Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 7 novembre 2016 à 15h00
Statut de paris et aménagement métropolitain — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Ces rappels s’imposent de temps en temps, car les grands choix et les grandes lois sont souvent l’émanation de petits intérêts particuliers.

Nous ne pouvons évidemment pas nous satisfaire de ce projet de loi, qui est en parfait décalage avec l’une des demandes les plus fortes de nos concitoyens – plus de proximité ! – et l’esprit de la loi PLM de Gaston Defferre. Il faut aller beaucoup plus loin est confier de réels pouvoirs et de véritables missions à ceux qui sont au plus près des problématiques des Parisiens, à savoir les mairies d’arrondissements.

Il faut rappeler la réalité des missions des vingt mairies d’arrondissement aujourd’hui. Le VIIe arrondissement équivaut à la ville de Colmar ou à celle de Cannes. Le XVe arrondissement est beaucoup plus grand que la ville de Bordeaux… Or les chiffres sont très explicites : alors que le budget de la Ville de Paris s’élève à près de 8, 5 milliards d’euros, celui de l’ensemble des vingt mairies d’arrondissement de Paris n’atteint que 148 millions d’euros, et encore pour des crédits fléchés ! C’est bien une insulte faite aux conseillers d’arrondissement.

Les habitants se sentent frustrés et ils vont voir leurs maires d’arrondissement pour leur demander de résoudre leurs problèmes, lesquels n’ont ni compétence ni moyens financiers : ils n’ont que leur bonne parole. Ils passent leur temps à répondre que c’est la mairie centrale qui décide. D’un point de vue démocratique, est-il normal pour une capitale de continuer à fonctionner ainsi ?

Le projet de loi promet aussi un « renforcement des prérogatives du maire de Paris », notamment en matière de pouvoir de police. J’ai d’abord cru que le Gouvernement avait enfin entendu le message de nombreux élus parisiens, comme celui du Sénat, qui avait adopté au mois de mai 2015 un texte transférant enfin le pouvoir de police générale au maire, comme cela se passe dans les 35 818 autres communes de France, même lorsqu’elles comptent 300 habitants.

Or il n’en est rien ! Le projet de loi ne prévoit que quelques modifications en matière de pouvoirs de police spéciaux. La confiscation des pouvoirs de police du maire de Paris par le préfet, héritée de Napoléon Bonaparte, n’est-elle pas pourtant devenue obsolète ? Si les réformes de 1975, de 1982 et de 2002 ont permis un élargissement progressif des pouvoirs de police du maire de Paris, ce dernier n’a toujours pas les moyens opérationnels d’exécuter ses propres décisions.

Les 1 848 agents de surveillance de Paris, les ASP, chargés d’assurer le respect de la police du stationnement, ne sont pas placés sous l’autorité du maire, mais sous celle du préfet. Or la Ville de Paris finance tout ce personnel : chaque année, quelque 300 millions d’euros prélevés sur le budget de la Ville servent à financer 5 975 agents aux ordres du seul préfet !

La maire de Paris refuse toujours que sa « brigade de lutte contre les incivilités » soit chargée de la prévention des troubles à la sécurité publique, alors même que les agressions répétées de touristes à Paris nuisent considérablement à l’image de la capitale et à sa fréquentation touristique. Alors que le Gouvernement envisage de renforcer l’armement des polices municipales, seule Paris continue à se tenir en retrait, comme si le climat d’insécurité ne la concernait pas…

Avec le transfert marginal de quelques compétences de police spéciales que propose le Gouvernement, on rate une occasion d’agir pleinement sur l’amélioration du cadre de vie des Parisiens. Nous vous proposerons donc de rétablir les dispositions adoptées par le Sénat en 2015 sur la police municipale à Paris, à moins que nous ne nous ralliions à l’amendement du rapporteur.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons pas approuver le texte tel qu’il ressort des travaux de la commission des lois. Nous abordons donc cet examen en séance publique avec prudence : soit la Haute Assemblée est en mesure de modifier profondément ce texte en adoptant les amendements que nous soumettrons, soit le texte reste plus ou moins en l’état, c'est-à-dire conforme à la volonté du Gouvernement – et de la maire de Paris ! –, auquel cas nous ne pourrons pas cautionner cette réforme.

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