En dépit d'une conjoncture favorable, notre croissance économique est restée modeste au cours de l'année 2015, de sorte que le marché du travail continue de présenter une image dégradée. Le taux de chômage a rebondi à 10,6 % de la population active au troisième trimestre 2015, soit son niveau le plus élevé depuis 1997. Par ailleurs, le nombre de chômeurs de catégorie A a crû de 89 100 personnes cette année, marquant même un « sursaut » de 42 000 en octobre. Cela tient notamment au fait que la croissance économique est restée inférieure aux 1,5 à 2 % requis pour stabiliser le chômage.
En effet, en dépit d'une amélioration de la conjoncture économique liée au recul du prix du pétrole et à une politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), qui a conduit à une diminution des taux d'intérêt et à un taux de change plus favorable, le PIB progresserait plus modestement en France que dans le reste de la zone euro (soit de seulement 1 % contre 1,5 %). Cette contre-performance française serait liée, selon l'Insee, à l'atonie du secteur de la construction, ce qui justifie d'autant plus que le Sénat veille à préserver l'investissement, notamment public. L'inflation, quant à elle, augmenterait de 0,1 %. Les différentes prévisions sont confirmées par les anticipations des organisations internationales.
L'exercice 2015 a été marqué par une amélioration limitée de la situation budgétaire. Alors que le solde public effectif et le solde structurel affichent un recul de faible ampleur, la dette publique a continué à se rapprocher du seuil de 100 % du PIB. En effet, au cours de l'exercice 2015, la baisse du taux de prélèvements obligatoires s'est conjuguée à une évolution de la dépense publique plus dynamique qu'anticipé.
Le solde effectif devrait représenter 3,8 % du PIB, soit 0,3 point en deçà de la prévision (4,1 % du PIB). Cette bonne performance doit être relativisée, dès lors qu'elle est intégralement imputable à la révision à 3,9 % du solde public au titre de l'année 2014 contre une prévision de 4,4 % en loi de finances initiale. Dès lors, le solde effectif n'a été réduit que de 0,1 point de PIB, alors qu'il devait l'être de 0,3 point cette année.
Quoi qu'il en soit, grâce à cette exécution 2014 plus favorable que prévu, l'objectif de solde public effectif arrêté par le Conseil de l'Union européenne en mars dernier, lorsque celui-ci a accordé à la France un nouveau report du délai de correction de son déficit excessif de 2015 à 2017, serait respecté en 2015. Il convient d'ailleurs de relever que la conformité de la trajectoire budgétaire des finances publiques définie par le Gouvernement aux obligations découlant du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) repose exclusivement sur le respect des cibles de solde public effectif, dans la mesure où les objectifs d'amélioration du solde structurel ne seraient pas atteints.
En effet, l'ajustement structurel constaté en 2015, de 0,4 point de PIB, serait inférieur à celui recommandé par le Conseil de l'Union européenne, soit 0,5 point de PIB, comme l'a relevé la Commission européenne dans son avis du 16 novembre dernier sur le projet de plan budgétaire de la France. Toutefois, à 1,7 % du PIB, le déficit structurel devrait respecter l'objectif arrêté par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, soit 2,1 % du PIB. Cela découle, une fois encore, de résultats plus favorables qu'attendu en 2014, ainsi que l'a souligné le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
Enfin, la part de la dette publique dans la richesse nationale continuerait à augmenter. Le Gouvernement prévoit qu'elle atteindra 96,3 %, soit 0,7 point de PIB de plus qu'en 2014 (95,6 % du PIB). Le ratio d'endettement s'établissant déjà à 97,6 % au deuxième trimestre, l'on ne peut exclure qu'il soit in fine supérieur à la prévision du Gouvernement.
Quant à la situation budgétaire de l'État, les recettes fiscales nettes devraient s'élever à 278,7 milliards d'euros, en baisse de 400 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015 (- 0,1 %). Ce chiffre inclut cependant les recettes tirées d'un contentieux exceptionnel avec EDF pour 1,4 milliard d'euros concernant les provisions liées au renouvellement du réseau d'alimentation générale entre 1987 et 1996. La Commission européenne a considéré que le traitement fiscal de ces provisions constituait une aide d'État qu'EDF a été contrainte de rembourser. Le montant total s'élève à environ 1,37 milliard d'euros, dont 889 millions d'euros d'exonérations d'impôt et 488 millions d'euros d'intérêts. Si l'on neutralise l'impact budgétaire de ces recettes exceptionnelles, le total de la moins-value sur l'impôt sur les sociétés prévue en 2015 serait de 1,8 milliard d'euros, soit un taux de recouvrement inférieur de 5 % aux prévisions.
La diminution de l'impôt sur les sociétés par rapport aux anticipations serait principalement liée à la révision à la hausse du coût du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), pour un impact négatif de 2,4 milliards d'euros, ainsi qu'au suramortissement prévu par la loi « Macron ». Les écarts à la prévision sont plus modérés sur les autres impôts. La révision à la hausse de l'impôt sur le revenu (+ 600 millions d'euros) par rapport à la loi de finances initiale s'explique par le dynamisme des dividendes et des plus-values mobilières en 2014, ainsi que par de plus fortes recettes liées à la lutte contre la fraude au titre du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR).
