Intervention de Francis Delattre

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 février 2016 à 10h32
Enjeux économiques et financiers de la construction du grand paris express — Audition conjointe de Mm. Jean-Yves Le bouillonnec président du conseil de surveillance et philippe yvin président du directoire de la société du grand paris

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Toutes mes excuses si je suis intervenu un peu rapidement tout à l'heure... J'ai été élu sénateur sans l'investiture de personne. Je suis un homme libre. Je me suis présenté quinze fois aux élections : j'ai toujours été élu comme un homme libre, et je m'exprimerai ici comme un homme libre !

Je défends un territoire en difficultés, le Val-d'Oise. Vous nous expliquez que vos projets sont destinés à réduire les inégalités urbaines : excusez-moi de vous dire que le projet est excellent pour 6,5 millions d'habitants de la région Île-de-France et déplorables pour les autres 5,5 millions, hormis Massy et quelques pôles aux limites du projet. Pour le reste, nous payons des taxes et nous ne bénéficions pratiquement d'aucun service !

Je citerai simplement les discussions que nous avons eues sur les lignes 14, 15 et 17, qui constituent la liaison La Défense-Roissy. Sur un pareil trajet, on aurait pu estimer que le Val-d'Oise compterait des gares permettant des interconnexions intelligentes. Nous n'en avons aucune !

On nous a expliqué que l'intérêt résidait dans le fait que La Défense soit à moins de trente minutes de Roissy. C'est défendable mais, pour un territoire comme le nôtre, cela ne l'est pas !

Vous disiez très justement que des interconnexions sont possibles. Dans le département du Val-d'Oise, toutes les villes de la vallée de Montmorency vous ont écrit pour que le Transilien H soit au moins intégré dans la gare stratégique de Saint-Denis-Pleyel : aucun des maires n'a jamais reçu une réponse de l'un de vous deux ! Le président du conseil général peut-être, mais pour ce qui nous concerne, rien !

Que devons-nous dire à nos populations ? Nous payons pourtant la taxe spéciale en question ! On nous dit qu'on va tous profiter du système. Je prétends que ce projet est très beau pour ceux qui en bénéficient, mais que ce sont les territoires les plus en difficultés qui restent à l'écart. C'est là qu'il y a le plus de ghettos, c'est là que l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) va devoir dépenser dans les années qui viennent des sommes incroyables. Pensez-vous que ce soit une politique équilibrée ?

Notre président dit à juste titre que les liaisons de ville à ville sont une très bonne chose. Nous sommes d'accord. Nous avions deux projets de liaisons tangentielles avec le système classique, à l'est et l'ouest. La tangentielle Est a démarré péniblement, et la tangentielle Ouest est différée.

Ce n'était pas un projet stupide, monsieur le directeur, puisqu'il utilisait des infrastructures déjà existantes et complètement à l'abandon ! Ce projet qui nous permettait de nous organiser, notamment avec les Yvelines, est tombé totalement à l'eau ! Pourquoi ? Vous allez nous dire que c'est de la responsabilité du STIF, mais le STIF est focalisé sur le projet du Grand Paris Express, et c'est naturel !

Pour être plus précis et en revenir à la ligne 14 Saint-Lazare-Saint-Denis-Pleyel, vous dites que le projet sera à peu près achevé dans deux ou trois ans. Nous sommes d'accord mais, pour l'instant, prendre les transports en commun entre Pleyel et Roissy reste un véritable parcours du combattant ! Le premier contact des touristes avec Paris est proprement scandaleux, c'est incroyable dans un pays comme le nôtre !

La rocade formée par les lignes 15 et 16, quant à elle, est exemplaire : qu'est-ce qu'on aimerait y être ! C'est vrai que c'est ce qui manque à la région parisienne, mais nous sommes un département qui reste en dehors de toutes les rocades. Nous sommes de facto interdits de toute possibilité de développement ! Tout le monde sait, ici comme ailleurs, que les déplacements sont essentiels pour les projets que nous avons.

Par ailleurs, je pense que tout mettre à La Défense est dangereux par les temps qui courent : la région parisienne a besoin d'aménagements, comme tout le reste du territoire, et ce projet qui recentralise tout ne va pas dans ce sens !

Je ne suis pas maire de Cergy, mais Cergy se transforme. Cergy, qui était une ville nouvelle, un pôle de développement, est en train de se développer en cul-de-sac, entre l'A 104, qui ne se boucle pas, et l'absence de transports en commun. Et pourtant, messieurs les directeurs, nous avons aussi des écoles d'ingénieurs à Cergy et nous avons l'ESSEC ! L'École centrale voulait s'implanter dans la vallée de Seine, qui est une zone industrielle où l'on trouve des centres de développement et de recherche de deux constructeurs nationaux, qu'on a mis d'office je ne sais plus trop où, alors qu'ils auraient dû s'installer sur les sites où se trouve l'industrie que nous souhaitons sauvegarder.

Peut-être que tout ceci ne vous intéresse pas, mais ce sont des sujets qui, au quotidien, nous préoccupent !

Puisque nous avons exceptionnellement l'occasion de vous dire les choses, je terminerai avec ce qui nous gêne le plus. On aurait au moins pu bénéficier, autour du corps central de votre projet, de liaisons correctes !

Je vais citer un dernier exemple de ce qui nous préoccupe. Nous avons deux universités, celle de Villetaneuse et celle de Cergy. Vous pensez que ce sont des universités pourries ? Non ! Les deux pôles sont cités parmi les meilleurs pôles mathématiques mondiaux ! Pourquoi ne leur donne-t-on pas une chance de pouvoir travailler, mutualiser, etc. ? On n'a pas de transports ! Je ne dis pas que notre projet vaut celui de l'Ouest, mais les enfants du Nord doivent bénéficier des mêmes opportunités que ceux de l'Ouest ! Avec ce projet, vous allez aggraver les différences territoriales, et les territoires relégués finiront par en payer lourdement les conséquences !

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