Intervention de Philippe Duron

Commission mixte paritaire — Réunion du 30 novembre 2016 à 17h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre paris et l'aéroport paris-charles de gaulle

Philippe Duron, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale :

Le projet CDG Express est indispensable pour l'intérêt de la capitale, de la région, mais aussi du pays tout entier. C'est un enjeu d'attractivité pour notre territoire, d'efficacité pour l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, dont le trafic va continuer d'augmenter, et de mobilité pour l'Île-de-France. En effet, les infrastructures routières menant à l'aéroport sont presque saturées aujourd'hui - l'autoroute A1 le sera complètement en 2030 - et la liaison ferroviaire par le RER B est mal adaptée, donc peu empruntée par les usagers de l'aéroport. Le CDG Express s'impose, et le Sénat partage à l'évidence cette préoccupation.

Le projet a connu beaucoup de vicissitudes. Le dernier projet de concession globale, qui associait infrastructure et exploitation, n'a hélas pas pu aboutir. Il a fallu reprendre le dossier, de façon très pragmatique. Aucun candidat à la construction de l'infrastructure ne s'était présenté. Il a donc fallu trouver une solution innovante, sous la forme d'une société de projet associant ADP, évidemment très intéressé par cette infrastructure, et SNCF Réseau, qui possède les deux tiers de l'emprise de la future liaison et possède l'expertise nécessaire. Ce projet de loi vise aussi à associer la CDC, qui possède une grande expérience des montages financiers complexes et des problématiques juridiques liées à ce type d'infrastructure, comme en témoigne la rocade L2 de Marseille.

Le Sénat a amélioré le texte adopté par l'Assemblée nationale. Louis Nègre a rappelé les deux articles dont il a été l'excellent rédacteur, sur la CDC et sur le délai d'expropriation afin de favoriser les négociations amiables avec les propriétaires sur les huit kilomètres de ligne projetée entre Mitry-Mory et l'aéroport.

De nombreuses discussions ont eu lieu dans nos deux assemblées sur les questions financières et la règle d'or. Quant au financement, le tour de table n'est pas complètement bouclé. Il faudra attendre l'entrée de la CDC pour savoir comment la répartition de l'apport en capital se fera.

Pour pouvoir emprunter le milliard d'euros nécessaire à l'équilibre du projet, il fallait donner aux banques des gages de confiance : tel était le sens de la taxe sur les billets d'avion initialement prévue. Sur ce point, le Gouvernement a entendu les remarques des parlementaires, nombreux à s'inquiéter de l'avenir d'Air France et donc de l'impact de cette taxe, qui n'apporterait aucun avantage durant la construction de la ligne. Le Gouvernement a accepté de reporter à 2024 l'application de cette taxe ; il proposera, dans le projet de loi de finances rectificative, un moyen de financement intermédiaire pour compenser ce report.

Reste la question de la règle d'or. En politique, il faut souvent choisir entre deux inconvénients. L'orthodoxie, le respect rigoureux de la règle d'or, risquent d'empêcher purement et simplement la réalisation du projet. Or, nous en convenons tous, il est impératif qu'il aboutisse, dans un délai extrêmement contraint. Notre candidature à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 ainsi qu'à l'Exposition universelle implique l'achèvement des travaux avant la fin de 2023. Par conséquent, la société de projet doit être montée d'ici à la fin de cette année et les procédures foncières engagées dès le début de 2017.

Il faut trouver un compromis. Le Sénat, dans sa grande sagesse, a adopté l'amendement déposé par M. Vincent Capo-Canellas. Je vous propose de nous fonder sur cette rédaction, mais de la modifier légèrement pour mieux garantir la sécurité juridique et nous référer de manière plus précise à l'ordonnance du 18 février 2016.

Pourquoi ce besoin de sécurité juridique ? Le montage ici utilisé est tout à fait particulier, il faut le rendre « euro-compatible ». L'Union européenne a déjà fait une exception en acceptant que la création de cette infrastructure ne fasse pas l'objet d'une mise en concurrence. Or elle devra bientôt se prononcer sur le montage financier retenu. Si l'on fait disparaître tout risque pour le concessionnaire, le contrat devient léonin et peut être requalifié d'aide d'Etat.

Nous devons déterminer comment doter Paris d'une infrastructure qui lui manque cruellement. La plupart des grandes plateformes aéroportuaires mondiales ont une liaison ferroviaire directe avec la métropole qu'elles desservent.

Je veux en outre me démarquer des craintes qui ont été exprimées quant au modèle économique retenu. On me dit que le ticket serait trop cher, mais que recherchent les usagers ? D'abord un temps de parcours réduit, c'est ce qui a fait le succès des lignes à grande vitesse, ensuite le confort de parcours. Si les passagers aériens n'utilisent pas le RER B, c'est parce qu'il est saturé, même en dehors des heures de pointe, qu'il est parfaitement inadapté au transport des bagages et que des incidents de sécurité se sont parfois produits. Ils préfèrent payer la moitié d'une course de taxi pour être sûrs d'arriver à temps, et dans des conditions agréables.

À mon grand regret, on a peu parlé du taux de rendement interne (TRI) projeté pour cette infrastructure. Si la Caisse des dépôts et consignations s'intéresse à ce dossier, c'est bien parce que le TRI n'est pas médiocre : il doit approcher 9 %, niveau tout à fait exceptionnel pour de telles infrastructures. Le volume du trafic aérien ne cesse de croître et, si l'on en croit tous les experts, cela continuera.

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