Intervention de Patricia Morhet-Richaud

Réunion du 22 novembre 2016 à 15h15
2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales — Débat sur les conclusions d'un rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo de Patricia Morhet-RichaudPatricia Morhet-Richaud :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question des violences conjugales et des violences faites aux femmes touche toute la société. Cela a été dit, la France connaît 200 000 victimes par an, dont 14 % seulement portent plainte, et 140 000 enfants vivent dans un foyer où ont lieu des violences conjugales. En 2014, on dénombrait 143 décès du fait du conjoint ou ex-conjoint, hommes et femmes confondus. Les femmes étaient au nombre de 118. Il faut ajouter à cela 34 enfants mortellement victimes des violences d’un de leur parent.

Le rapport intitulé 2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes couvre un large spectre de la question.

Ces problématiques touchent tous les territoires. Les territoires ruraux, comme le département des Hautes-Alpes, ne sont pas épargnés par ce terrible fléau.

Le dispositif législatif a permis une prise de conscience de la gravité de ce phénomène. Permettez-moi à ce sujet de souligner l’excellent travail conduit par la délégation sous la présidence de notre collègue Chantal Jouanno.

L’ordonnance de protection, créée par la loi du 9 juillet 2010, a élargi les prérogatives du juge aux affaires familiales pour renforcer la protection et la mise à l’abri des victimes de violences, et ce, indépendamment d’une procédure pénale ou de divorce pour contourner l’autocensure des victimes, qui, souvent, n’osent pas porter plainte. En zone rurale, c’est une difficulté non négligeable. En effet, tout le monde se connaît, et les jugements trop hâtifs ou la peur du qu’en-dira-t-on sont un frein supplémentaire pour venir dénoncer les violences commises au sein de la cellule familiale et du couple en particulier. Je tiens d’ailleurs à souligner l’excellent travail réalisé dans les territoires par les forces de l’ordre que sont la gendarmerie et la police et par un maillage de proximité entre l’État, le département et les communes avec des professionnels très bien formés et toujours à l’écoute.

L’application de l’ordonnance de protection s’avère toutefois inégale selon les tribunaux de grande instance. La réticence de beaucoup de magistrats viendrait du fait que l’ordonnance remet en cause d’une certaine manière la présomption d’innocence.

Je voudrais également citer le centre d’information sur les droits des femmes et des familles, qui met en place de nombreuses actions contre les violences conjugales et propose un accueil de jour pour les victimes de violences au sein du couple.

Comme le souligne un rapport d’évaluation et comme me l’ont confirmé les membres du réseau, le manque de structure d’hébergement reste une problématique non résolue à ce jour. En zone rurale, par exemple, il n’existe pas de solution temporaire comme les hôtels. Il est alors impossible de mettre à l’abri des femmes en danger. Pis, face à cette pénurie de logements, comment protéger efficacement les victimes ?

Selon une enquête de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale auprès des services intégrés d’accueil et d’orientation, les SIAO, et des associations qui accompagnent les victimes, il existe quelques difficultés à surmonter pour améliorer la prise en charge. Cette enquête identifie une insuffisance, voire une absence de structures spécialisées dans la prise en charge des victimes de violences conjugales, des difficultés liées à l’évaluation des situations individuelles, un déficit non seulement de convention entre les SIAO et les associations, mais aussi de pilotage global par les services de l’État. Il est donc urgent de garantir un accès à un hébergement d’urgence. À défaut, les différents dispositifs mis en œuvre s’avéreront inefficaces et ne permettront pas aux différents textes de produire les effets attendus.

Enfin, de l’avis général, le dispositif du « téléphone grave danger », ou TGD – un téléphone portable disposant d’un bouton d’urgence et d’une géolocalisation qui renvoie la victime à une plateforme disponible en permanence en cas de danger imminent –, semble être un succès dans la mesure où il a effectivement contribué à sauver des vies. Délivré par le procureur de la République pour six mois renouvelables, ce dispositif fonctionne non seulement parce qu’il est techniquement efficace, mais surtout parce qu’il se base sur un fort maillage territorial associant la police, un opérateur privé, le conseil départemental, les magistrats et les associations. C’est bien la preuve que la lutte contre les violences conjugales fonctionne lorsque toutes les parties sont associées et que l’ensemble des acteurs et des relais est coordonné.

Le problème, là encore, est que ce dispositif, si efficace soit-il, souffre d’inégalités de répartition à l’échelle du territoire national. Pour 2016, le Gouvernement s’était fixé pour objectif de déployer 500 TGD. L’obstacle, on l’aura compris, est principalement financier. Nous le regrettons, car même si le nombre de victimes reste stable, ce phénomène est encore loin d’être endigué.

Je conclurai en évoquant la question – déjà abordée dans le rapport – des observatoires départementaux des violences envers les femmes. Présents dans un faible nombre de territoires, ne faudrait-il pas les généraliser dans les départements ruraux ou comportant des zones isolées ?

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