Le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) constitue depuis vingt ans l'un des instruments financiers de l'État au service de la politique d'aménagement du territoire. Il jouit pourtant d'une faible visibilité au sein du budget de l'État et de la part des élus et collectivités territoriales bénéficiaires. En outre, il a subi une baisse régulière depuis quelques années.
À travers ce contrôle budgétaire, mon objectif était double : dresser un bilan de l'utilisation des crédits du FNADT et identifier ses perspectives d'évolution. Pour ce faire, je me suis appuyé sur les informations transmises par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) et sur de nombreuses auditions. J'ai effectué plusieurs déplacements pour comprendre les diverses modalités de gestion de ce fonds par les préfets de région. J'ai également interrogé par écrit l'ensemble des préfectures de région.
En préambule, quelques faits méritent d'être rappelés afin de mieux appréhender le FNADT. Tout d'abord, ce fonds a été institué en 1995 afin de regrouper six fonds ciblés sur certaines thématiques ou zones géographiques, dont le fonds d'intervention pour l'autodéveloppement de la montagne (FIAM), créé par la loi relative au développement et à la protection de la montagne du 9 janvier 1985. De prime abord, cette fusion fut contestée mais pour calmer les réticences, le fonds fut abondé de 20 % supplémentaires.
De par son origine, le FNADT se caractérise par l'hétérogénéité de ses interventions, qui concernent à la fois des territoires ruraux, urbains, des anciennes régions minières en reconversion ou encore des zones de montagne. On peut toutefois distinguer deux grands types de soutien : la « section générale » finance les programmes et actions définis au niveau national par le CGET - dont des subventions à des associations, le programme de maisons de services au public, les maisons de santé, ou encore l'appel à projets en faveur des centres-bourgs - et la section « locale » qui est aujourd'hui exclusivement consacrée aux contrats de plan État-région (CPER) et aux conventions de massif. Selon le rythme de consommation des CPER, la section locale représente chaque année entre 50 % et 65 % des nouveaux engagements, soit environ 100 millions d'euros.
Enfin, le poids du FNADT dans la contribution totale de l'État à l'aménagement du territoire est marginal. Avec environ 200 millions d'euros en crédits de paiement en 2016, il représente 27 % de la mission « Politique des territoires ». Enfin, seuls 5 % de la contribution de l'État aux CPER 2015-2020 proviennent du FNADT.
J'en viens maintenant à mes principales observations. Premièrement, le cadre juridique du FNADT est aujourd'hui dépassé. Les objectifs du fonds sont ceux définis par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 et la circulaire décrivant le cadre d'emploi du fonds n'a pas été modifiée depuis 2000. Elle se réfère à des notions qui n'existent plus et ne tient pas compte des évolutions territoriales intervenues depuis lors. Cette situation nuit à la lisibilité du FNADT.
Deuxièmement, les moyens budgétaires affectés au FNADT sont en baisse constante depuis 2010. Les autorisations d'engagement ont diminué de 44 % et les crédits de paiement de 13 % entre 2010 et 2015.
Troisièmement, j'ai constaté des lacunes importantes en matière de suivi informatique des crédits, ce qui constitue un obstacle à l'évaluation régulière des programmes portés par ce fonds.
Quatrièmement, on observe des différences d'approche importantes suivant les régions dans la mise en oeuvre des crédits consacrés aux CPER. Jusqu'en 2015, les préfets de région disposaient d'une grande liberté quant à l'utilisation de ce fonds. Depuis, l'enveloppe du fonds consacrée aux CPER est ciblée sur le volet territorial et sur le numérique. En revanche, de grandes différences subsistent concernant la concertation et la programmation des crédits qui se fait soit au fil de l'eau, soit à l'occasion d'appel à projet, soit encore par voie de conventionnement territorial avec des pays ou des agglomérations qui accompagnent les territoires sur la durée du CPER. Ainsi, en Bretagne, le FNADT contractualisé au titre des CPER 2007-2014 avait été entièrement affecté au travers de conventions avec les 21 pays bretons.
Même si le CGET se refuse à opérer une distinction stricte entre territoires ruraux et urbains, les programmes nationaux lancés ces dernières années sont plutôt orientés vers des territoires à dominante rurale, à travers les pôles d'excellence rurale, les maisons de services au public, les maisons de santé ou, plus récemment, la revitalisation des centres-bourgs. Enfin, le FNADT continue d'être la principale source de financement de l'État en faveur de la politique de la montagne et apporte, à ce titre, une aide déterminante au fonctionnement des comités de massif.
Cinquièmement, la souplesse et la polyvalence ont été largement citées comme deux atouts indéniables du FNADT. Celui-ci se distingue en effet des autres aides de l'État par le fait qu'il finance à la fois des dépenses d'investissement et de fonctionnement, ainsi que des acteurs privés (associations ou, sous certaines conditions, entreprises). Loin d'être concurrent de la dotation d'équipement aux territoires ruraux (DETR), du Fonds de soutien à l'investissement public local (FSIL) ou encore des fonds structurels européens, le FNADT apparaît largement complémentaire.
Ces différents constats m'ont amené à formuler dix propositions : trois d'entre elles visent à donner de nouvelles orientations politiques au FNADT, tandis que les sept suivantes concernent la gestion, le suivi et les outils d'évaluation.
Ma première proposition est de stabiliser, à périmètre constant, le montant du FNADT à 200 millions d'euros par an en moyenne afin de maintenir sa contribution aux CPER et aux conventions interrégionales de massif, tout en conservant des marges de manoeuvre pour venir utilement compléter les autres aides de l'État en faveur des territoires les plus fragiles. Ce montant apparaît comme un seuil minimum en dessous duquel l'efficacité de l'action du FNADT pourrait être remise en question.
