise en œuvre leur semble indispensable à la région-capitale.

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