Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission mixte paritaire — Réunion du 22 novembre 2016 à 18h00
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Sur les 101 articles, dont 41 articles additionnels, que comptait le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, le Sénat en a adopté conformes 28, modifié 51 et supprimé 22. Notre assemblée a adopté 157 amendements émanant, pour la plupart, de la commission des affaires sociales, mais aussi, pour certains, de tous les groupes et du Gouvernement. Vingt articles additionnels ayant été adoptés, 93 articles restent en discussion.

Ces chiffres reflètent très bien la position que nous avons souhaité prendre sur ce texte.

Nous ne partageons pas les options qui sous-tendent les grands équilibres de ce projet de loi et, cette année tout particulièrement, nous contestons la façon dont ils ont été construits, c'est-à-dire avec la volonté d'afficher à tout prix un redressement significatif du solde de l'assurance maladie, quitte à dégrader celui des autres branches, soit par des ponctions de recettes, soit par des transferts de charges.

Oui, le déficit se réduit, et c'est heureux compte tenu des efforts demandés, sous forme de prélèvements obligatoires, aux assurés et à la population. Non, le processus n'est pas achevé : la sécurité sociale n'est pas à l'équilibre, pas plus que les retraites ne sont en excédent pour des décennies. C'est ce sur quoi le Sénat a voulu alerter.

Le Sénat - et je réponds là à l'interpellation du rapporteur pour l'Assemblée nationale - n'a pas bâti de contre-projet ; il a simplement réagi aux équilibres qui lui étaient proposés. Nous sommes en fin de législature, à l'heure des bilans. Le temps du contre-projet viendra. Plutôt que de rejeter ce texte, nous en avons donc, comme la loi organique le permet, rejeté les tableaux.

Nous avons eu en revanche la volonté de procéder à un examen attentif, soucieux d'améliorer la rédaction des articles sur lesquels nous n'avions pas de désaccord de fond - et il y en a. Voulant rester bref, je ne prendrai que quelques exemples.

Ainsi, à l'article 10, nous avons souhaité appeler le Gouvernement à l'application effective des règles existantes. Il manque un outil centralisé de déclaration et de collecte de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur les revenus dégagés par les plateformes collaboratives. C'est pourquoi certains utilisateurs peuvent avoir l'impression que ces revenus ne supportent actuellement aucun prélèvement. C'est le sens de notre ajout relatif à la contribution sociale généralisée (CSG), même si nous sommes bien conscients que les outils nécessaires à la mise en oeuvre effective d'un tel dispositif font actuellement défaut.

Sur le premier volet de l'article, à savoir le critère de distinction des revenus d'activité, nous avons souhaité donner une chance à l'article en dépit de ses imperfections - qui sont apparues à l'Assemblée elle-même, puisqu'elle l'a modifié ! Il nous a néanmoins semblé que, si un seuil de revenus devait être appliqué, il n'était pas logique d'en avoir plusieurs. C'est pourquoi nous avons fait une proposition qui a au moins le mérite d'ouvrir la discussion sur ce point, sans doute l'un des plus importants du texte. Une autre question méritant une attention particulière est celle des gîtes : le ministre du budget nous a dit qu'ils n'étaient pas concernés, mais il semble que ceux qui ne relèvent pas de la MSA posent bel et bien problème, et je crois d'ailleurs savoir que le Gouvernement s'emploie à le résoudre...

Cet article est emblématique des débats sur notre protection sociale : devant son coût élevé, en effet, certains de nos concitoyens cherchent à se soustraire aux prélèvements qui la financent.

Les mesures les plus importantes pour l'économie de la branche maladie portaient cette année sur le médicament.

Je ne reviens pas sur les réserves que nous inspirent les multiples mécanismes de fiscalité du médicament ; nous les avons déjà exprimées au cours des années précédentes. Le Sénat n'a pas souhaité apporter de complexité supplémentaire à cette architecture déjà foisonnante ; c'est pourquoi il a supprimé la différenciation du mécanisme de régulation dit « taux L » en un double mécanisme applicable à la médecine de ville et à l'hôpital. Dans ce même but de simplification, et en complément de l'amendement gouvernemental adopté à l'Assemblée nationale prévoyant de faire porter le taux L sur l'évolution du chiffre d'affaires brut des entreprises - c'est-à-dire sans en retrancher les remises conventionnelles versées par les laboratoires dans le cadre des contrats passés avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) -, il prévoit que la remise versée au titre du taux L ne soit pas déduite du chiffre d'affaires de l'année « n 1 », afin de rendre les assiettes comparables d'une année sur l'autre. Estimant enfin qu'il avait déjà porté ses fruits sur la fixation du prix des médicaments contre l'hépatite C, il a supprimé la prorogation pour 2017 du mécanisme dit « W ».

