Intervention de Philippe Yvin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 février 2016 à 10h32
Enjeux économiques et financiers de la construction du grand paris express — Audition conjointe de Mm. Jean-Yves Le bouillonnec président du conseil de surveillance et philippe yvin président du directoire de la société du grand paris

Philippe Yvin, président du directoire de la Société du Grand Paris :

La partie actuellement disponible pour le budget de l'État est de 35 millions d'euros par an. Sur la base des accords que nous avons avec la Caisse des dépôts et consignations, il faudrait entre 25 et 30 millions d'euros pour compléter le montant de la taxe sur les bureaux perçue par la Société du Grand Paris pour faire face à cet investissement de 500 millions d'euros.

Par ailleurs, s'agissant du plan de mobilisation, 352 millions d'euros sont apportés par la Société du Grand Paris à la modernisation des RER, 300 millions d'euros pour le prolongement de la ligne 11 du métro entre la mairie des Lilas et Rosny-sous-Bois, et 800 millions d'euros pour le prolongement de la ligne 14 au nord. J'ai indiqué que le prolongement entre Paris et Orly de la ligne 14 figurait dans les projets, mais il existe déjà un prolongement au nord depuis la gare Saint-Lazare qui rejoindra la mairie de Saint-Ouen, puis, à terme, la grande gare de Pleyel sous la responsabilité de la RATP, à hauteur de 800 millions d'euros soit, au total, 3 milliards d'euros.

967 millions d'euros ont déjà été engagés par la Société du Grand Paris au cours de ses différents conseils de surveillance, dans le cadre des conventions de financement conclues, soit avec la SNCF, soit avec la RATP.

Vous m'avez interrogé sur le positionnement de la Société du Grand Paris vis-à-vis de la candidature de la France aux jeux Olympiques de 2024 et à l'exposition universelle de 2025. Nous entretenons évidemment des liens étroits avec les deux comités d'organisation. Pour ce qui concerne les Jeux olympiques de 2024, nous participons au Comité des transports qui a été mis en place.

Le Premier ministre, à l'été 2014, a souhaité que nous puissions être au rendez-vous en 2024 pour une partie du réseau. Notre objectif est d'être prêts pour ce qui concerne la ligne 15 Sud, la ligne 16 entre Noisy-le-Grand et Pleyel, la ligne 17 entre Pleyel et l'aéroport de Roissy, la ligne 14 Sud entre Paris et Orly, et la ligne 18, chère au président, entre Orly et Saint-Quentin-en-Yvelines.

Pour ce qui concerne l'exposition 2025, vous le savez, Jean-Christophe Fromentin a conçu son projet en liaison étroite avec le Grand Paris Express. Son idée est que le village global soit à proximité immédiate d'une gare - plusieurs sites ont été évoqués, comme le triangle de Gonesse ou Saclay - et que des villages thématiques soient également réalisés autour de plusieurs gares du Grand Paris Express. Nous travaillons étroitement avec lui, ainsi qu'avec Pascal Lamy.

En ce qui concerne le sujet des rémunérations des collaborateurs de la Société du Grand Paris, nous sommes certes un EPIC, mais en concurrence directe avec le secteur privé pour le recrutement d'ingénieurs de très haut niveau, denrée rare dans ce secteur. Deux cents personnes travaillent aujourd'hui pour la Société du Grand Paris, ce qui est peu compte tenu de l'ampleur du projet, mais nous voulons rester très concentrés sur la fonction de maître d'ouvrage. Par ailleurs, environ 1 200 personnes travaillent aujourd'hui à plein-temps sur le projet dans des entreprises privées - cabinets d'architecte pour concevoir les gares ou grandes sociétés d'ingénierie ferroviaire, qui sont excellentes et qui ont une réputation mondiale remarquable. Toutes sont aujourd'hui mobilisées : SETEC, Egis, SISRA, Ingérope, Artelia. Elles recrutent elles aussi pour ce projet des ingénieurs de très haut niveau. Pour l'instant, nous arrivons à faire face à la demande, mais il est vrai que le vivier de ces ingénieurs spécialisés en ferroviaire est assez réduit.