Le rendement de la TVA diminuerait de 1,1 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale en raison d'une moindre croissance des emplois taxables et d'une inflation modeste. Au vu des recouvrements, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) baisserait de 0,1 milliard d'euros. Les autres recettes fiscales nettes augmenteraient de 500 millions d'euros au regard de la révision à la baisse des décaissements constatés en 2015. Pour ce qui concerne les contentieux « Précompte » et « OPCVM », le coût de ce dernier devrait être inférieur de 400 millions d'euros aux estimations initiales.
Les dépenses du budget général, hors dette et pensions sont supérieures de 1,3 milliard d'euros à l'objectif du Gouvernement. Cet agrégat correspond aux dépenses des ministères et des opérateurs de l'État directement financées par subventions budgétaires et non par affectation de ressources fiscales.
La norme de dépenses « zéro valeur » n'est respectée qu'au prix d'un prélèvement de 255 millions d'euros sur la trésorerie du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), auquel s'ajoutent des économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE) d'un montant de 1 milliard d'euros. De même, la norme « zéro volume » n'est pas dépassée grâce à des annulations sur la charge de la dette à hauteur de 2 milliards d'euros, les taux d'intérêt et l'inflation ayant été revus une nouvelle fois à la baisse.
Le projet de loi de finances rectificative présente le schéma de fin de gestion pour 2015, soit l'ajustement des crédits alloués afin d'éviter des impasses budgétaires tout en assurant le respect de la norme de dépenses. Les ouvertures et les annulations destinées à les gager sont prévues à la fois dans le projet de loi de finances rectificative et, pour les plus urgentes d'entre elles, dans le projet de décret d'avance sur lequel la commission des finances a donné son avis et publié un rapport le 23 novembre 2015. Pas moins de 6 milliards d'euros en crédits de paiement doivent être ouverts, dont 1,7 milliard d'euros par décret d'avance et 4,3 milliards d'euros par le projet de loi de finances rectificative, auxquels il faut ajouter 1,1 milliard d'euros de redéploiement des fonds issus du programme d'investissements d'avenir (PIA). Le total, 7,1 milliards d'euros, est à comparer aux quelques 2,1 milliards d'euros du schéma de fin de gestion de 2012 à 2014, les redéploiements du PIA ne dépassant pas 600 millions d'euros en 2014. La majorité des ouvertures prévues est compensée par des annulations. L'importance des redéploiements traduit cependant une incapacité du Gouvernement à respecter les arbitrages qu'il a fixés, et que le Parlement a approuvés, en loi de finances initiale.
Les missions « Défense » et « Agriculture » représentent la plus grande partie des ouvertures, suivies par les dépenses relatives aux dispositifs de solidarité. Sur la mission « Agriculture », 1,1 milliard d'euros sont ouverts au titre des refus d'apurement communautaire. La France, qui a obtenu de la Commission un échelonnement du remboursement en trois tranches annuelles égales entre 2015 et 2017, a choisi de payer les deux premières en 2015, de manière à se donner une marge de manoeuvre supplémentaire pour 2016.
Les ouvertures de crédits au profit de la Défense (2,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) proviennent pour leur plus grande partie (2,15 milliards d'euros) d'une substitution aux recettes attendues sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ». En effet, le premier des quatre versements exigibles au titre de l'attribution de la bande « 700 MHz » est attendu début 2016 « en raison des délais techniques de paiement par les opérateurs de communications électroniques », selon le Gouvernement.
Enfin, les dépenses de guichet conduisent à ouvrir 766 millions d'euros en crédits de paiement. S'y ajoute une dette à l'égard de Pôle Emploi qui devrait s'élever à plus de 170 millions d'euros fin 2015, au titre de l'allocation temporaire d'attente (ATA) versée aux demandeurs d'asile dans l'attente de l'examen de leur demande de dette à Pôle emploi. Le quasi triplement de cette dette, qui se montait à 58 millions d'euros fin 2014, fait peser des risques de gestion accrus sur 2016. Le déficit passe de 74,4 milliards d'euros à 73,3 milliards d'euros entre la loi de finances initiale et le projet de loi de finances rectificative, soit une révision de 1,1 milliard d'euros. Cependant, hors dépenses exceptionnelles, le solde budgétaire se dégrade de 3 milliards d'euros par rapport à 2014, bien que la présentation du Gouvernement ne retraite pas le solde 2014 des dépenses du deuxième programme d'investissement d'avenir (PIA 2), laissant ainsi penser que le déficit a été amélioré. En outre, l'évolution du solde des comptes spéciaux, du montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne et des recettes non fiscales obéit à des facteurs largement extrinsèques aux arbitrages du Gouvernement.