S'agissant des biosimilaires, objets de l'article 50, nous avons prévu que non seulement l'interchangeabilité, concept au demeurant flou sur lequel Mme la ministre ne nous a guère éclairés, mais aussi la substitution se fassent à l'initiative du médecin. Ceci nous semble la conséquence logique de la volonté de développer le recours au biosimilaire sans rencontrer les réticences que nous connaissons vis-à-vis du générique. La commission des affaires sociales a également souhaité que les prescriptions hospitalières exécutées en ville comportent une part de prescription en biosimilaire, comme c'est déjà le cas pour le générique.

À l'article 51 relatif au régime des autorisations temporaires d'utilisation (ATU), il nous a semblé nécessaire de supprimer le dispositif substantiel, introduit en séance à l'Assemblée par le Gouvernement, créant un plafond de coût par traitement - fixé à 10 000 euros. Cette mesure, contrairement aux autres, n'a pas été suffisamment discutée avec les acteurs concernés, et nous craignons ses conséquences sur l'accès des patients aux médicaments innovants. Il nous semble nécessaire, pour le moins, qu'un nouveau dispositif soit trouvé.

Enfin, à l'article 52 relatif à la sécurisation des baisses de prix, nous avons poursuivi le travail de stabilisation de la rédaction entamé à l'Assemblée nationale, et qui pourra, je pense, être achevé sans dissension majeure.

Dans ce même esprit de simplification, l'amendement adopté par le Sénat à l'article 48 autorise les centres locaux d'information et de coordination (CLIC), gérés par les conseils départementaux, à prendre en charge, lorsqu'ils en ont la possibilité, les méthodes d'action pour l'intégration des services d'aide et de soins dans le champ de l'autonomie (MAIA), qui sont habituellement déployées par les agences régionales de santé (ARS). Il s'agit d'éviter le maintien ou la création de structures redondantes dans les cas où les compétences peuvent être réunies.

Je veux, avant de conclure, répondre au rapporteur Bapt sur le FSV. Je n'ai pas le sentiment que nous ayons outrepassé, au contraire, les conclusions du rapport d'information confié à mes collègues Gérard Roche et Catherine Génisson par la MECSS du Sénat. Nous avons simplement noté le transfert de 800 millions d'euros de la section III du FSV vers l'assurance maladie, et considéré qu'il aurait été préférable de réduire le déficit du Fonds, qui est de 3,8 milliards d'euros - et qui est supporté par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) puisque le plafond des transferts à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) est atteint.

Quant au Fonds de financement de l'innovation thérapeutique, il ne s'agit pas à proprement parler d'un fonds, puisqu'il n'a pas de recettes affectées et n'est alimenté, pour l'heure, que par la ponction, par définition non reconductible, sur les réserves du FSV. Le véritable fonds qui finance l'innovation thérapeutique, dans les faits, c'est l'ONDAM. Si l'on voulait créer un véritable fonds pour l'innovation, il faudrait le doter d'une recette pérenne, lui permettant de s'adapter au coût des molécules innovantes à financer. Ce n'est pas faire de la politique « politicienne » que de dire cela : c'est défendre une certaine logique comptable.

S'agissant de la formation du personnel hospitalier, enfin, nous avons proposé de couper en deux l'enveloppe de 300 millions d'euros affectée au Fonds de modernisation des établissements de santé, en prenant acte du prélèvement de 150 millions opéré en 2016 sur les réserves de l'ANFH, mais en supprimant celui, d'un montant identique, proposé pour 2017.

Je m'arrêterai là. Pour la troisième année consécutive, la discordance des majorités entre nos deux assemblées a néanmoins rendu possible certaines convergences, dans un climat aussi serein que constructif. D'importants désaccords de fond subsistent néanmoins et me paraissent de nature, je rejoins M. Bapt sur ce point, à empêcher l'élaboration d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017.

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