Si tout le monde s’accorde sur l’intérêt de la création du CDG Express, je répète que celle-ci pose un problème de principe que, monsieur le secrétaire d’État, vous avez écarté d’un revers de la main. Quant à mon collègue Capo-Canellas, il défend deux idées selon moi incompatibles…
La commission a finalement émis un avis favorable sur les amendements n° 5 et 4 rectifié, mais, à titre personnel, j’y reste défavorable, fidèle à la position initiale de la commission. Ce revirement est au demeurant révélateur du trouble de cette dernière, les deux amendements n’étant pas totalement compatibles.
Le Gouvernement invoque deux artifices juridiques pour justifier un écart à la règle qu’il a lui-même introduite.
Premièrement, il s’agirait davantage d’un investissement de maintenance du réseau actuel que d’un investissement de développement. Pourtant, l’ARAFER considère qu’il s’agit sans ambiguïté de réaliser un projet de développement du réseau ferré national…
Deuxièmement, il s’agirait non pas d’un investissement direct, mais d’une prise de participation au capital d’une société de projet qui réalisera elle-même les investissements, de sorte que les risques financiers se trouveront dilués. Il n’en reste pas moins que l’opération aggravera l’endettement du système ferroviaire de plusieurs centaines de millions d’euros, ce qui constitue une violation directe de la règle d’or que le Gouvernement nous a demandé d’adopter voilà à peine deux ans.
Pour sa part, notre éminent collègue Vincent Capo-Canellas propose d’instaurer une dérogation à la règle d’or circonscrite à une participation en fonds propres et quasi-fonds propres et assortie d’une exigence de rentabilité suffisante. Mon cher collègue, cette formule ne résout rien, la règle d’or n’ayant pas pour objet de distinguer l’endettement rentable de l’endettement non rentable : son instauration traduit simplement le fait que le volume de la dette ferroviaire est trop élevé et qu’il faut le réduire avant d’envisager de nouveaux investissements. Il faudrait d’ailleurs savoir ce qu’est une « rentabilité suffisante », d’autant que, en parallèle, on prévoit de taxer les passagers aériens, précisément parce que l’autofinancement du projet est impossible.
Dans cette affaire, monsieur le secrétaire d’État, l’attitude du Gouvernement est étrange. En effet, faute de décret d’application, la règle d’or n’est formellement pas applicable, conformément à l’article L. 2211-10-1 du code des transports, puisque le mode de calcul du ratio d’endettement n’est pas connu à ce jour. La règle étant inapplicable, il n’y avait pas lieu, selon nous, de prévoir la possibilité d’y déroger. En le proposant, le Gouvernement a attiré l’attention sur ce point, et nos débats serviront à connaître l’intention du législateur, alors que, en leur absence, il aurait été plus facile à un juge d’écarter la règle inapplicable en cas de contentieux. En d’autres termes, le Gouvernement a lui-même créé la situation d’insécurité juridique qu’il souhaitait prévenir…
Par ailleurs, la suppression de cette dérogation inacceptable ne signerait pas la mort du projet. Je le répète : nous pouvons faire confiance à l’ingéniosité de Bercy pour trouver une autre solution, par exemple un système d’avances remboursables. C’est une piste possible.
Enfin, le sujet excède largement le cas du CDG Express et pose une question de principe d’ordre institutionnel. Il n’est pas possible de prendre le Parlement ainsi en otage. Nous ne pouvons pas voter une règle aussi importante pour la maîtrise des finances publiques et l’écarter à la première difficulté.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et assumer l’exécution des lois qu’il propose : il y va de notre crédibilité à tous !