Je vous remercie de cette invitation qui va me permettre de vous faire un point d'avancement sur le projet d'Agence française pour la biodiversité (AFB). Ce projet est d'ailleurs plus qu'un projet mais bien une réalité puisque l'existence de l'agence est une affaire de peu de temps maintenant. Les délais sont tenus, nous sommes prêts, je vais essayer de vous le montrer. Il n'y aura pas de retard dans la mise en place de cette agence, qui est un chantier complexe de regroupement de quatre établissements.
Tout ceci a été rendu possible par la loi de reconquête de la biodiversité pour laquelle votre commission et le rapporteur ont joué un rôle important en bien des domaines. La promulgation de la loi a libéré les équipes et plus l'échéance se rapproche, plus elles sont mobilisées et plus les inquiétudes sont levées.
Pour commencer je veux rappeler les deux nécessités qui guident nos travaux et notre ambition. La première nécessité, c'est l'objet-même de l'agence, la biodiversité. Ce vivant qui nous entoure, mais que nous maltraitons. La biodiversité a longtemps été perçue comme quelque chose de sympathique, ou comme un patrimoine, c'est vrai, mais elle est plus que cela et la loi nous le dit désormais, la biodiversité est interaction. Nous sommes parties et dépendons de ces interactions qui ont rendu la terre vivable, qui nous offrent des ressources, qui nous rendent des services, sur lesquels nous avons, depuis toujours, construit notre bien-être et même notre développement.
Si j'avais le temps j'illustrerai mon propos avec le Viaduc de Millau, qui sans la biodiversité n'existerait pas. Et pourtant, malgré des succès réels, la biodiversité continue à s'éroder. Je renvoie là-dessus au bilan récent du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) sur les indicateurs de la stratégie nationale de transition écologique vers un développement durable (SNTEDD) : la biodiversité est le seul item dont tous les indicateurs sont dans le rouge. C'est le premier défi de l'agence : il faut agir mais pour agir, il faut franchir une étape et installer le sujet dans la société à hauteur des enjeux qu'il recouvre. Et nous devons le faire d'une manière positive, car la biodiversité est tout sauf un « empêcheur de », elle est au contraire pourvoyeuse de solution, d'innovation, d'activité, de bien être...
La seconde nécessité qui guide notre action découle de ce défi important. Pour le relever je ne connais qu'une méthode : celle du collectif. C'est la société dans son ensemble qui peut et doit se mobiliser, l'agence doit donc être un catalyseur, une agence qui certes fait par elle-même puisqu'elle dispose de moyens d'action, mais tout autant une agence qui aide à faire. L'AFB doit devenir la maison commune des acteurs, ceux qui agissent déjà, ceux qui ont envie d'agir mais ont besoin d'aide pour se lancer, et ceux qui ne savent pas qu'ils peuvent agir et pourtant le peuvent. Enfin, elle doit aussi être l'agence de nos concitoyens, être reconnue par eux et leur permettre à eux aussi d'être acteurs de ce sujet majeur pour notre avenir.
Je passe rapidement sur les deux premiers points que je voulais évoquer. D'abord le calendrier : nous tiendrons les délais, le décret de création est au Conseil d'État, il sera publié très prochainement et dans la foulée les arrêtées de nomination. Puis les personnels, au nombre de 1 200 : ils sont la force de l'agence, c'est sur leur compétence que repose ce projet. Nous avons mis en place, au printemps dernier, un dispositif de pré-positionnement qui touche à sa fin et va permettre à chacun de s'installer à son poste, de trouver une place dans la future structure.
En ce qui concerne la composition, je ne reviens pas sur les quatre établissements qui forment l'AFB, vous les connaissez : l'Agence des aires marines protégées (AAMP), l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), les Parcs nationaux de France (PNF) et l'Atelier technique des espaces naturels (ATEN). Mais il ne faut pas oublier que nous intégrons également les missions et personnels de la Fédération des conservatoires botaniques nationaux (FCBN), ainsi que 75 ETP du programme 113 qui sont actuellement basés au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), principalement au sein du Service du patrimoine naturel (SPN). Nous travaillons d'ores et déjà activement avec le Muséum, mais aussi avec le CNRS - c'est une nouveauté - à la constitution d'une unité mixte de service de façon à poursuivre les missions d'expertise publique du SPN.
