Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la République est forte par son État, mais aussi par ses territoires », déclarait le Président de la République le 5 octobre 2012, lors des états généraux de la démocratie territoriale.
Quatre ans plus tard, ce texte relatif au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain vient couronner, si j’ose dire, une série de réformes toutes plus dommageables les unes que les autres pour nos territoires, et particulièrement les territoires ruraux : ni la réforme de la carte régionale, ni celle des périmètres de l’intercommunalité, ni la création d’un nombre sans cesse croissant de métropoles, ni le changement des modalités de divers scrutins n’ont permis, hélas ! d’instaurer une vision politique de l’aménagement des zones interstitielles, fortement délaissées !
Une nouvelle fois, il nous faut regretter d’avoir à examiner en procédure accélérée un texte aux dispositions aussi diverses : traiter dans un même texte de la fusion du département et de la commune de Paris, de la création d’un nouveau secteur électoral, du régime des cercles de jeu, de la création d’une nouvelle catégorie de sociétés publiques locales d’aménagement et, dans la foulée, des métropoles, cela n’a pas de sens ! Certes, me direz-vous, nous y sommes désormais habitués…
Dans l’idéal – mais nous n’en sommes plus là… –, l’assouplissement des conditions d’obtention du statut de métropole aurait dû faire l’objet d’un texte spécifique. Il était pourtant réellement nécessaire de permettre au législateur d’engager le débat sur l’avenir des métropoles, et parallèlement de prendre les mesures urgentes que requiert la situation des territoires les plus enclavés, qui ne peuvent bénéficier des effets positifs du rayonnement métropolitain !
Si, financièrement, il est de bon sens de suivre les recommandations émises en octobre 2015 par la chambre régionale des comptes d’Île-de-France, en fusionnant le département de Paris et la Ville de Paris au 1er janvier 2019, il aurait été également tout à fait bienvenu que l’interdiction du cumul d’indemnités s’applique aux élus parisiens ! Au contraire, l’article 6 leur permettra de conserver, après la fusion, le même niveau d’indemnités qu’auparavant, quand ils siégeaient à la fois au conseil municipal et au conseil départemental. Le non-cumul des mandats s’accompagne donc du cumul des indemnités : on aura vraiment tout vu !
L’élargissement des critères d’accès au statut de métropole prévu au détour d’un article du projet de loi met une nouvelle fois en lumière l’incohérence globale de l’architecture dessinée par l’empilement des réformes territoriales.
Premièrement, à chaque fait urbain correspond désormais une forme de métropole : cette évolution est sans grand rapport avec l’esprit de la loi MAPTAM de 2014. Il s’agissait alors, pour le législateur, d’instituer des moteurs de croissance et de compétitivité territoriale capables de rivaliser avec leurs concurrents européens. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, je doute que les quatre nouvelles métropoles qui seront créées si l’article 41 est rétabli dans sa rédaction initiale devancent un jour Hambourg, Turin, Francfort ou Milan ! Restons sérieux : ne galvaudons pas la notion de métropole, sous peine de la vider de son intérêt !
Deuxièmement, une multitude de régimes différents de métropoles coexistent, créant un processus de métropolisation à plusieurs vitesses : la collectivité territoriale-métropole de Lyon, les métropoles relevant du régime de droit commun et celles pour lesquelles ce dernier est assorti de spécificités tenant à leur dimension européenne présentent des niveaux d’intégration très différents. N’aurait-on pas pu faire sans ce label métropolitain qui recouvre des réalités fort peu homogènes ? À l’’évidence, ce n’est pas le choix du Gouvernement
Cette question mérite d’autant plus d’être posée que la logique de métropolisation a déjà des conséquences négatives sur l’architecture institutionnelle locale et la vie des territoires.
D’une part, l’opportunisme financier consistant à passer à la strate intercommunale supérieure – communauté urbaine ou métropole – induit une réduction des dotations des communautés d’agglomération, mais aussi, à un degré moindre, de celles des communautés de communes pendant plusieurs années, ce alors même que le Gouvernement s’était engagé, lors de l’examen de la loi MAPTAM, à maintenir l’enveloppe pour les communautés de communes qui ne changeaient pas de statut ! Cette année, le Gouvernement s’est engagé à renforcer, dans le projet de loi de finances pour 2017, le montant de dotation globale de fonctionnement alloué aux communautés d’agglomération : que ces engagements soient tenus, ou certaines communautés se trouveront étranglées !
D’autre part, il n’est pas impossible d’anticiper la disparition progressive de certains départements par métropolisation. Le Sénat et vous-même, monsieur le ministre, avez lutté pour préserver les départements, en supprimant les transferts obligatoires de certaines compétences départementales aux métropoles contenus dans le projet du Gouvernement du 10 avril 2013, préférant adopter une logique de contractualisation. Aujourd’hui, les départements sont peu à peu dessaisis des missions justifiant leur existence et étranglés financièrement ; leur avenir est plus que jamais compromis.
Mes chers collègues, il est urgent de penser l’aménagement du territoire et des zones rurales enclavées, d’avoir une vision d’ensemble et équilibrée de notre territoire. Or ce n’est pas le choix du Gouvernement… L’État se désengage de ces territoires au profit des métropoles au nom du sacro-saint principe de la « recherche de l’efficacité de l’investissement public » !
Dans Le Monde du 7 juillet 2016, M. Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie, expliquait qu’« il faut miser sur la dynamique de métropolisation, on n’a pas le choix, même si elle est douloureuse pour les territoires ». La question de l’avenir des territoires ruraux plus ou moins enclavés et non limitrophes d’une métropole reste en donc en suspens. Après les contrats de ruralité, à quand un nouveau texte portant sur ces territoires oubliés ? À moins que vous ne leur proposiez d’accéder à leur tour à ce statut de métropole de plus en plus convoité ? Peut-être verrons-nous un jour Aurillac, Cahors et Mende devenir des métropoles ?