Les chiffres vous sont donnés dans la note de présentation, je vais me concentrer sur quelques idées. Ce budget connaît tout d'abord une certaine stabilité, ce qui reflète la priorité donnée à la mission. On peut cependant s'interroger quant à la crédibilité des chiffres présentés, notamment au regard du décret d'avance transmis ce matin qui vise à annuler plus de 100 millions d'euros, dont 80 millions d'euros sur le programme 150. Certes, pour 2016, une rallonge de 100 millions d'euros a été votée par l'Assemblée nationale au profit de l'enseignement supérieur. Puis, 119 millions d'euros ont été supprimés sur les programmes de recherche au cours du débat parlementaire, ce qui est contraire à la sanctuarisation promise et un mauvais signal adressé au monde de la recherche.
Concernant les dépenses fiscales rattachées à la mission, le CIR progresse de 200 millions d'euros, pour atteindre concernant les dépenses fiscales rattachées à la mission, 5,5 milliards d'euros. Sur l'ensemble de la mission, avec 119 millions d'euros de moins et 100 millions d'euros de plus, il manque finalement 19 millions d'euros sur 27 milliards d'euros - pas grand-chose, l'épaisseur du trait.
S'agissant des crédits alloués à l'enseignement supérieur, il faut noter que la situation financière des universités est satisfaisante, avec un fonds de roulement de 1,5 milliard d'euros et une capacité d'autofinancement reconstituée à 438 millions d'euros en 2014. Autant de bons signes qui masquent des situations divergentes : 17 universités sont en déficit, quatre ont un fonds de roulement qui couvre moins de 15 jours de fonctionnement et 11 ont un fonds de roulement pouvant couvrir plus de 100 jours.
Pour mémoire, les établissements ont subi un prélèvement de 100 millions d'euros en 2015. Les 100 millions d'euros votés par l'Assemblée nationale ne sont donc pas tant un apport supplémentaire qu'une compensation du prélèvement sur les fonds de roulement de 47 établissements. Ils ne seront donc pas nécessairement reversés à ceux qui ont été prélevés mais à ceux qui ont le plus besoin de crédits supplémentaires. Attention à ne pas pénaliser les bons gestionnaires et à ne pas récompenser ceux qui ne préparent pas l'avenir
Je me réjouis de la création de 1 000 emplois dans le budget pour 2016 - cela honore ceux qui s'y étaient engagés - mais on peut s'interroger sur le nombre effectif de postes qui seront affectés à l'administration des communautés d'universités plutôt qu'à l'encadrement des étudiants. En outre, il est probable qu'un certain nombre d'emplois seront en fait gelés pour équilibrer les budgets. De nombreuses universités ont atteint ainsi l'équilibre budgétaire et souhaitent le préserver : il n'est donc pas certain que le taux d'encadrement des étudiants augmente comme espéré.
En ce qui concerne l'autonomie des universités, la gestion des ressources humaines devrait davantage relever de chaque établissement. Les universités sont actuellement trop dépendantes de l'État pour leur recrutement ou la gestion des carrières.
Par ailleurs, la dévolution du patrimoine actuellement expérimentée est une piste intéressante mais sa généralisation aurait un coût de 850 millions d'euros par an, ce qui, selon moi, n'est pas soutenable financièrement. Le ministre devrait cependant faire des propositions à ce sujet et je considère qu'il n'y a pas d'autonomie réelle si l'université n'est pas responsable de son patrimoine.
Je suis inquiet au sujet du volet « Enseignement supérieur » des contrats de plan État-région. L'État y consacre 990 millions d'euros. Il n'est pas certain que les collectivités territoriales pourront assumer leurs engagements dans ces contrats alors que leurs dotations sont réduites - notamment pour les conseils départementaux que je connais bien.
La nécessité d'augmenter les moyens de l'enseignement supérieur provient de la croissance du nombre d'étudiants : l'enseignement supérieur accueille 2,5 millions d'étudiants, en hausse de 40 000 cette année, sans compter les double inscriptions. Tôt ou tard, on devra bien revoir, quoiqu'il arrive, le système d'orientation des étudiants. Certains d'entre eux choisissent ce statut par défaut ou par opportunisme, notamment pour les aides au logement, sans savoir que faire d'autre.