Vous avez évoqué la concurrence possible avec le CDG Express. Nous défendons, avec Augustin de Romanet, l'idée que les deux projets sont tout à fait complémentaires. La ligne 17 a une vocation triple. Elle va bien sûr servir à relier l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle au centre de Paris. Nous avons d'ailleurs déjà anticipé sur le futur hub Air France qui sera vraisemblablement réalisé à partir des années 2030 compte tenu de la croissance du trafic. C'est également une ligne qui finira au Mesnil-Amelot, ce qui n'est pas anodin. Le Mesnil-Amelot, situé en Seine-et-Marne, constituera en effet une gare de rabattement extrêmement importante pour l'entrée dans la métropole, y compris pour les 20 % de salariés de la plate-forme qui habitent l'Oise.

Deuxième objectif de la ligne 17 : c'est une ligne qui va soutenir des territoires à très fort potentiel économique, comme Pleyel bien sûr, le territoire du Bourget - sujet que connaît bien Vincent Capo-Canellas, car ce territoire jouit d'un très gros potentiel et est en plein développement économique autour des métiers de l'aérien - la zone du triangle de Gonesse, qui va être ouverte à l'urbanisation, conformément au schéma directeur de la région Île-de-France, et tous les territoires autour de l'aéroport de Roissy.

Le troisième objectif de cette ligne 17, qui sera à tarification STIF, contrairement au CDG Express, concerne les salariés : 80 % des déplacements des salariés de Charles-de-Gaulle, comme d'Orly se font aujourd'hui en voiture individuelle, faute de transports en commun adaptés. C'est donc un enjeu extrêmement important pour les dizaines de milliers de salariés qui travaillent sur ces plates-formes, alors que le CDG Express est une ligne directe sans arrêt entre la plate-forme aéroportuaire et la gare de l'Est destinée aux voyageurs qui souhaitent accéder directement au coeur de la métropole.

Ce sont deux projets complémentaires, et je rappelle que c'est d'ailleurs le Parlement, dans la loi de 2010, qui a décidé qu'aucun financement public ne serait affecté au CDG Express. C'est donc un projet qui doit trouver un financement autonome à travers ses deux entreprises-supports que sont SNCF Réseau et ADP.

Vous avez évoqué, Monsieur Delahaye, la taxe sur les plus-values immobilières. Je rappelle que vous l'aviez votée puisqu'elle figurait dans la loi de 2010, sur proposition de Christian Blanc. Le Parlement l'a supprimée dans une loi de finances ultérieure, mais c'est quelque chose que vous aviez effectivement adopté à l'origine.

Marie-Hélène Des Esgaulx a évoqué le calendrier. Là aussi, il faut rester prudent : ce sont des travaux de très grande ampleur. Nous pouvons rencontrer des difficultés, notamment liées au sous-sol parisien. Il faut en tenir compte. Le calendrier ne doit pas être un sujet de polémique. Un tunnelier progresse de dix à vingt mètres par jour. Une fois que les neuf tunneliers de la ligne 15 Sud seront en route, ils iront à leur rythme ! Les objectifs fixés sont raisonnables, mais ce n'est qu'au fur et à mesure de l'avancement des travaux que le calendrier pourra être confirmé.

Vous avez parlé à juste titre du sous-sol parisien : on a bien vu que l'on rencontrait des difficultés dans les études d'avant-projet de la ligne 15 Sud, y compris à Cachan, commune de Jean-Yves Le Bouillonnec. La ligne traverse d'anciennes carrières et des poches de gypse qui peuvent être extrêmement dangereuses quand celui-ci se dissout au contact de l'eau. Nous disposons en France d'un comité des experts de travaux souterrains. Il se réunit très régulièrement pour vérifier l'ensemble des études techniques des maîtres d'oeuvre et valider les solutions. C'est un sujet délicat.