En termes de missions, la loi en a fixé le cadre, ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre. Je vous en rappelle les grandes entrées : préservation, gestion et restauration de la biodiversité ; développement des connaissances, des ressources, des usages et des services écosystémiques ; gestion équilibrée et durable des eaux ; appui scientifique, technique et financier aux politiques publiques et privées, y compris soutien aux filières de croissances vertes et bleues ; lutte contre la biopiraterie.
Le champ est vaste, l'important est d'organiser la prise en charge de ces missions, dans un subtil équilibre à construire. Il faut d'abord assurer la continuité de service, donc continuer à faire aussi bien que ce que font les quatre établissements intégrés, c'est le premier objectif. Cela peut paraître une évidence mais comme dans toute réorganisation, il faut y veiller avec attention. C'est notre première préoccupation.
Concernant les nouvelles missions, nous prévoyons une prise en charge progressive, et c'est pour cela que nous nous donnons le temps de construire le contrat d'objectifs et de performance : nous allons le préparer pendant l'année 2017, c'est-à-dire qu'il ne démarrera pas avant 2018. Les missions sont vastes, nous devons d'abord les hiérarchiser et construire les bons indicateurs. Pour l'année 2017, nous élaborerons une feuille de route annuelle qui doit trouver le bon équilibre entre la continuité de service et les premières inflexions sur les nouvelles missions. On peut penser par exemple à la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) ou à l'Observatoire national de la biodiversité (ONB), qui sont très identifiés dans la loi comme devant faire partie de l'agence, et qu'aucun des quatre établissements ne prenait en charge. Nous allons progressivement construire cette montée en puissance sur tous les sujets en préparant le contrat d'objectifs.
Un mot sur les premières initiatives 2017. Les Ministres nous ont en effet demandé de prévoir de premières initiatives concrètes à lancer dès janvier, et de les présenter au conseil d'administration transitoire, qui regroupe les conseils d'administration des quatre établissements intégrés et qui n'est pas une instance décisionnelle - l'agence n'existant pas encore. L'objectif est de montrer que l'AFB n'est pas seulement un mécano institutionnel.
Ces initiatives sont organisées autour de trois axes : la sensibilisation du public sur un enjeu majeur ; des actions concrètes de reconquête de la biodiversité, par exemple des actions de restauration de milieux dégradés ou des actions d'aménagement dans les parcs naturels marins avec des mouillages écologiques ; enfin des actions de connaissance des enjeux dans les territoires. Sur ce dernier point, on peut citer par exemple le projet collaboratif « 65 millions d'observateurs » que nous soutiendrons, un programme de lancement d' « Atlas de la biodiversité communale », des actions de suivis des liens climat/biodiversité.
Pour mettre en oeuvre toutes ces missions, il a fallu réfléchir à l'organisation de la structure. Celle-ci comprend classiquement un secrétariat général, lieu indispensable des fonctions supports. Nous avons organisé les services centraux en quatre directions fonctionnelles.
La première est une direction d'appui aux politiques publiques. On y traitera de connaissance : système d'information sur la nature et les paysages, système d'information sur l'eau, système d'information sur la mer. Nous savons qu'il y a beaucoup d'attentes sur ces sujets de connaissance et leur mise à disposition. On y parlera également de stratégie nationale de la biodiversité, de directive-cadre stratégique pour le milieu marin, de Natura 2000 (à terre ou en mer), d'observatoire national de la biodiversité ou de directive-cadre sur l'eau.
La deuxième est une direction de la recherche, de l'expertise et du développement des connaissances. Elle comprend le lien R&D entre la recherche et les gestionnaires de terrain, en bénéficiant de l'expérience de l'ONEMA sur ce point. L'AFB n'est pas en tant que telle un institut de recherche, mais elle est bien placée pour faire le lien. Cette direction inclura un centre de ressources pour accompagner les acteurs et faire monter les sujets dans la société : trame verte et bleue, génie écologique, zones de captage, métiers de la biodiversité. Ce guichet permettra de diffuser l'information sur tous les sujets importants liés à la biodiversité. Enfin, cette direction s'occupera de formation. L'ATEN est d'ores et déjà un pôle de formation important des gestionnaires de biodiversité au sens large, par exemple des personnels des collectivités. L'ONEMA fait aussi de la formation, même si c'est moins connu : elle a un centre au Pa raclet dans la Somme.