Dans un contexte budgétaire très contraint qui empêche toute hausse significative des subventions de l'État, les universités ont également besoin de davantage de ressources propres. Or la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (Cdefi) évalue à 60 millions d'euros la réduction du produit de la taxe d'apprentissage, soit une baisse moyenne de 37 % pour les 120 écoles de leur enquête. Les universités sont également concernées, leurs présidents sont inquiets. Peut-être que les exécutifs régionaux, qui récupéreront cette manne financière, pourront apporter des réponses.
Autre sujet de réflexion : les droits d'inscription s'élèvent à environ 180 euros par étudiant - moins qu'une inscription à un club de sport ! - ce qui est insuffisant et ne permet pas de contribuer à l'accueil des étudiants. Ces droits devraient être plus proches de 800 euros ou 900 euros. Actuellement, leur faible montant va jusqu'à dévaloriser l'enseignement dispensé et constitue un mauvais signal pour les étudiants étrangers. Pourquoi leur appliquer les mêmes frais d'inscription qu'aux étudiants français ? Soyons innovants ! Je vous proposerai d'ailleurs un amendement visant à dégager de nouvelles ressources sans toucher à l'équilibre du budget de l'État.
L'enseignement supérieur privé doit également voir ses moyens rééquilibrés. De 1 200 euros par étudiant il y a quelques années, la dotation de l'État est descendue aujourd'hui à moins de 800 euros par étudiant, alors que plus de 80 000 étudiants fréquentent les établissements privés. C'est autant de moins à la charge de l'État, car un étudiant dans le public coûte beaucoup plus. Je propose d'augmenter cette dotation de 60 euros par étudiant afin d'attirer l'attention du Gouvernement sur ce sujet important.
Je regrette que la réforme du système de répartition des moyens à l'activité et à la performance (Sympa) n'ait pas abouti. Le modèle actuel ne répartit d'ailleurs qu'une faible part du budget des universités. Il a pour objectif de récompenser les établissements au mérite : devenir des étudiants, qualité de la formation, efforts de performance... La Conférence des présidents d'universités (CPU) s'est opposée au nouveau système Modal, uniquement mis en oeuvre dans les écoles d'ingénieurs depuis le début de l'année. Elle considère qu'en l'absence de moyens supplémentaires, aucune université n'est surdotée et aucun rééquilibrage ne peut intervenir.
Les crédits du programme « Vie étudiante » augmentent de 40 millions d'euros pour atteindre 2,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, notamment en raison de l'augmentation du nombre de bénéficiaires des aides sociales, estimée à 666 000 pour le premier semestre 2016 (contre 593 000 étudiants boursiers en 2010). Le réseau des oeuvres universitaires et scolaires subira un prélèvement de 50 millions d'euros sur un fonds de roulement de 400 millions d'euros. Interrogeons-nous sur son fonctionnement et ses missions. Selon moi, l'investissement dans le logement doit, par exemple, reposer sur les bailleurs sociaux.
Je regrette la réforme de l'aide au mérite, qui, je le rappelle, bénéficie aux étudiants déjà boursiers sur critères sociaux. La suppression décidée l'année dernière a été suspendue. Cette aide a été réduite par le Conseil d'État et depuis le Gouvernement l'a donc rétablie et réservée aux trois années de licence. Les deux années de master sont désormais exclues.
Des innovations pour augmenter les moyens malgré le contexte budgétaire contraint restent à trouver et c'est pourquoi je vous présenterai un amendement lors de l'examen des articles non rattachés concernant le CIR. En effet, lorsqu'une entreprise passe des contrats de recherche avec des organismes publics, notamment des établissements universitaires, elle augmente la base de calcul du CIR car ces dépenses sont prises en compte pour le double de leur montant. On pourrait exiger des entreprises, autres que les petites et moyennes entreprises (PME) au sens du droit communautaire, que 10 % de leurs dépenses éligibles au CIR, soit environ 600 millions d'euros de CIR, soient réalisées dans le cadre de laboratoires universitaires. Outre l'accroissement des moyens des laboratoires universitaires, cela permettrait également de renforcer leurs liens avec les entreprises alors que celles-ci ignorent souvent leur potentiel. Je propose également une augmentation des dotations de l'enseignement privé à 5,9 millions d'euros. Pour le reste, je vous propose d'adopter les crédits de la mission