Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 22 novembre 2016 à 15h15
2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales — Débat sur les conclusions d'un rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Laurence Rossignol, ministre :

Vous avez raison, monsieur le sénateur, c’est l’un des sujets sur lesquels il faudra travailler et affiner l’expertise. On peut en effet présumer que de nombreux suicides de femmes sont liés aux violences conjugales.

Ces violences interpellent d’autant plus que le foyer familial est, dans notre idéal collectif, synonyme de protection et de solidarité. Les avancées législatives et les campagnes de sensibilisation permettent de bousculer ces certitudes et, surtout, de mieux reconnaître les violences qui s’exercent au sein du couple.

Aujourd’hui, les violences conjugales sont certainement la forme la plus connue des violences faites aux femmes. Mais il est important de souligner que les violences ne se traduisent pas seulement par des coups portés par un époux. Nous parlons de violences au pluriel, celles-ci s’exerçant sous différentes formes – sexuelles, physiques, psychologiques ou économiques –, dans des espaces divers – au travail, dans l’espace public, à l’école, à l’université – et pouvant potentiellement toucher toutes les femmes, quels que soient leur situation ou leur niveau de vie. Dans la grande majorité des cas, les victimes connaissent l’auteur des violences, qu’il s’agisse du conjoint, d’un membre de la famille ou d’un proche.

À la source de toutes ces violences, on retrouve un seul et même phénomène : le sexisme, le machisme. Les violences constituent la forme la plus exacerbée de la domination masculine. Ce sexisme qui se banalise justifie la domination physique, psychologique et symbolique des hommes sur les femmes.

Les différentes manifestations du sexisme se nourrissent entre elles. Tous les comportements et les propos qui stigmatisent, infériorisent, délégitiment les femmes constituent le terreau des violences faites aux femmes. Diffuser à longueur de journée des publicités et des clips dans lesquels les femmes sont immanquablement représentées comme des objets, multiplier les blagues et les propos déplacés adressés aux femmes autour de la machine à café, renvoyer sans cesse les femmes à leurs moindres compétences : tout cela fonde l’existence des violences et participe à leur banalisation et à leur légitimation. C’est pourquoi je conçois le plan d’actions et de mobilisation contre le sexisme que j’ai lancé le 8 septembre dernier comme un outil de prévention à part entière des violences faites aux femmes. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Vous l’avez dit, nous sommes dans une dynamique de progrès. Les nouvelles dispositions législatives et les mesures du quatrième plan Violences ont permis de créer de nouveaux outils non seulement pour mieux protéger et accompagner les femmes victimes de violences, mais aussi pour mieux les prévenir.

Nous pouvons l’affirmer avec assurance, jamais le droit n’a été aussi complet qu’aujourd’hui. Dès août 2012, nous avons rétabli le délit de harcèlement sexuel. Vous vous souvenez sans doute de la question prioritaire de constitutionnalité, qui avait conduit le Conseil constitutionnel à abroger le délit de harcèlement sexuel. Petite anecdote, l’homme poursuivi pour harcèlement qui avait déposé cette question prioritaire de constitutionnalité vient d’être condamné. Bien mal acquis ne profite jamais !

La loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes de 2014 a renforcé les dispositifs de lutte contre les violences : généralisation du téléphone grave danger, éviction du domicile du conjoint violent, stages de responsabilisation pour les auteurs et renforcement de l’ordonnance de protection.

Cette année, la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a été adoptée par le Parlement. Ce texte historique reconnaît enfin la prostitution comme une violence en soi.

Le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, en cours d’examen, comporte également une série de mesures en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Une fois le cadre juridique posé, il est absolument nécessaire de garantir l’application de la loi et l’accès au droit des femmes victimes. C’est pourquoi le quatrième plan de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes a été lancé, en 2014, autour d’axes et de mesures que vous connaissez toutes et tous parfaitement.

Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a publié ce matin l’évaluation de ce quatrième plan. À la veille du lancement du nouveau plan triennal, je tiens donc à partager avec vous ces derniers éléments d’évaluation, qui viennent compléter le travail que vous avez mené dans le cadre votre rapport.

Les moyens spécifiques consacrés aux violences faites aux femmes ont été doublés sur toute la durée du quatrième plan, pour atteindre 66 millions d’euros sur trois ans. C’est non seulement une condition essentielle de réussite, mais aussi une priorité de l’action de mon ministère, puisque la lutte contre les violences faites aux femmes représente près de 75 % du budget alloué au ministère des droits des femmes.

(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Il aura enregistré une hausse de 50 % depuis le début du quinquennat.

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