Ce projet a fait l'objet de plusieurs milliers de sondages géotechniques. C'est la plus grande campagne jamais réalisée à ce sujet en Île-de-France. Nous la poursuivrons au fur et à mesure des besoins.

Enfin, vous avez abordé le sujet des tréfonds. Je remercie le Parlement d'avoir voté cette disposition dans la loi de transition énergétique. Sans cela, nous n'aurions pu tenir les délais, puisque nous aurions eu plusieurs milliers de parcelles de tréfonds à acheter, ce qui était impossible dans les délais.

Grâce à la création d'une servitude d'utilité publique, nous pouvons, dès lors que la déclaration d'utilité publique est obtenue, lancer les travaux et indemniser a posteriori les propriétaires, sans avoir besoin d'acheter ces tréfonds, comme pour un immeuble ou pour un terrain.

S'agissant des enquêtes publiques et de leur calendrier, deux déclarations d'utilité publique ont déjà été obtenues pour la ligne 15 Sud et pour la ligne 16. Deux enquêtes publiques ont été réalisées en 2015 pour la ligne 14 Sud et la ligne 15 Ouest ; les dossiers vont être transmis prochainement au Conseil d'État. Il nous reste trois enquêtes publiques à réaliser : elles vont l'être au cours de ce premier semestre. Celle de la ligne 18 commencera fin mars. Suivra celle relative à la ligne 17. Nous finirons autour du 10 juillet avec la ligne 15 Est. Nous espérons donc, d'ici la fin du printemps 2017, avoir obtenu l'ensemble des déclarations d'utilité publique nécessaires.

Pour ce qui concerne les matériels roulants, la loi prévoit qu'ils devront être achetés par la Société du Grand Paris. Ils seront ensuite rachetés par le STIF au fur et à mesure des besoins pour être mis à la disposition des opérateurs. Pour la première fois, des lignes de métro vont en effet être mises en concurrence entre différents opérateurs, conformément aux réglementations européennes, sauf la ligne 14 Sud, la RATP bénéficiant d'un droit de suite puisqu'elle exploite déjà la ligne 14. Les autres lignes feront quant à elles bel et bien l'objet d'une mise en concurrence.

Pour ce qui concerne les marchés publics, nous avons souscrit à la plate-forme de la chambre de commerce et d'industrie de Paris, de manière que les PME et TPE puissent être informées en continu des marchés auxquels elles peuvent accéder. Ce sera notamment le cas de tout ce qui concerne les marchés des gares, où les entreprises de bâtiment trouveront facilement leur place, mais il faut bien dire que, pour les gros lots de génie civil, il faut que nous arrivions là aussi, pour être au plus proche du calendrier, à limiter les interfaces entre différentes entreprises. Ce seront donc plutôt des groupements de grande importance. Très peu d'entreprises sont en effet capables de les réaliser.

Enfin, vous avez évoqué les partenariats public-privé (PPP). C'est un sujet quelque peu difficile. Le PPP, classiquement, pour un secteur industriel et commercial, fonctionne avec des recettes commerciales. Or, compte tenu de la répartition des responsabilités en Île-de-France sur ce sujet, il était pratiquement impossible de conjuguer les deux, puisqu'il existe une autorité politique indépendante, le STIF, syndicat de collectivités locales, qui prend les décisions pour ce qui concerne les dépenses et les recettes de fonctionnement du système de transport, des opérateurs de transport encaissant ces recettes. Nous ne pouvons donc construire un modèle avec des recettes commerciales. On aurait pu envisager une réalisation de type conception-réalisation, mais ceci n'a pas été retenu à l'origine du projet. Cela aurait pu l'être. Au stade actuel, on ne peut évidemment pas revenir sur le modèle de maîtrise d'ouvrage public tel qu'il a été engagé.

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