Intervention de Gérard Bapt

Commission mixte paritaire — Réunion du 22 novembre 2016 à 18h00
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017

Gérard Bapt, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 comptait 60 articles lors de son dépôt par le Gouvernement sur le bureau de notre assemblée.

L'Assemblée nationale a introduit 41 articles additionnels. Le Sénat a adopté 28 articles dans les mêmes termes que l'Assemblée. Il a parallèlement adopté 20 articles additionnels, portant ainsi à 93 le nombre d'articles restant en discussion. Ces 93 articles se répartissent de la sorte : 22 suppressions d'articles adoptés par l'Assemblée ; 21 articles modifiés pour des raisons de seule forme ; 50 articles comportant des modifications de fond, souvent assorties de modifications rédactionnelles.

Le seul inventaire des articles supprimés devrait suffire à constater l'échec de notre commission mixte paritaire, puisque le Sénat a notamment rejeté les articles d'équilibre clôturant la troisième partie, et conditionnant l'ensemble des recettes et des dépenses pour 2017.

Je ne peux que renouveler l'étonnement que j'exprimais l'année dernière. Comment peut-on à la fois adopter, même en les modifiant, les articles de recettes de la troisième partie et les articles de dépenses de la quatrième, et refuser le cadre général dans lequel ils s'inscrivent, sans proposer, qui plus est, aucune alternative ?

Comme l'année dernière aussi, je trouve quelque peu surprenant que le Sénat ait laissé en navette de nombreux articles pour de simples questions rédactionnelles...

S'agissant des désaccords de fond entre les deux assemblées, je pourrais rappeler, sur la partie relative aux recettes et à l'équilibre général, dont j'étais rapporteur en première lecture : la fixation d'un seuil unique d'assujettissement au régime social des indépendants (RSI) pour les locations de biens, alors que le texte adopté par l'Assemblée nationale opérait une distinction utile entre les biens meubles et immeubles ; la suppression de l'article 16, instaurant une contribution spécifique sur le chiffre d'affaires des fournisseurs de tabac ; le refus de réorganiser le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), en faisant prendre en charge par les régimes de base le financement du minimum contributif, alors même que cette mesure constituait l'une des principales préconisations du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) du Sénat consacrée au FSV au printemps dernier.

En ce qui concerne l'assurance maladie, je regrette également la suppression, à l'article 18, de la scission du « taux L » en deux taux différenciés, « Lv » et « Lh », qui permet pourtant de mieux prendre en compte l'évolution du rythme des dépenses de médicaments à l'hôpital, en raison de l'arrivée de médicaments innovants et - malheureusement - onéreux.

Je ne peux que regretter également l'introduction par le Sénat de l'article 42 ter, qui vise tout bonnement à supprimer la généralisation du tiers payant instaurée par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Je déplore tout autant la suppression des articles 5, 54 et 55, respectivement relatifs aux objectifs de dépenses de l'assurance maladie pour 2016 et 2017 et à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2017. Sur ce point, nous avons des divergences de fond sur lesquelles je ne m'étendrai pas.

Le Sénat a par ailleurs complété l'article 48 portant sur l'expérimentation des parcours de soins des personnes âgées, de façon à harmoniser davantage l'approche des agences régionales de santé (ARS) et celle des conseils départementaux. Il ne m'apparaît pas souhaitable d'aller dans le sens du Sénat, car l'objet des expérimentations consiste précisément à tester des organisations et des méthodes d'action. Au surplus, les dispositions adoptées par le Sénat prévoient la création d'un dispositif à caractère expérimental dans un article codifié (!) relatif aux compétences départementales en matière d'action sociale en faveur des personnes âgées. Cette innovation juridique, qui tranche avec la rigueur coutumière de la chambre haute, m'étonne beaucoup.

Nous avons enfin, à l'article 53, un différend portant sur le prélèvement opéré en 2017 sur les réserves de l'Association nationale pour la formation professionnelle du personnel hospitalier (ANFH). Notre point de vue est qu'il est possible d'opérer cette ponction sur des réserves « dormantes », alors que l'obligation de formation de cet organisme paritaire collecteur agrée n'est pas totalement honorée.

Concernant le secteur médico-social en particulier, je ne peux que regretter la suppression de l'article 46 bis, qui traite du problème des départs non choisis de Français en situation de handicap vers la Belgique. Contrairement à ce qui a été prétendu au Sénat, il ne s'agit en aucun cas de « détourner l'attention des pouvoirs publics » de ce sujet, mais au contraire de souligner son ampleur croissante et d'y apporter des réponses pérennes, comme l'a souligné notre collègue Philip Cordery dans son rapport.

S'agissant de la branche vieillesse, je me réjouis de l'approbation par le Sénat de la majorité des dispositions ajoutées par l'Assemblée, relatives notamment aux travailleurs handicapés et aux Français de l'étranger.

Des désaccords de fond persistent néanmoins, parmi lesquels, en premier lieu, la suppression, qui me laisse perplexe, de l'article 57 relatif au transfert du service de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (SASPA) à la Mutualité sociale agricole (MSA), article que l'Assemblée avait proposé d'aménager pour faciliter son entrée en vigueur d'ici 2020, et qui permettra de « donner du grain à moudre » à la MSA, dont certaines structures départementales sont très affaiblies.

Concernant enfin la branche famille, je regrette l'introduction par le Sénat de l'article 28 bis, qui tend à supprimer la réforme du congé parental applicable depuis le 1er janvier 2015. Cette réforme, qui permet de prolonger la période initiale du congé parental à condition que celui-ci soit partagé entre les deux parents, était nécessaire : elle contribue en effet à encourager une répartition plus équilibrée des responsabilités familiales au sein du couple et ainsi, à terme, à favoriser l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Suivant sa logique de rejet des grands équilibres proposés par le texte, le Sénat a par ailleurs supprimé les articles 29, 35 et 37 fixant les objectifs de dépenses des branches famille, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), ainsi que l'article 56 fixant les prévisions de charges du fonds de solidarité vieillesse.

En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à constater dès à présent que notre commission est dans l'incapacité d'aboutir à une rédaction commune.

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