Par ailleurs, les mutations institutionnelles, la nouvelle organisation territoriale et les logiques locales résolument tournées vers des stratégies globales de développement et de contractualisation doivent nous conduire à repenser le rôle du FNADT pour le rendre plus efficace. Dans le même esprit que la proposition de loi visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural, que j'ai défendue en octobre 2015 et que le Sénat a adopté, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, a annoncé, le 22 mai 2016, la création de contrats de ruralité. Ces derniers seront signés entre l'État et les pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) ou les intercommunalités intéressées, pour une durée de six ans. En 2017, une enveloppe de 216 millions d'euros au sein du FSIL serait consacrée à ces contrats.
Ma deuxième proposition consiste à inscrire l'enveloppe du FSIL dévolue aux contrats de ruralité sur le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires », qui contient déjà le FNADT. Cela serait à la fois plus cohérent sur le plan budgétaire, dans la mesure où cette mission finance déjà les contrats de ville, et plus efficace en réunissant au sein d'un même programme les crédits contractualisés au niveau régional au titre des CPER, et ceux contractualisés au niveau local à travers les contrats de ruralité.
Ma troisième proposition vise à faire du FNADT l'outil d'accompagnement des futurs contrats de ruralité. Grâce au transfert de l'enveloppe de crédits du FSIL et aux marges dégagées par l'extinction progressive de certains dispositifs, le FNADT pourrait être utilisé pour financer en priorité trois catégories de dépenses : tout d'abord, je propose de cibler l'« ingénierie territoriale de développement » des intercommunalités rurales afin de leur permettre de « monter en compétence » pour réussir leur contrat de développement et l'animer dans la durée. Au 1er janvier 2017, la refonte de la carte intercommunale sera effective, ce qui implique la fusion d'intercommunalités rurales. Pour que ces fusions réussissent, les compétences internes de ces intercommunalités devront monter en puissance en vue de développer de nouveaux champs de création d'activités et d'emplois. C'est un sujet que je connais bien, en tant qu'élu d'un territoire rural de moyenne montagne. Selon une première estimation, en partant de l'hypothèse d'une aide de 100 000 euros par an à l'ingénierie pour chaque contrat de ruralité et en retenant l'objectif de 100 contrats la première année, seuls 10 millions d'euros seraient nécessaires en 2017.
Ensuite, un soutien pourrait également être apporté aux projets privés inscrits dans les stratégies de développement portées par les intercommunalités rurales et associant secteur public et secteur privé, en particulier les très petites, petites et moyennes entreprises. Nous avons tout intérêt à encourager les partenariats entre l'action publique et des initiatives privées pour construire des projets et créer des emplois, notamment autour des filières locales, du tourisme, du numérique et de la transition énergétique. Il ne s'agit pas ici de tout financer mais de permettre à certains projets à forte valeur ajoutée de voir le jour. Avec un montant d'aide d'environ 40 000 euros par an et par contrat, l'enveloppe financière s'élèverait à 4 millions d'euros en 2017 et 20 millions d'euros à terme, si 500 contrats de ruralité étaient signés.
Enfin, le FNADT pourrait financer une prime majorant le soutien apporté aux territoires ruraux hyper-fragilisés par une baisse démographique constante au cours des cinq dernières années, afin de leur donner toutes les chances d'enrayer le déclin et de réussir leur développement. Ce coup de pouce aurait pour objectif d'éviter que dans ces départements, les territoires concernés ne franchissent un « seuil d'irréversibilité », en-dessous duquel il deviendrait impossible de conserver les services nécessaires pour installer de nouvelles activités et attirer de nouveaux habitants. En partant de l'hypothèse d'une aide de 200 000 euros par an et par contrat, un peu moins de 3 millions d'euros seraient nécessaires en 2017 et, à terme, 8 millions d'euros si trois contrats étaient signés dans chacun de ces départements.
Mes sept propositions suivantes ont pour objet d'améliorer la gestion du FNADT et de tirer les conséquences des nouvelles orientations proposées. Il s'agit notamment de réviser le cadre juridique du FNADT afin de distinguer clairement la section nationale regroupant les crédits gérés directement par le CGET et, la section territoriale regroupant les crédits contractualisés dans le cadre des CPER, à l'échelle régionale, et ceux prévus au titre des contrats de ruralité, à l'échelle locale.
Je propose aussi d'actualiser et de préciser la doctrine d'emploi et les critères d'éligibilité du FNADT, de faire figurer dans les documents budgétaires le montant des crédits relevant du FNADT et les dispositifs qu'ils financent, de renforcer la cohérence du périmètre d'intervention du fonds en sortant de son champ la subvention pour charges de service public versée à Business France, qui s'élève en 2016 à 6 millions d'euros alors même que Business France reçoit environ 104 millions d'euros de la mission « Économie »
Il conviendrait également de mettre en place, dès 2017, un outil informatique de suivi du FNADT harmonisé au niveau national et, à l'horizon 2020, un système d'information pour l'ensemble des CPER, d'améliorer le rôle d'animation du CGET auprès des services déconcentrés gestionnaires du FNADT, notamment à travers le développement d'outils collaboratifs en ligne. Enfin, je suggère de mener des évaluations régulières et plus opérationnelles des dispositifs financés, par exemple à l'aide de bilans d'activité chiffrés effectués au niveau local sur une base régulière.
En conclusion, le FNADT peut demain, si nous le voulons, avoir un réel effet de levier en faveur du développement rural à condition de renforcer la section territoriale pour mieux accompagner les stratégies de développement rural et de mettre l'accent sur les territoires ruraux les plus fragiles pour les aider à réussir leur mutation. J'espère que ces travaux pourront être utiles dans la perspective du projet de loi de finances pour 2017.