La troisième est une direction à l'action territoriale, comprenant tout à la fois une direction de la police - un volet important des politiques publiques pour s'assurer du respect de la réglementation - et une direction pour les partenariats dans les territoires qui traitera à la fois de l'animation des réseaux des aires protégées (parcs naturels marins, parcs nationaux) et de l'animation du réseau des agences régionales pour la biodiversité, sur lesquelles je reviendrai.
Enfin, la quatrième est une direction de la communication et de la mobilisation citoyenne. Classiquement, dans les établissements publics, la direction de la communication est rattachée au secrétariat général pour faire la communication de l'établissement. Mais nous avons des missions particulières de sensibilisation, d'éducation à l'environnement et au développement durable : nous nous appuierons donc sur une direction fonctionnelle pour porter dans l'opinion la biodiversité et ses enjeux.
Ces services centraux sont répartis sur les trois sites de Vincennes, Brest et Montpellier. Mais cela ne représente qu'environ 350 personnes, ce qui signifie que la majorité de nos agents, soit 850 personnes, est ailleurs dans les territoires.
L'AFB n'est ni centralisée ni parisienne : elle comporte 10 directions régionales ou interrégionales (Bretagne et Pays-de-la-Loire, Normandie et Hauts-de-France, PACA et Corse restent ensemble) avec leurs services départementaux, 6 antennes de façade maritime, des parcs naturels marins.
En termes de gouvernance, nous voulons construire une maison commune, une agence partenariale, davantage « coeur de réseau » que « tête de réseau ».
Au premier étage figure le comité national de la biodiversité (CNB), créé par la loi et consulté sur les grands choix stratégiques de l'agence, qui doit devenir le conseil des parties prenantes. Nous ferons le même travail avec le comité national de l'eau et avec le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML). Nous associerons les parties prenantes via ces conseils.
Au deuxième étage se trouvent les comités d'orientation, prévus dans la loi : eau, mer, outre-mer. Nous envisageons déjà de créer un quatrième comité d'orientation sur les espaces naturels. Ce sont les instances d'appui au conseil d'administration, celles qui travailleront sur le fond pour alimenter la stratégie de l'agence.
Au troisième étage on retrouve le conseil d'administration, dont le cadre est fixé par la loi : un collège État et personnalités qualifiées (50% des membres), un collège avec les acteurs socioéconomiques et les ONG gestionnaires, les élus locaux, les parlementaires, les représentants du personnel. Nous ne nous interdisons pas d'aller plus loin en mettant notamment en place une instance de concertation dédiée aux parcs nationaux, qui ne sont pas dans l'agence mais lui sont « rattachés ».
Un dernier mot sur les agences régionales pour la biodiversité (ARB) : la loi dispose que l'AFB et les régions « peuvent » créer des ARB. Il n'y a pas d'obligation ni de modèle imposé, notamment juridique : elles peuvent être constituées sous forme d'EPCE, de GIP, voire être une simple mise en réseau des acteurs sans création d'une structure juridique. Le but principal est avant tout la mise en synergie des acteurs et des territoires. On peut dire que la dynamique prend : sept régions ont engagé officiellement la démarche de création d'une ARB et trois autres y travaillent. Sachant que la loi a été promulguée en août, il me semble que c'est une résultat intéressant.
Voilà rapidement brossé l'état d'avancement du chantier. L'AFB est sur les rails. Elle sera opérationnelle dès sa création, en s'appuyant sur le socle solide des organismes qui la composent, et de ceux qui sont à ses côtés comme les parcs nationaux. Il le faut car il y a urgence à agir. C'est un rapport sénatorial de Pierre Laffitte et Claude Saunier qui l'a écrit, il y a une dizaine d'années : à côté du climat, la biodiversité est « l'autre choc » environnemental. Et la réponse au défi climatique ne peut aller sans une réponse au défi de la biodiversité.