Intervention de Michel Berson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 février 2016 à 10h32
Enjeux économiques et financiers de la construction du grand paris express — Audition conjointe de Mm. Jean-Yves Le bouillonnec président du conseil de surveillance et philippe yvin président du directoire de la société du grand paris

Photo de Michel BersonMichel Berson :

Je voudrais formuler une réflexion d'ordre général sur le projet du Grand Paris Express et poser ensuite une ou deux questions concernant la ligne 18, ligne stratégique, qui concerne le plateau de Saclay, qui m'est cher, comme chacun le sait.

Je n'ai pas le même sentiment qu'un certain nombre de mes collègues, qui se sont exprimés ce matin de façon peut-être un peu sévère à l'égard de la Société du Grand Paris.

Je pense que la Société du Grand Paris est un outil indispensable pour réaliser ce grand projet particulièrement ambitieux qu'est le Grand Paris Express.

Les opérateurs traditionnels - STIF, RATP, SNCF - n'étaient pas en capacité de réaliser un projet aussi ambitieux, aussi novateur, il fallait une structure dédiée, souple, non bureaucratisée. - j'espère qu'elle ne se bureaucratise pas - et qui dispose de ressources propres, sans quoi on n'aurait pu réaliser le projet qui va permettre de donner un contenu, une réalité à ce qu'on appelle le Grand Paris, c'est-à-dire l'une des huit grandes métropoles mondiales, qui existe aujourd'hui, qui s'organise, qui se développe, qui se structure. Grâce à cette infrastructure nouvelle, le Grand Paris existera vraiment, mais pas avant. On en a donc encore pour dix à quinze ans !

S'agissant de la ligne numéro 18, une enquête publique est intervenue, suivie d'une concertation qui a eu lieu l'an dernier, en mai ou juin. Je crois que ni la rentabilité ni l'opportunité de cette ligne ne peuvent aujourd'hui être mises en question.

Cependant, j'ai quand même quelque inquiétude sur sa réalisation. Je voudrais savoir, messieurs les présidents, quelles réponses vous apportez aux questions suivantes...

Première question qui fait débat en ce moment, celle du tracé aérien ou du tracé souterrain, avec une différence budgétaire de l'ordre de 250 millions d'euros, si mes informations sont bonnes. Ces 250 millions d'euros ne font pas l'objet d'un financement spécifique. Ils sont pris sur l'enveloppe globale qui, elle, n'a pas bougé. En outre, il faut comptabiliser les six gares supplémentaires nées de la concertation. On est en effet passé de quatre à dix gares avec le même budget. Sur le plan financier, il existe un blocage.

Par ailleurs, est-il opportun de réaliser une ligne souterraine ? Pour le fervent défenseur des laboratoires de recherche que je suis, il y a là un vrai problème ! La contrainte des vibrations est une contrainte très forte pour les laboratoires. Il s'agit là du premier pôle scientifique et technologique européen, où sont déjà concentrés plus de 15 % de la recherche française. Par conséquent, aussi bien pour des raisons budgétaires que scientifiques, il ne me paraît pas souhaitable de construire un métro souterrain. Le tracé aérien peut être intégré sur le plan environnemental.

C'est mon sentiment, mais je voudrais savoir si ce débat continue. Une enquête publique commence sur ce secteur fin février ou fin mars. On va avoir le même débat : la Société du Grand Paris tient-elle bon sur le projet arrêté pour l'instant ?

Concernant le financement de ce projet, on m'a donné des chiffres que vous allez me confirmer. La ligne 18, d'Orly à Versailles, coûte, me dit-on, de l'ordre de 2,7 milliards d'euros. Le tronçon plus court, celui qui doit être réalisé pour 2024, c'est-à-dire le tronçon Orly-CEA-Saint Aubin, est de l'ordre de 1,2 à 1,4 milliard d'euros.

Je voudrais, si c'est possible, avoir des chiffres concernant la réalisation de la ligne 18 dans sa globalité et dans son tronçon prioritaire. Quand on connaît bien le projet, 2024 paraît une contrainte très forte pour le tronçon prioritaire. Le Premier ministre a souhaité accélérer la réalisation de ce tronçon, ce qui me paraît être une bonne chose, car c'est un tronçon stratégique pour faire vivre les atouts de ce plateau. Est-ce encore tenable, compte tenu des retards déjà pris, notamment sur la ligne 15, qui constitue un bon exemple ? Personnellement, j'émets quelques doutes, mais j'aimerais connaître votre sentiment.

Enfin, il demeure un problème de financement. Je ne reviens pas sur les 500 millions d'euros, ni sur les 4 milliards d'euros d'emprunts, etc. Quand on additionne les chiffres, on voit bien que le compte n'y est pas ! Par conséquent, il faudra imaginer d'autres recettes. Les recettes commerciales, lorsque les tronçons seront réalisés et en exploitation, ne seront pas négligeables, mais ne permettront pas de réaliser la soudure. Je pense qu'il faudra donc envisager d'autres recettes que les trois recettes fiscales existantes, ou que les recettes commerciales qu'on peut imaginer.

Les collectivités territoriales vont-elles être à nouveau mises à contribution ? Ce sont elles qui ont demandé le passage de quatre à dix gares : c'est un coût supplémentaire. Vont-elles être amenées à y participer ? Les voyageurs vont-ils être également sollicités à un niveau beaucoup plus élevé que ce que l'on imagine, sachant que le prix du transport en commun, en région Île-de-France, est le moins cher d'Europe ? Quand on achète un billet, on paye à peine 30 % du coût du transport, alors que, dans la plupart des pays, on est aux environs de 50 %. Est-ce une piste actuellement en cours d'examen ?

Toutes les idées qui ont été lancées pour consolider le financement du projet ont finalement été abandonnées : taxation des plus-values foncières, participation du transport routier, Écotaxe... Il me paraît nécessaire de continuer à y travailler si nous voulons réaliser pour 2030 ou 2035 le Grand Paris, qui, sans le Grand Paris Express, n'aurait ni squelette ni structures et ne pourrait devenir suffisamment attractif et compétitif à l'échelle mondiale.

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