Intervention de Véronique Cayla

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 30 novembre 2016 à 9h30
Contrat d'objectifs et de moyens entre l'état et arte-france pour la période 2017-2021 — Audition de Mme Véronique Cayla présidente du directoire et de Mme Anne duRupty directrice générale d'arte-france

Véronique Cayla, présidente du directoire d'ARTE France :

Le COM pour 2012-2016 comportait deux volets : la relance éditoriale et le développement numérique.

Il s'agissait d'abord de conforter ARTE, chaîne culturelle franco-allemande fondée par un traité interétatique afin de rapprocher les peuples d'Europe, en la modernisant, c'est-à-dire en l'ouvrant davantage sur le monde, en l'ancrant dans la société actuelle et en la tournant vers l'avenir. Dès 2012, un nouvelle grille de programmes, plus simple et plus facile à mémoriser, apportait trois nouveautés. Un bloc d'informations, d'abord, cohérent et recentré sur l'international et l'Europe. Grâce à cette redéfinition de nos journaux télévisés et de l'émission 28 minutes, le nombre de téléspectateurs a doublé en cinq ans. Puis, nous avons consacré chaque semaine une soirée aux séries de fiction - ce qui n'était pas fréquent en 2012, et nous a donné un air de modernité. De même, une soirée a été réservée aux auteurs, notamment de cinéma. La chaîne a aussi changé de ton pour devenir moins docte, moins austère, s'ouvrir à de nouveaux publics et développer l'humour et même une pointe d'impertinence. Nous avons ainsi multiplié les programmes courts alliant l'agréable à l'instructif.

Le développement numérique s'est articulé autour de l'antenne d'ARTE, pilier du groupe, et a pris l'aspect d'une succession de plateformes thématiques - ARTE Concert, ARTE Info, ARTE Cinéma, ARTE Future et ARTE Creative - qui ont rapidement trouvé leur place sur Internet, où elles ont suscité le dialogue. ARTE Concert remporte un grand succès, jusque de l'autre côté de l'Atlantique, et ARTE Créative a rencontré immédiatement un public jeune. Nous avons créé aussi ARTE Europe, même si ce n'était pas prévu par le COM, car le Parlement européen et la Commission européenne nous ont soutenus pour diffuser nos programmes dans d'autres langues que le français et l'allemand. Depuis un an, ces deux institutions ont financé le sous-titrage en espagnol et en anglais de quelque 600 heures de programmes tirés du noyau dur d'ARTE : documentaires, spectacles, reportages, information... Depuis quelques semaines, nous sous-titrons aussi en polonais, et nous le ferons bientôt en italien, avec la collaboration active de la RAI.

Bref, le bilan de ce COM est positif. Les audiences, dont le Gouvernement souhaitait enrayer la baisse, sont remontées : en cinq ans, notre part de marché a augmenté de 50 % en France et de 30 % en Allemagne. Certes, elles restent modestes, et nous pouvons encore les faire progresser.

L'image d'ARTE s'est aussi améliorée, comme en témoignent les prix que nous avons reçus : ours d'or à Berlin cette année, pour le documentaire italien « Fuocoammare », ours d'argent pour L'avenir de Mia Hansen-Løve, deux prix à Cannes pour Le client d'Asghar Farhadi, prix du meilleur téléfilm pour Tuer un homme à la Rochelle, et grand prix du documentaire au festival de Toronto - qui est une porte d'entrée vers les États-Unis - pour Je ne suis pas votre nègre de Raoul Peck, désormais en compétition pour les Oscars.

Nous avons rajeuni notre audience, ce qui n'est jamais facile pour une chaîne historique. J'estime en effet que ce ne sont pas les programmes qui vieillissent, mais les supports de leur diffusion. De fait, l'âge moyen de nos spectateurs dépasse 60 ans sur l'antenne, avoisine 45 ans sur Internet et tombe à 35 ans sur les réseaux sociaux. Aussi faut-il aller chercher le public jeune là où il se trouve.

Tous les objectifs du COM ont été atteints, voire dépassés - sauf ceux relatifs à la redevance... Mais beaucoup reste à faire, puisque nous n'avons parcouru que la moitié du chemin que nous avions dessiné en arrivant.

Le COM pour 2017-2021 s'organise autour de trois axes : franchir un nouveau cap éditorial en enrichissant les programmes, mieux diffuser ces programmes grâce à une politique d'hyper-distribution et continuer à faire d'ARTE une chaîne responsable, citoyenne et solidaire.

Le passage de la SD à la HD, au printemps dernier, a fait découvrir à une partie de notre public que le nombre de chaînes en clair n'était pas d'une dizaine, mais de près d'une trentaine. Nous avons enregistré une perte d'audience importante pendant la journée ; nos programmes du soir ont mieux résisté. Il est vrai que notre offre en journée ne comporte que trois heures de programmes inédits par mois, auxquels s'ajoutent trois heures produites par l'Allemagne. C'est peu ! Du coup, les rediffusions se comptent par dizaines, ce qui lasse. Aussi avons-nous demandé à notre tutelle de donner la priorité à l'enrichissement des programmes. C'est l'objectif premier du COM 2017-2021 et, l'année prochaine, la totalité des ressources supplémentaires y sera consacrée, avec un effort particulier en faveur de la création.

Nous avons entamé une politique d'hyper-distribution, notamment sur les réseaux sociaux. La révolution numérique ne fait que commencer, et nous devons nous préparer à naviguer sur un océan totalement délinéarisé, où seuls quelques îlots rassembleront parfois de fortes audiences en direct. La différence entre l'antenne et l'Internet s'estompe au sein de nos publics. Nous devons encourager cette tendance, en irriguant le linéaire par le non-linéaire et réciproquement. ARTE + 7 deviendra le premier vecteur de diffusion de nos programmes. C'est une petite révolution !

Nous développerons aussi notre présence sur les réseaux sociaux, afin d'élargir et de diversifier notre audience, ce qui servira la démocratisation de la culture en France. Pour cela, nous formerons nos équipes, surtout éditoriales, à l'utilisation des réseaux sociaux. Et nous publierons de petites vidéos sur chaque sujet, pour attirer de nouveaux publics. De même que le premier COM nous a fait passer de l'antenne à l'Internet, rendant nos équipes bi-médias, le prochain sera l'occasion pour elles de devenir tri-médias : antenne, Web et réseaux sociaux. Plutôt que d'embaucher, nous veillerons à la formation de chacun.

Enfin, nous nous efforcerons de mieux diffuser nos programmes en Europe. Si 85 % d'entre eux sont européens, leur contenu s'adresse souvent à la France ou à l'Allemagne, ou à ces deux pays, mais pas à l'ensemble des pays d'Europe. Aussi devons-nous développer les co-productions européennes. Déjà, nous avons tissé un réseau de chaînes partenaires, que viennent de rejoindre une chaîne irlandaise et la RAI - après 25 ans de négociations ! Sur chacune des plateformes d'ARTE Europe, nous introduirons des programmes des chaînes partenaires pour aboutir à une constellation multilingue respectant la spécificité de chacun.

Troisième objectif : faire d'ARTE une entreprise toujours plus citoyenne et responsable. Nous devons appliquer à notre gestion les valeurs que porte notre antenne, et en particulier la diversité et la parité. Déjà, nos équipes sont très féminines : toutes nos présentatrices de journaux sont des femmes, en France comme en Allemagne.

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