Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par saluer le rapporteur, qui a pu, dans des délais assez brefs, assimiler un texte difficile et s’imprégner de l’histoire de la capitale.
Monsieur le ministre, j’ai écouté avec attention vos propos. Vous aviez bien commencé, décrivant soigneusement le long cheminement de la capitale vers un idéal de droit commun et de libertés communales. Les Parisiens ont mis deux siècles à l’obtenir ; ce fut une longue quête. Il a fallu l’évolution de la société pour que la capitale puisse retrouver un certain nombre de libertés.
Cela a sans doute été possible grâce aux institutions de la Ve République. Tous les présidents de la Ve République se sont intéressés à la région-capitale et y ont apporté leur touche : c’est naturel, puisque c’est un moteur pour l’économie nationale.
Vous l’avez rappelé, le général de Gaulle a mis en place la région d’Île-de-France et les nouveaux départements de cette région. Le président Pompidou n’a pas eu le temps de s’attaquer aux institutions de la capitale, mais il a créé le centre Pompidou, témoignant ainsi de son intérêt pour la vie des Parisiens. Le président Giscard d’Estaing a donné un maire à Paris. Le président Mitterrand a, dans un premier temps, voulu contrer ce pouvoir et disloqué la commune ; c’est en particulier la révolte du Sénat qui l’en a empêché. Comme l’a si bien rappelé Yves Pozzo di Borgo, Gaston Defferre a modifié le système électoral et associé durablement le destin de la Ville de Paris à celui des grandes villes françaises que sont Marseille et Lyon.
Pour avoir exercé les fonctions de maire de Paris, le président Chirac connaissait parfaitement la capitale et n’en a pas modifié le système institutionnel. Il a revu sa perception des pouvoirs de police du maire, car il trouvait anormal que les ministres de l’intérieur, alors liés à l’opposition municipale, aient plus de pouvoir que le maire de Paris.
Le président Sarkozy a lancé le concept du Grand Paris, notamment en matière de transports ou d’urbanisme.
Je n’ai jamais entendu le président François Hollande s’exprimer sur la région-capitale. Ses gouvernements prirent quelques initiatives – malheureuses – concernant la métropole, que Philippe Dallier vient de souligner. Ce projet, pourtant bien parti, a été technocratisé, modifié et amoindri. Pour l’instant, c’est bien cette structure hybride qu’il faudra réformer.
Venons-en à vous, monsieur le ministre. Je me rappelle un président de groupe qui défendait les collectivités territoriales ! Or l’un des derniers actes de cette législature, c’est ce texte qui ouvre la boîte de Pandore en redonnant un statut d’exception à Paris, en brisant la démarche engagée par l’ensemble des présidents de la Ve République pour que les Parisiens puissent vivre normalement leurs libertés communales. Comment pouvez-vous participer à cette turpitude ?
Je ne comprends pas comment, presque nuitamment, vous engagez cette réforme du statut de Paris sans que les Parisiens en soient réellement informés. Nous nous promenons tous les jours dans les rues de Paris ; tous les jours, nous interrogeons les Parisiens : personne n’est au courant. Le pouvoir agit de manière masquée. C’est extrêmement grave !
Ce faisant, en effet, vous donnez à tous les gouvernements futurs la légitimité de créer des statuts d’exception. Dissocier le sort de la capitale de celui des grandes villes de France est une faute politique impardonnable.
À l’avenir, la gauche ne pourra pas dire que les dispositions modifiant le statut de Paris, voire modifiant cette loi, sont des turpitudes. C’est ma famille politique qui a donné aux Parisiens des libertés. C’est la famille politique que je représente qui a permis cette évolution que vous contrecarrez brutalement, d’un trait de plume. En cela, votre texte est dangereux et illégitime.
D’ailleurs, vous savez bien que vous avez perdu toute légitimité. Il n’est qu’à regarder les résultats de toutes les dernières élections locales : vous avez été balayés. Sur un sujet aussi important, vous ne consultez personne.
Vous faites une loi fourre-tout où il est à la fois question de l’institution parisienne – quarante articles ! – et de la métropole – un article. Vous abordez dans un même texte aussi bien la ruralité que le cœur de l’agglomération. Nous discuterons, au sein d’un unique débat, des pouvoirs de police du maire, des jeux, de l’attribution d’un aéroport au préfet de police – quid de l’autre ? –, des pouvoirs de police a minima confiés au maire. Cela a été rappelé, les pouvoirs de police concernent les Parisiens. En cela, vous participez à cette sorte de hold-up démocratique.
L’engagement de la procédure accélérée est tout aussi scandaleux. Dans la mesure où ce texte concerne une collectivité territoriale, le Sénat est saisi en premier. Par conséquent, nous allons probablement voter ce projet de loi, mais ce texte n’aura pas beaucoup de sens, monsieur le rapporteur, même si vous avez essayé de faire au mieux. Nous essaierons de trouver des accommodements pour que la discussion ne perde pas de son intérêt à l’Assemblée nationale, malgré une unique lecture, alors que ce texte concerne des millions de Parisiens et de Franciliens.
Un certain nombre de dispositions relatives à la police, aux secteurs d’arrondissement, à la fusion des collectivités auraient pu être intéressantes et nous les avons même défendues, mais pas dans ces conditions. Ces conditions sont totalement inacceptables pour des démocrates, surtout lorsque l’on prétend respecter les collectivités territoriales et les fondements des libertés communales.
Ce que vous faites n’est ni positif ni légitime. J’espère évidemment que nous reviendrons sur le statut d’exception que vous prévoyez pour les Parisiens. J’ai d'ailleurs déposé un amendement sur ce point, partageant en l’occurrence la position défendue par Christian Favier.
On est capable d’organiser un référendum sur un aéroport qui, depuis quinze ans, a du mal à voir le jour en Loire-Atlantique.