Intervention de Philippe Dominati

Réunion du 7 novembre 2016 à 15h00
Liaison ferroviaire paris-aéroport charles-de-gaulle — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati :

Il a fallu quarante-deux ans pour essayer de corriger une anomalie française : la deuxième plateforme aéroportuaire d’Europe est dépourvue d’une liaison directe avec la capitale. Le premier responsable de cette situation est l’État, qui, bien qu’il puisse s’appuyer sur la SNCF et la RATP, auxquelles se sont ajoutés, depuis la construction de l’aéroport Charles-de-Gaulle, Réseau ferré de France et la Société du Grand Paris, n’a toujours pas été en mesure d’assurer aux Franciliens un service répondant à leurs besoins. L’Île-de-France est pourtant l’une des seules régions d’Europe où l’État dispose d’un monopole sur les transports publics. Quarante-deux ans après l’ouverture de Roissy-Charles-de-Gaulle, on se dit qu’il serait bon de recourir aux mêmes solutions que les autres pays, mais on refuse de laisser faire l’initiative privée : l’État veut toujours tout contrôler, alors que, comme l’a dit Roger Karoutchi, il n’a pas d’argent et se contente d’emboîter des structures vides, telles des poupées russes. Le contribuable paiera…

Pour autant, ce projet est en soi nécessaire. Il serait intéressant que notre aéroport international soit desservi par une liaison directe de qualité. Cependant, nombre de Parisiens, dont je suis, ne sont pas persuadés que le centre de Paris se situe gare de l’Est, terminus prévu de la ligne projetée. On peut en outre s’interroger sur la rentabilité de celle-ci, sachant par exemple qu’il en coûtera 48 euros à un couple pour rejoindre l’aéroport depuis un quartier d’affaires du centre ou de l’ouest de Paris, via, donc, la gare de l’Est…

Par ailleurs, qu’en est-il de la création d’une liaison directe et moderne entre les deux aéroports d’Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle, qui n’est pas abordée dans ce projet ? Faudra-t-il, là aussi, patienter une quarantaine d’années ?

Enfin, la commission des finances a entendu des représentants d’Air France, principal utilisateur de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Lorsqu’on les interroge sur l’utilité de ce projet, ils répondent grosso modo qu’ils y sont hostiles si sa réalisation doit nuire à la compétitivité de la compagnie du fait d’un renchérissement du coût du transport aérien. Dans ces conditions, comment peut-on défendre ce projet en invoquant la nécessité de renforcer l’attractivité de Paris et de l’Île-de-France ? Je voudrais comprendre…

Les difficultés auxquelles nous nous heurtons et le malaise que j’éprouve tiennent au fait que nous débattons sur la base d’un projet très ancien, qui a fait l’objet d’une tentative de concession à un groupe connu de BTP, retenu en 2008 parmi cinq candidats. La concession a été signée en janvier 2010. En mai de la même année, lors de l’examen de la loi relative au Grand Paris, nous avons débattu du projet du Grand Paris Express. Plusieurs d’entre nous se sont alors interrogés sur l’opportunité d’intégrer à ce dernier la réalisation d’une liaison directe entre l’aéroport Charles-de-Gaulle et la capitale. Le rapporteur du texte, Jean-Pierre Fourcade, dont vous contestiez d’ailleurs, madame Bricq, les conclusions, était partisan de cette solution et estimait que le projet du CDG Express devait être abandonné, ce qui fut fait.

Le groupe ayant remporté la concession est entré au capital d’ADP, à hauteur de 3 %, cette participation étant ensuite portée à 8 %. Un changement de président entraîna un changement de politique d’ADP, le nouveau président étant favorable à la réalisation de la liaison directe, contrairement à son prédécesseur. Pourquoi le contribuable devrait-il payer ? Soyons sérieux : si ADP, ayant changé de position, considère désormais qu’une liaison ferroviaire directe et moderne reliant Paris à l’aéroport Charles-de-Gaulle est un élément essentiel d’attractivité, il lui revient de la financer. Appliquer la « règle d’or », comme l’a réclamé le rapporteur, est absolument nécessaire. Il est trop facile de verser des dividendes à ses actionnaires et de laisser au contribuable le soin de payer les équipements !

Quant à la taxe sur les passagers du transport aérien, vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d’État, qu’elle n’entrerait en vigueur qu’en 2024. Elle vous permettra peut-être de passer à la postérité, mais il faudra que vous m’apportiez des arguments nettement plus convaincants sur le plan économique pour me décider à voter ce texte !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion